Cette crise dure maintenant depuis près de deux ans, quelles sont les perspectives pour les déplacés de l'Etat de Borno ?
La situation n’a pas beaucoup évolué. On compte toujours environ 1,6 millions de personnes déplacées dans le nord-est du Nigeria. L’immense majorité se trouve à Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno ; 90% vivent au sein de la communauté et 100 000 autres sont réparties sur une dizaine de camps répartis dans la ville.
S’il a été question à un moment de renvoyer les déplacés vers leurs localités d’origine, le manque persistant de sécurité dans ces zones fait que cette intention ne semble plus être d’actualité. Les autorités de Borno souhaitent désormais fermer plusieurs camps de Maiduguri et regrouper ces personnes déplacées sur six sites uniquement, toujours dans la capitale, pour pouvoir, peut-être, reprendre les activités et un fonctionnement « normaux » dans les écoles et/ou universités qui ont, jusque-là, servi à héberger ces déplacés et mieux contrôler la situation sécuritaire, ainsi que l’aide déployée dans les camps.
Quelles sont nos activités ?
Actuellement, MSF assure la surveillance sanitaire dans tous les camps de déplacés de Maiduguri ; nous menons également des activités d’hygiène et d’assainissement dans sept d’entre eux et assurons des soins médicaux sur deux sites.
Nos équipes travaillent également à Maimusari, un quartier de Maiduguri ancien bastion de Boko Haram, au sein de la communauté hôte. Maimusari est une zone défavorisée, où la population, résidente comme déplacée, est très vulnérable et dont les besoins de base sont loin d’être pourvus. Nous y avons ouvert un dispensaire où nous assurons des consultations externes, des soins maternels et une prise en charge nutritionnelle. MSF gère un autre centre de santé dans le quartier de Bolori II (ex-fief Boko Haram également), où nous assurons des consultations externes, ainsi que des activités nutritionnelles et de maternité.
Nous sommes aussi présents à l’Infectious Diseases Hospital de Maiduguri (urgences, pédiatrie et centre nutritionnel). Enfin, nous intervenons à l’hôpital Umaru Shehu au niveau de la salle d’urgence. Nous prévoyons d’y établir un projet chirurgical dédié uniquement aux déplacés. En collaboration avec les équipes de l’hôpital, nous offrirons des soins chirurgicaux allant de la prise en charge des traumatismes simples, à la gestion des victimes d’attentats qui pourront nous être envoyées, notamment par le Comité International de la Croix Rouge qui intervient dans une autre structure du ministère de la Santé (chirurgie). Nous pourrons aussi assurer des soins aux brûlés ; car, au moment de la saison « froide », de nombreuses personnes vivant dans des habitats précaires, et particulièrement des enfants, sont brûlés au cours d’accidents domestiques, notamment à cause de moyens de chauffage non adaptés, non sécurisés.
Que souhaite-t-on faire dans les mois à venir ?
Lorsque le nombre total de camps sera rapporté à six, nous continuerons à assurer la surveillance sanitaire globale ainsi que les activités médicales, d’hygiène et d’assainissement mais uniquement sur deux sites. Il est capital de rester présents dans les camps : c’est le seul moyen de suivre réellement et concrètement l’évolution de la situation des déplacés.
Nous maintiendrons aussi nos activités à Maimusari, Bolori II et Umaru Shehu Hospital. Une fois que la réhabilitation du centre de santé de Maimusari sera terminée, nous y transférerons les activités actuellement menées à l’Infectious Diseases Hospital.
L’hygiène et l’assainissement seront assurés sur les sites et structures où nous travaillerons. Mais nous souhaiterions passer une partie des activités hygiène et assainissement à d’autres acteurs.
A ce jour, notre intervention est exclusivement centrée sur et dans la ville de Maiduguri. La dernière fois que nous en sommes sortis c’était en février 2015, pour aller évaluer un hôpital situé à Monguno et voir si nous pouvions y travailler. Le lendemain, les ex-Boko Haram attaquaient la ville de Baga et toute la population a alors fui vers Maiduguri ; idem pour Monguno qui s’est vidée.
Aujourd’hui, les autorités souhaitent que les populations vivant en zones rurales rejoignent des villes comme Bama, Baga, Monguno etc. et y demeurent, le temps que l’armée nigériane mène des offensives aux alentours. Ceux qui n’auront pas rejoint à temps les centres urbains seront considérés, de fait, comme sympathisants voire membres de Boko Haram. Ce qui nous inquiète aussi, c’est que rien dans les villes censées accueillir tous ces gens ne semble être prévu en termes d’accueil (soins, nourriture, abris etc.) Nous devrons suivre cela de près. Mais le nord-est du Nigeria reste une zone très dangereuse et, avant toute chose nous devons être sûrs que nos équipes pourront circuler et travailler en sécurité.