Gaza : après les bombardements, soigner les blessures

Les décombres de la tour Al-Shorouq, bombardée par l'armée israélienne. Mai 2021, Gaza.
Les décombres de la tour Al-Shorouq, bombardée par l'armée israélienne. Mai 2021, Gaza. © MSF

Entre le 10 et le 21 mai, des bombardements et des tirs d’artillerie israéliens ont tué plus de 250 personnes et blessé près de 2 000 autres dans la bande de Gaza. En l’espace de seulement onze jours, beaucoup de Gazaouis ont vu leurs maisons et leurs vies détruites.

Des infrastructures vitales telles que les routes, les installations sanitaires, les structures de santé et les écoles – dont beaucoup avaient déjà été endommagées par les précédentes offensives israéliennes – ont été détruites. La moitié du réseau électrique de Gaza ne fonctionne plus et une dizaine d’établissements de santé, dont le laboratoire central d’analyses pour les tests de Covid-19, ont été touchés.

Des blessures à vie

« C’était le premier jour de l’Aïd », se rappelle Hani. Le jeune homme de 26 ans était en train de rentrer chez lui après avoir fait des courses pour préparer la fin du Ramadan lorsqu’il a été blessé. « Je m’apprêtais à ouvrir la porte de chez moi lorsqu’un missile a frappé le bâtiment d’à côté ». Hani et l’un de ses voisins ont été gravement blessés par le bombardement, et deux autres voisins ont été tués sur le coup.
Les os de la jambe du jeune homme ont été brisés par des débris. Incapable de bouger, il a protégé sa tête et attendu que les bombardements s’arrêtent. Quatre frappes distinctes ont eu lieu avant que les ambulanciers arrivent pour le transporter à l’hôpital. Dix jours après l’accident, les effets à long-terme de ses blessures sont toujours durs à accepter. Hani aura besoin de plusieurs opérations de chirurgie reconstructrice et de chirurgie plastique avant de pouvoir marcher à nouveau.

Les décombres d'un bâtiment effondré à Gaza City, après son bombardement. Mai 2021, Gaza.
 © MSF
Les décombres d'un bâtiment effondré à Gaza City, après son bombardement. Mai 2021, Gaza. © MSF

« La violence de ces dernières semaines a créé une énorme cohorte de nouveaux patients, qui vont devoir faire face à des situations de handicap et à plusieurs séries d’opérations chirurgicales au cours des mois et même des années à venir », explique Helen Ottens-Petterson, cheffe de mission pour Médecins Sans Frontières à Gaza.

Privés d’accès aux soins

Pendant l’offensive, beaucoup de personnes à Gaza n’ont pas pu être soignées à cause des pénuries de médicaments et de fournitures médicales.

Mohammed a dû se rendre à l’hôpital à plusieurs reprises, faute de traitement disponible. Blessé par balle à la jambe pendant la Marche du retour de 2018, il a dû être opéré 30 fois au cours des trois dernières années. En mai, il a terminé un traitement lié à une infection des os et a finalement pu sortir de l’hôpital. C’est à ce moment-là que l’offensive a commencé. « La pharmacie a augmenté ses prix dès que les bombardements ont commencé et je n’avais plus les moyens de payer mes pansements et mes médicaments », raconte l’homme de 31 ans. Ses blessures se sont à nouveau gravement infectées. « C’était 11 jours de massacre. C’est ce que c’était. »

Le point de passage d’Erez, entre Israël et Gaza, est resté fermé pendant 10 jours, sans possibilité d’approvisionner les stocks médicaux des structures de santé prenant en charge les blessés. Lorsqu’elles ont enfin pu rentrer dans la bande de Gaza le 24 mai dernier, les équipes MSF venues en renfort ont apporté des fournitures médicales, notamment des poches de sang. L’accès humanitaire reste un défi dans l’enclave ; les pénuries de certains biens essentiels, dont les médicaments, et de services comme l’électricité ou le gaz, étaient déjà courantes bien avant cette offensive.

Un magasin détruit après une frappe aérienne dans l'une des rues de Gaza City. Mai 2021, Gaza.
 © MSF
Un magasin détruit après une frappe aérienne dans l'une des rues de Gaza City. Mai 2021, Gaza. © MSF

Renforcer la réponse médicale

« Gaza est dans un état de crise humanitaire permanente. Le blocus en place depuis des années et l’escalade des violences ces dernières semaines ont rendu la situation encore plus catastrophique qu’elle ne l’était déjà, ajoute Helen Ottens-Patterson. Le cessez-le-feu qui est en place tient depuis une semaine, mais nous sommes inquiets pour les Gazaouis qui doivent faire face à ces destructions ».

Les équipes MSF à Gaza ont continué de travailler pendant l’offensive, dans des conditions souvent dangereuses. Elles étaient parfois tout simplement incapables d’assurer les services médicaux. Une clinique de MSF située dans la ville de Gaza a été endommagée par les bombardements aériens et est restée hors service pendant plusieurs jours. Les consultations ambulatoires ont cependant pu reprendre le 20 mai et, depuis que les bombardements se sont arrêtés, MSF a renforcé ses activités régulières.

L’hôpital d’Al-Awda, dans lequel l’association dirige une unité chirurgicale, a aussi été touché par trois frappes aériennes, qui ont détruit trois bâtiments du quartier de Jabalia. Le bureau logistique de MSF, situé dans l’hôpital, ainsi que plusieurs fenêtres et d’autres installations ont également été endommagés.

Les équipes ont effectué plus de 100 opérations chirurgicales aux urgences de cet hôpital, sur des patients qui avaient été blessés par des tirs de missiles ou d’artillerie. MSF a aussi fait don de fournitures médicales au Ministère de la santé afin de soutenir d’autres structures soignant les blessés.

La tour Al-Shorouq, détruite par une frappe aérienne de l'armée israélienne. Mai 2021, Gaza.
 © MSF
La tour Al-Shorouq, détruite par une frappe aérienne de l'armée israélienne. Mai 2021, Gaza. © MSF

Le seul laboratoire d’analyses pour les tests de Covid-19 a également été frappé, ce qui représente une autre source d’inquiétude concernant l’évolution de la pandémie dans la bande de Gaza. « Nous n’avons plus de visibilité sur l’épidémie sur place, puisque le seul laboratoire d’analyses a été touché. C’est inquiétant concernant la propagation du virus dans la bande », explique la cheffe de l’équipe médicale de MSF à Gaza, Tatiana Chiarella. Des masques et des gels désinfectants pour les mains ont été distribués aux personnes déplacées par les bombardements ayant trouvé refuge dans des écoles. 

« Je n’ai que 23 ans », ajoute un autre patient, également prénommé Mohammed. Le jeune homme a été sévèrement blessé aux bras et aux jambes par une bombe, alors qu’il rentrait des champs. « J’aimerais penser à un futur plein d’espoir, mais tout ce que j’ai en tête, c’est la guerre. »

Notes

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