Gaza : Abdul Rahman, 15 ans, blessé par un drone de l’armée israélienne

Abdul Rahman sur son lit dans l'hôpital MSF d'Amman, avec sa mère. Août 2024. Jordanie.
Abdul Rahman sur son lit dans l'hôpital MSF d'Amman, avec sa mère. Août 2024. Jordanie. © Moises Saman/Magnum Photos

Depuis le 7 octobre 2023, plus de 95 000 personnes, dont plus de 12 000 ont besoin d’une évacuation médicale urgente, ont été blessées à Gaza par des attaques israéliennes. À l’issue d’un processus long et opaque, nécessitant l’approbation des autorités israéliennes, seule une infime partie des blessés palestiniens ont été autorisés à quitter ce territoire. Parmi eux, Abdul Rahman, 15 ans, actuellement pris en charge à l’hôpital MSF d’Amman en Jordanie. Il nous livre son témoignage.

Ce jour-là, ma mère dormait. C’était en février. Je suis sorti de la maison avec mon cousin et un ami pour trouver de la nourriture. Nous nous sommes rendus dans un endroit où des soldats israéliens étaient restés quelque temps auparavant, car ils laissent souvent du sel ou de la farine. Je voulais faire plaisir à ma mère en lui en ramenant. 

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Nous étions près de la rue Al-Rashid, sur le front de mer, quand nous avons aperçu des soldats israéliens, alors nous avons commencé à courir. J’étais au milieu, mon cousin et mon ami étaient à mes côtés. Nous avons entendu le bourdonnement d’un drone qui volait au-dessus de nous. Soudain, j’ai eu l’impression de tourner sur moi-même et je ne voyais plus rien. Quand j’ai repris connaissance, mon cousin me traînait sur le bord de la route. Il m’a dit : « Si on reste ici, on va tous mourir. » Il a attaché quelque chose autour de ma jambe et s’est enfui. 

Abdul Rahman reçoit des soins dans sa chambre de l'hôpital d'Amman en Jordanie.
 © Moises Saman/Magnum Photos
Abdul Rahman reçoit des soins dans sa chambre de l'hôpital d'Amman en Jordanie. © Moises Saman/Magnum Photos

J’ai commencé à ramper vers le trottoir. J’entendais encore des projectiles tomber près de moi. J’ai continué comme ça pendant environ une heure. Je me souviens qu’il y avait des chiens autour de moi. J’ai crié à l’aide, puis je me suis évanoui. À un moment donné, un jeune homme est apparu. Il m’a soulevé et m’a porté sur son épaule. Je me souviens qu’il me déposait parfois au sol, puis me relevait et continuait à marcher. Après un certain temps, il m’a mis sur une planche de bois et, avec l’aide d’autres personnes, ils m’ont porté jusqu’à l’hôpital jordanien de Gaza. 

Soins à Gaza

 

 

 

À l’hôpital jordanien, les médecins pensaient devoir lui amputer la jambe. Il a été transféré à l’hôpital Al-Ahli Arabi où les chirurgiens ont pratiqué une opération d’urgence et ont réussi à sauver sa jambe. En raison du manque de fournitures médicales à Gaza, les chirurgiens l’ont opéré sans anesthésie. 

 

Les médecins frottaient de l’iode à l’intérieur de la plaie pour éviter qu’elle ne s’infecte. C’était une torture. Au bout de trois semaines, ils m’ont transféré à l’hôpital Al-Shifa, car l’armée israélienne larguait des bombes près de l’hôpital Al-Ahli Arabi et l’endroit n’était plus sûr. 

Nous sommes restés à Al-Shifa pendant deux mois. Il y avait des massacres tous les jours. Lorsque les Israéliens ont attaqué l’hôpital en mars, nous avons dû fuir. Il n’y avait pas de voitures, alors nous avons dû nous rendre dans le sud de Gaza à dos d’âne. Chaque fois que nous rencontrions des Israéliens, ils nous intimidaient et nous obligeaient à lever les mains et à descendre des ânes. 

Évacuation médicale

Quand Abdul Rahman et sa famille sont arrivés dans le sud de Gaza, il a été admis à l’hôpital Yousef Al-Najar de Rafah. Au bout d’une semaine, lui et sa mère ont obtenu l’autorisation d’être évacués médicalement vers un hôpital du Caire, en Égypte, avant d’être transférés à l’hôpital MSF d’Amman, en Jordanie, quelques mois plus tard.  

À l’hôpital MSF, Abdul Rahman a subi une opération chirurgicale pour modifier le fixateur externe de sa jambe droite et a suivi une physiothérapie quotidienne pour favoriser la guérison de son os. Il a également bénéficié d’un soutien en santé mentale. 

 

Avant d’arriver à Amman, je ne pouvais me déplacer qu’avec un fauteuil roulant. Désormais, je peux marcher avec des béquilles. Grâce à la physiothérapie, je vais un peu mieux chaque jour. Nous aimerions retourner à Gaza une fois que la ville sera reconstruite, mais toutes nos maisons ont été détruites. Je veux retrouver mon père, mes frères et mes sœurs qui sont toujours à Gaza. Je rêve souvent d’eux. Quand je serai plus grand, j'espère devenir chirurgien, car ils m'ont beaucoup aidé, alors maintenant, je veux aider les autres.

Notes

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