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Exclus et traumatisés : la situation des mineurs non accompagnés en France

Un mineur devant la fenêtre - projet passerelle
Un jeune regarde par la fenêtre dans le hall d’entrée de l’hôtel. © Augustin Le Gall/Haytham

Les jeunes personnes mineures qui arrivent en France sont les rescapés d’un voyage extrêmement violent, que des politiques de dissuasion des migrations à tout prix rendent de plus en plus dangereux. Leur détresse est exacerbée par la maltraitance et l’exclusion institutionnelle organisée qu’ils rencontrent sur le territoire français.

Derrière le terme administratif de “mineurs non accompagnés” (MNA) se trouvent des adolescents de moins de 18 ans, originaires de pays étrangers et arrivant en France sans famille. Certains ont choisi de quitter leur pays, la plupart y ont été contraints. Alors que les lois et les conventions internationales obligent la France à les protéger, très peu est mis en oeuvre pour les mettre enfin à l’abri et prendre soin d’eux. Pire, l’administration française leur impose des démarches volontairement complexes et excluantes, basées sur une instruction à charge de leur dossier. Ce système pousse ainsi les jeunes vers toujours plus d’errance et de précarité et permet aux autorités de se dédouaner de toute responsabilité. 

Mise à jour en novembre 2020 :

En 2020, la situation des mineurs non-accompagnés en France ne s’est pas améliorée. Les associations et citoyens solidaires sont toujours obligés de palier les manquements des départements qui refusent de prendre en charge les adolescents dont la minorité a été contestée par une première évaluation mais qui ont saisi le juge des enfants pour contester cette décision.

Ainsi, entre janvier et fin octobre 2020, 240 nouveaux mineurs ont été admis au centre d’accueil et d’orientation de MSF à Pantin et ont pu y bénéficier d’un accompagnement juridique, social, médical et psychologique.

Depuis l’ouverture de ce centre, plus de 1 750 jeunes ont été accompagnés de la sorte par Médecins Sans Frontières faute de solution offerte par les pouvoirs publics. Cela représente 7 158 consultations infirmières, 4 816 interventions en santé mentale, 738 saisines auprès d’un juge des enfants ou encore 3 832 consultations sociales pour orienter ces jeunes dans leurs besoins primaires : se nourrir, se laver, se vêtir, prendre des cours de français et ouvrir des droits à une couverture maladie. 201 jeunes ont par ailleurs été hébergés et accompagnés par des travailleurs sociaux MSF sur la période.

L’année 2020 a été particulièrement marquée par la Covid-19 et par l’abandon total de ces jeunes face à la pandémie par les pouvoirs publics, qui les ont laissés à la rue alors que le pays entier était invité à se confiner. En complément de ses activités régulières, MSF a ainsi pris en charge l’hébergement d’urgence de 217 jeunes à Paris, Marseille, Bordeaux et Montpellier entre janvier et juin 2020.

En juillet, un nouveau programme a ouvert à Marseille qui comprend un hébergement pour les mineurs non-accompagnés en recours ainsi que la coordination avec des partenaires locaux pour garantir à ces jeunes un accompagnement médical, juridique, psychologique et social. 40 jeunes ont pu en bénéficier à ce jour.

Toujours plus d’un jeune sur deux qui a pu saisir le juge des enfants pour demander la réévaluation de son dossier est finalement reconnu mineur et placé sous la protection de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), et ce après une période allant de plusieurs mois à une année laissés livrés à eux-mêmes.

Nana, Guinéen de 16 ans vient juste d'arriver en France.  
 © Mohammad Ghannam/MSF
Nana, Guinéen de 16 ans vient juste d'arriver en France.   © Mohammad Ghannam/MSF

42,5 % des jeunes reconnus mineurs

En 2018, 40 000 jeunes sont entrés sur le territoire français et seuls 17 000 ont été reconnus mineurs non accompagnés par les départements et placés auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance.

Source : cellule des Mineurs non accompagnés (MNA) du ministère de la Justice

Un parcours migratoire traumatisant

Les mineurs non accompagnés arrivent en France après un parcours long, chaotique et souvent traumatique. La violence fait partie du voyage. A celle qui les a poussés à tout abandonner dans leur pays d’origine, s’ajoute celle, parfois extrême, rencontrée sur les routes de l’exil, notamment lors de la traversée de la Libye (captivité, violence sexuelle, sévices corporels, ...).

En 2018, 87% des jeunes suivis par MSF déclarent lors de leur consultation médicale à Pantin avoir subi des violences, tortures ou maltraitances au long de leur parcours migratoire.

Mark* revient sur son départ du Cameroun et son périple à travers la Libye. Un témoignage lu par Victorien Robert.
* Le prénom a été modifé

L’arrivée en France ne laisse guère de répit. Livrés à eux-mêmes, sans repères et sans ressources, ils sont particulièrement vulnérables. Pour qui ne veut pas dormir dans la rue, il faut comprendre immédiatement les procédures et se frayer rapidement un chemin dans le dédale administratif français.

