L’obligation de se présenter en préfecture, associée pour de nombreux jeunes à la peur de la police et de l’arrestation, risque d’en effrayer beaucoup, qui se détourneront donc des dispositifs de protection de l’enfance. C’est ce qui commence à remonter en pratique dans les départements pilotes où est expérimentée la nouvelle réglementation. Cela génère une situation où les jeunes font tout pour tenter de survivre par eux-mêmes et disparaître des radars, et sont en situation de plus en plus précaire et exposés à toutes sortes d’abus. Les garanties qui encadrent ce passage en préfecture sont totalement insuffisantes, comme en témoignent l’absence d’interprète ou d’accompagnement des mineurs par une personne chargée de veiller à leur intérêt.
Il est prévu que le résultat de l’évaluation menée par les départements soit transmis à la préfecture, qui aura la mainmise pour appliquer les procédures de lutte contre l’immigration irrégulière et sera donc en capacité d’expulser le jeune du territoire français. Ces expulsions pourront intervenir immédiatement. Si le jeune se tourne vers le juge des enfants pour contester la décision du département, rien n’oblige la préfecture à attendre la décision finale du juge avant de d’ordonner une expulsion. Nous constatons pourtant au quotidien que les évaluations telles qu’elles sont conduites aujourd’hui par les départements sont défaillantes et que le recours au juge est essentiel. Dans un cas sur deux en moyenne, lorsque le juge est saisi par des jeunes que les départements ont refusé de placer à l’Aide sociale à l’enfance, il ordonne leur protection au motif qu’ils sont bel et bien mineurs et en danger[1].
3) Dans l’expérience de MSF, le juge des enfants a donc établi dans plus d’un cas sur deux la minorité de jeunes que les départements ont refusé de prendre en charge et déclarés majeurs. Quel est le problème avec ces évaluations telles qu’elles sont conduites aujourd’hui ?
La loi française prévoit que les jeunes se déclarant mineurs et non accompagnés doivent être accueillis et hébergés provisoirement par les services des départements afin que leur situation soit examinée. Ces jeunes doivent être entendus par des évaluateurs qui auront pour mission de déterminer s’ils sont mineurs ou non.