Ces prix varient toutefois selon les pays et leurs capacités de négociation avec les firmes pharmaceutiques. Dans la plupart des pays à revenus intermédiaires, trop riches pour avoir accès aux génériques mais pas assez pour payer le prix fort, les AAD restent inaccessibles. Notamment en Asie du Sud-Est ou en Amérique Latine, où la présence de brevets interdit tout générique.
La Malaisie offre un contre-exemple remarquable : en 2017, résistant aux intimidations du géant pharmaceutique et du gouvernement américain, Kuala Lumpur a invoqué un impératif de santé publique pour décréter une « licence obligatoire » qui lui permet de produire à bas coûts le Sofosbuvir sans l’accord du détenteur du brevet. Les prix ont chuté. Des patients en attente de traitement depuis une décennie ont pu être soignés en quelques semaines.
Cette licence obligatoire n’était qu’une étape : la Malaisie a aussi lancé une ambitieuse campagne de dépistage pour identifier les porteurs du virus et les soigner. Le pays est passé à la vitesse supérieure en développant, puis en enregistrant, en partenariat avec la Drugs for Neglected Diseases initiative (DNDi) et MSF, un nouveau médicament, le Ravidasvir. Il s’agit d’un AAD efficace et sûr, non-breveté, conçu pour être le moins cher possible – un « médicament politique » visant à bousculer le modèle traditionnel de développement pharmaceutique.
Résultat de cette approche volontariste : la Malaisie est l’un des rares pays qui pourraient éliminer la maladie d’ici 2030 – objectif affiché par l’OMS.
Mais rares aussi sont les décideurs politiques prêts à de tels efforts. Les traitements étant inabordables, la plupart renoncent à mettre en place les campagnes nationales nécessaires pour dépister les millions de malades vivant sans symptômes, avant qu’ils ne développent cirrhoses et cancers. Peut-être parce que beaucoup de victimes de l’hépatite C appartiennent à des communautés souvent stigmatisées, telles que les homosexuels ou les toxicomanes. Les priorités sanitaires des gouvernements le démontrent, tous les morts ne se valent pas.