“J’ai été frappé par l’explosion d’une mine quand je faisais paître mes moutons et j’ai perdu mes deux jambes. Deux semaines après, il y a deux jours j’ai mis mes prothèses pour la première fois. Je suis si heureux. C’est un sentiment qu’on ne peut pas expliquer. Je ne pensais pas que ce serait possible. J’ai du mal à attendre pour retourner en Syrie pour montrer à ma famille que je peux de nouveau marcher, dit Nawaf, un patient de 45 ans.
Le projet de chirurgie traumatologie de MSF en Jordanie, près de la frontière syrienne, a démarré en septembre 2013, date à laquelle des vies ont tout de suite pu être sauvées. Depuis, l’équipe MSF a fait plus de 2 000 interventions chirurgicales majeures, dont un grand nombre était vitales, sur plus de 600 patients.
"L’un de nos premiers patients se trouvant dans un état très critique a été reçu en septembre 2013.Il avait été blessé lors d’une attaque aérienne dans le sud de la Syrie. Il avait dit à notre équipe médicale "Laissez-moi mourir, vous ne pouvez pas m’arranger", dit Paul Foreman, chef de mission MSF. Ce patient avait besoin d’une importante opération chirurgicale et de trois fixateurs externes, des appareils qui maintiennent les os en place jusqu’à leur cicatrisation. Après neuf mois de traitement à l’hôpital et plus de 30 opérations chirurgicales, il a pu sortir. "Non seulement j’ai survécu, mais je vais sortir d’ici en marchant," a confié le patient au chef de mission.
Le programme de chirurgie d’urgence à l’hôpital public d’Al Ramtha où MSF travaille en étroite collaboration avec le ministère jordanien de la Santé, se trouve à environ cinq kilomètres de la frontière. MSF a deux blocs opératoires, deux salles de réveil et deux salles d’hospitalisation, d’une capacité totale de 33 lits. Plus de 140 employés jordaniens et expatriés travaillent dans ce projet.
Les opérations réalisées au centre de chirurgie traumatologie sont faites sur des blessures abdominales, thoraciques et orthopédiques sévères, de plus sont dispensés des soins de kinésithérapie et de santé mentale ainsi que les soins en hospitalisation. A ce jour, 1 100 consultations en santé mentale ont été données au total.
Bien qu’elles ne soient pas présentes dans le pays où le conflit se déroule, les équipes MSF voient l’impact dévastateur de la guerre en Syrie, au travers des importantes blessures dont souffrent les patients. Et si grands soient les efforts déployés par les équipes, la gravité de certaines blessures et le temps mis pour arriver jusqu’à l’hôpital font que tous les patients ne survivent pas. "Chaque décès d’un patient affecte énormément notre équipe. Malgré les compétences, le travail fourni et le dévouement de l’équipe, certaines personnes ne peuvent malheureusement être sauvées," observe Paul Foreman. "L’année dernière, 17 patients ont perdu la vie, la mortalité était inférieure à trois pour cent," ajoute t-il. "Parmi les principales causes de décès, il y a les complications dues à la gravité des blessures, et dans certains cas, les patients arrivent trop tard aux urgences, après avoir mis de longues heures à faire le trajet depuis la Syrie."
Comme le projet s’est développé, MSF a ouvert en mars 2014 une structure de soins post-opératoires dans le camp de réfugiés de Zaatari. Cette structure de 40 lits est réservée aux blessés de guerre qui sont transférés de Ramtha et d’autres hôpitaux en Jordanie. A ce jour, MSF a reçu 179 patients, et dans le cadre des traitements post-opératoires, plus de 190 consultations en soins de santé mentale ont été données ainsi que des soins de kinésithérapie.
Aider les gens à se rétablir physiquement et mentalement de blessures traumatiques est un élément clé du projet. Pour bénéficier de son concours, MSF a invité Richard Whitehead, un champion paralympique britannique à rencontrer des patients et à leur parler de son handicap. Il court avec des prothèses car il a été amputé des deux jambes. Il a expliqué comment il avait réussi à vaincre les obstacles et les barrières sociales et à devenir un athlète professionnel. "Ici dans une situation de conflit, il est très important d’essayer et d’être positif et de guider les gens tout au long du processus qui doit les remettre sur pied et les faire revenir près de leurs proches. J’espère qu’avec quelqu’un comme moi, des patients pourront faire le lien entre leur situation et mon handicap et voir certains des défis que j’ai dû surmonter", a déclaré Richard Whitehead.
Les blessés de guerre reçus à l’hôpital public de Ramtha ne sont pas enregistrés comme réfugiés en Jordanie. Quand ils quittent l’hôpital, certains retournent en Syrie s’ils n’ont pas besoin d’autres soins de suivi. D’autres vont dans l’un des camps de réfugiés en Jordanie, notamment dans celui de Zaatari où MSF a son centre de soins post-opératoires. S’ils sont parrainés par une famille jordanienne, ils sont autorisés à résider dans une communauté d’accueil.
Depuis le début du conflit syrien, plus de trois millions de Syriens se sont réfugiés dans les pays voisins, dont la Jordanie. MSF est présente en Jordanie depuis août 2006 avec un projet de chirurgie reconstructive à Amman. Depuis 2013, MSF apporte un soutien aux réfugiés dans le programme de chirurgie d’urgence à Ramtha, ainsi que dans une maternité et un service de pédiatrie et un projet de prise en charge des maladies non infectieuses à Irbid où un soutien est apporté aux réfugiés syriens et aux populations jordaniennes vulnérables.