Grèce : sur l’île de Lesbos, la vie chaotique des migrants confinés à Moria

Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018
Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018 © Robin Hammond/Witness Change

Dans le camp de Moria, sur l’île de Lesbos en Grèce, plus de 8000 personnes vivent entassées dans un espace conçu pour 3000. Et cette population continue d'augmenter.

Ces derniers mois, Médecins Sans Frontières a été témoin d’une escalade de la violence quotidienne, et a soigné notamment des cas de violence sexuelle qui se sont produits à l’intérieur et autour d’un camp. L’état de santé et de santé mentale de ces milliers de personnes se détériore progressivement.

Camp de Moria sur l'île de Lesbos, Grèce, 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Camp de Moria sur l'île de Lesbos, Grèce, 2018. © Robin Hammond/Witness Change

La surpopulation et les conditions de vie inhumaines et indécentes sont responsables de tensions dans le camp. Dans la zone principale du camp de Moria et de l’Oliveraie, il y a en moyenne une toilette fonctionnelle pour 72 personnes et une douche pour 84 personnes. Ce qui est largement en-dessous des standards humanitaires recommandés lors de situations d’urgence.

Médecins Sans Frontières craint que cette situation de tension et de violence ne porte gravement atteinte à la santé mentale des habitants du camp. La clinique MSF spécialisée en santé mentale à Mytilène, la capitale de l’île de Lesbos, n’accepte que les cas sévères et les équipes travaillent pourtant à pleine capacité.

Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018. © Robin Hammond/Witness Change

« Une des raisons pour lesquelles la santé mentale des personnes se détériore si drastiquement ici à Lesbos est le fait qu’elles aient vécu des expériences traumatisantes et qu’elle espéraient trouver espoir et dignité en arrivant en Europe. Mais elles y trouvent le contraire : plus de violence et des conditions de vies inhumaines », déplore Giovanna Bonvini, en charge des activités de santé mentale dans la clinique de Mytilène.

Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018. © Robin Hammond/Witness Change

« L'autre jour, un jeune homme victime de violence sexuelle a été amené par un ami à la clinique en pleine dépression psychotique. Il souffrait de troubles de stress post-traumatique, d’hallucinations et de flashbacks et ne pouvait pas s’arrêter de pleurer pendant la session qui a duré deux heures », poursuit-elle.

Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018. © Robin Hammond/Witness Change

« Il a peur de l’obscurité et est constamment terrifié à l’idée d’être attaqué à Moria. L’équipe MSF a commencé à lui prodiguer un traitement et il suit des sessions psychologiques intensives. Il est maintenant stable. Mais il ne pourra pas faire plus de progrès tant qu’il vivra à Moria : il sera bloqué dans un cycle de désespoir et de détresse », conclut Giovanna Bonvini.

Une famille récemment arrivée depuis l'Afghanistan s'est installée dans l'extension informelle du camp dénommée l'Oliveraie. Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Une famille récemment arrivée depuis l'Afghanistan s'est installée dans l'extension informelle du camp dénommée l'Oliveraie. Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018. © Robin Hammond/Witness Change

MSF reçoit chaque semaine 15 à 18 patients, dont des enfants, référés par d’autres ONG pour des problèmes aigus de santé mentale. L’association est la seule à offrir ce type de prise en charge et ses équipes n’ont pas la capacité de soigner tous les cas sévères présents dans le camp : la population vulnérable est très importante.

Une famille syrienne originaire de Deir ez-Zor, installée dans le camp depuis quelques mois. Ils ont quitté leur pays en 2017 après la destruction de leur quartier. Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Une famille syrienne originaire de Deir ez-Zor, installée dans le camp depuis quelques mois. Ils ont quitté leur pays en 2017 après la destruction de leur quartier. Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018. © Robin Hammond/Witness Change

« La majorité de ces personnes sont de nouveaux arrivants souffrant de symptômes psychotiques avec des hallucinations, de l’agitation, de la confusion, de la désorientation et qui ont de fortes tendances suicidaires ou qui ont déjà tenté de se suicider », explique le Dr. Alessandro Barberio, psychiatre MSF à la clinique de Mytilène.

© Sima Diab

MSF recherche des psychiatres

Les missions varient en fonction des terrains d'intervention : activités hospitalières, consultation psychiatrique, prise en charge spécifique liés à des traumatismes, des maladies ou des publics particuliers.

Rejoignez nos équipes
Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018. © Robin Hammond/Witness Change

Tout aussi inquiétant est le constat, observé lors de nos sessions de thérapie psychologique de groupe pour les enfants : les mineurs non accompagnés et les enfants vivant avec leur famille dans le camp sont de nouveau traumatisés par les expériences qu’ils endurent sur place.

Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Camp de Moria sur l'île de Lesbos. Grèce. 2018. © Robin Hammond/Witness Change

« Ces quatre dernières semaines, nous recevons un nombre croissant de mineurs souffrant de crises de panique intenses, d’idées suicidaires ou ayant tenté de mettre fin à leurs jours, poursuit le Dr. Barberio. Les conditions de vie déplorables et la violence quotidienne dans le camp de Moria ont un impact sérieusement préjudiciable sur la santé mentale de nos patients et provoquent chez beaucoup d’entre eux d’importants problèmes mentaux. »

Ile de Lesbos, Grèce, 2018.
 © Robin Hammond/Witness Change
Ile de Lesbos, Grèce, 2018. © Robin Hammond/Witness Change

Depuis la signature de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie, des milliers de personnes sont bloquées sur les îles grecques. Ils viennent notamment de Syrie, d'Irak, d'Afghanistan ou du Soudan, des pays soumis à de violents conflits.

Le confinement de ces personnes, dans des conditions de vie souvent inhumaines, est la conséquence de la stratégie européenne d'endiguement des flux migratoires. Une situation à propos de laquelle Médecins Sans Frontières ne cesse d'alerter.

 

Notes

    À lire aussi