Complexité du système

D’un point de vue administratif, les démarches de prise en charge des mineurs non accompagnés sont un véritable casse-tête. La première étape est de faire évaluer sa minorité et son isolement auprès de l’administration. Cette évaluation consiste notamment en un entretien qui ne dure parfois que quelques dizaines de minutes, à l’issue duquel il sera décidé si le jeune est à la fois mineur et non accompagné et s’il bénéficiera à ce titre d’une prise en charge par les services de l’Aide Sociale à l’Enfance. 

En France, tout jeune de moins de 18 ans, qu’il soit français ou étranger, qui n’a pas de parent ni de tuteur légal doit être protégé et pris en charge pour l’hébergement, l’accès aux soins et la scolarisation par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

Se retrouver à la rue

Offrir un hébergement spécifique, immédiat et inconditionnel, d’une durée minimale de cinq jours est une obligation légale vis-à-vis de tout mineur se présentant devant un département pour une évaluation. Cependant, des centaines d’exilés adolescents expliquent n’avoir bénéficié d’aucun hébergement provisoire d’urgence dans le cadre de leur évaluation et dorment actuellement dans les rues partout en France en attendant que leur minorité soit reconnue par les dispositifs de l’Etat.

Témoignage

« J’ai voulu aller dormir à gare du Nord, mais il y a des personnes qui boivent de l’alcool ou qui prennent de la drogue. Alors j’ai peur de rester là-bas, c’est pour cela que je dors à République, près du canal. »

Les jeunes qui arrivent auprès des équipes de Médecins Sans Frontières dans le centre de Pantin sont ceux qui, à l’issue de l’entretien d’évaluation de la minorité, n’ont pas convaincu. La décision est tombée : bien qu’ils affirment le contraire, ils ne sont pas considérés comme mineurs par l’administration. Ils ne bénéficieront d’aucune aide pour se loger, se nourrir, se soigner, se scolariser ; en d’autres termes, pour vivre et s’intégrer. En 2018, plus de la moitié d’entre eux vivaient dans la rue lors de leur premier rendez-vous au centre.

Des réfugiés dorment sur un trottoir à la Porte de la Chapelle. 
 © Antoine Kremer/MSF
Des réfugiés dorment sur un trottoir à la Porte de la Chapelle.  © Antoine Kremer/MSF

Leur seul recours est alors de se tourner vers un juge pour tenter d’obtenir protection. Ces démarches sont une fois encore longues et complexes. Nombre d’entre eux dépendent alors des associations et de mouvements de solidarité citoyens pour leur survie, l’Etat se dérobant à son obligation de prise en charge au titre de la protection de l’enfance, tout jeune devant légalement être considéré comme mineur jusqu’à épuisement des voies de recours. 

Pourtant, ils sont nombreux, après avoir contesté cette première décision devant le juge des enfants a finalement voir leur minorité reconnue, reflétant les défaillances des procédures d’évaluation souvent expéditives et arbitraires menées par les départements.

57,7% des jeunes reconnus mineurs suite à un recours

Sur les 431 mineurs non accompagnés suivis au centre de Pantin qui ont pu saisir le juge des enfants en 2018 pour demander réévaluation de leur dossier et une protection, 57,7% ont finalement été reconnus mineurs et placés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

Difficultés d’accès aux soins

Pour les jeunes isolés étrangers, l’accès aux soins est un véritable défi : ni mineurs, ni majeurs, leur prise en charge est souvent partielle et discontinue et les démarches pouvant leur permettre de bénéficier d’une protection sociale sont très lourdes ; alors que la France a l’obligation de garantir l’accès aux soins et à une protection pour tous les mineurs sur son territoire. Or, l’Etat ne considère pas le statut particulier de ces jeunes. Pourtant, compte tenu de la dureté de la route migratoire, des tortures parfois subies et des conditions de vie dans la rue, une prise en charge tant médicale que psychologique est nécessaire. 

Parmi les jeunes suivis par les psychologues du centre MSF à Pantin, 34% souffrent de syndromes psychotraumatiques, qu’il convient de traiter rapidement afin d’éviter qu’ils ne s’installent durablement. La prise en charge des jeunes patients isolés étrangers est complexe car elle doit prendre en compte l’état de précarité extrême dans lequel ils se trouvent. Elle est parfois impossible lorsqu’ils ne sont pas admis à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

Consultation médicale dans le centre MSF de Pantin, septembre 2018.
 © Augustin Le Gall
Consultation médicale dans le centre MSF de Pantin, septembre 2018. © Augustin Le Gall

Dans les faits, le système de prise en charge de ces jeunes isolés ne permet pas de les sortir de la précarité, ni a fortiori d’assurer leur accès aux soins. Pire, il semble être pensé de façon à les décourager de prétendre à l’aide à laquelle ils ont pourtant droit.

Notes

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