Sonia pousse la porte vitrée du bureau d’assistance aux migrants. Elle boite jusqu’à l’intérieur et explique au premier officier qui croise son chemin qu’elle a besoin de passer un coup de fil aux États-Unis. Il pointe du doigt un téléphone et lui indique le code nécessaire pour passer son appel. Elle marche jusqu’au bureau où l’appareil repose, attrape le combiné en tremblant et compose un numéro.
- Allo ?
- …
- Bonjour, non, je suis à Reynosa, ils me renvoient au Mexique, ils m’ont attrapée pendant le trajet. J’ai essayé de m’échapper mais je suis tombée et ils m’ont attrapée avec un chien.
- …
- Je suis blessée à la main et au pied mais rien de sérieux. J’ai faim, je n’ai rien bu depuis hier et je n’ai pas d’argent. J’ai besoin d’aide.
- ...
- Non, je ne veux pas rentrer au Guatemala, j’ai besoin que tu m’aides…
Nous sommes vendredi, à la fin du mois d'août 2021. Sonia vient juste d’être expulsée des États-Unis sur le pont international qui relie Hidalgo, au Texas, à Reynosa, au Mexique. En face du bureau où elle demande de l'aide, et à seulement 100 mètres du poste frontalier, se trouve la Plaza de la República. Ces derniers mois, cet endroit est devenu un symbole puissant de l'échec des politiques restrictives de migration, qui ne découragent pas les migrants et les demandeurs d’asile, mais ont créé, au contraire, une tragédie humanitaire.