Libye : améliorer la qualité des soins d’un système de santé déstabilisé par des années de conflit

Une gynécologue obstétricienne de MSF fait une échographie à une patiente libyenne.
Une gynécologue-obstétricienne de MSF fait une échographie à une patiente libyenne. © Angélique Muller/MSF

Tane Luna est gynécologue-obstétricienne. En juin 2016, elle a été en mission à la maternité de l’hôpital général d’Al Marj, près de Benghazi, dans le nord-est de la Libye. Elle décrit un système hospitalier durement touché par le conflit et par la crise politique qui sévissent dans le pays depuis trois ans et ont poussé des centaines de personnels de santé étrangers à fuir le pays.

« Depuis la révolution libyenne de 2011, le pays connaît une situation de grande instabilité et les centaines de personnels de santé étrangers qui assuraient une très grande partie des soins et de l’entretien des hôpitaux sont partis, ce qui a mis  le système de santé dans une situation critique. C’est difficile à imaginer quand on voit des infrastructures et des équipements de pointe, mais nous sommes face à un système de santé complètement déstabilisé », constate le Dr Tane Luna, au retour d’une mission d’un mois en Libye.

L’hôpital d’Al Marj, où elle exerçait, dessert une population de près de 400 000 habitants dans une région à l’écart des combats opposant différents groupes armés, à Benghazi notamment. Jusqu’en 2011, grâce à des partenariats avec des organisations internationales, le personnel de l’hôpital était au complet et des soutiens étaient apportés pour la formation et les équipements médicaux. Depuis, l’hôpital est dans une situation très difficile.

Avec des effectifs très fluctuants, un manque de personnel formé, du matériel médical défaillant faute de pièces de rechange ou de techniciens pour le réparer, des problèmes importants en matière d’hygiène et d’entretien, l’hôpital d’Al Marj peine à apporter une qualité de soins de haut niveau à des milliers de femmes libyennes. Chaque mois pourtant, les équipes médicales accompagnent près de 900 accouchements dont environ 150 par césarienne. Cette proportion est assez élevée dans les grandes villes et pose problème dans un pays où les femmes ont de nombreux enfants car la multiplication des opérations chirurgicales augmente le risque de rupture utérine et nécessite un accompagnement médical sans faille.

« Le personnel soignant est dévoué et plein de bonne volonté. Les relations avec les médecins juniors et les infirmières étaient excellentes, mais ils n’ont pas eu de formation depuis des années. Ils manquent de supervision, ils n’ont pas pu accéder à des modules spécifiques en obstétrique, ou très rarement, et tout est un peu désorganisé. Il n’y a par exemple pas de circuit des patients. Par ailleurs, ils n’ont plus de pièces de rechange pour certains équipements. Ainsi, un autoclave de stérilisation n’est utilisé que lorsqu’il est plein de manière à limiter les cycles. Les portes d’entrée dans le service de chirurgie sont cassées et n’ont pas été réparées. De ce fait, c’est difficile de réguler l’accès des familles dans une zone sensible à la contamination bactérienne, » précise Tane.

Présente depuis 2015 au côté de ses collègues libyens, l’équipe de MSF – sept volontaires internationaux dont cinq soignants – apporte un soutien à l’hôpital en organisant des formations, en faisant des donations d’équipements et de médicaments et en finançant des dépenses de fonctionnement. Tous les services de l’hôpital sont suivis. « Nous faisons des formations sur l’hygiène et l’entretien des locaux et des équipements, sur le nettoyage des vêtements de travail, des champs opératoires, des draps… J’ai pu réaliser des opérations complexes, partager des compétences en obstétrique avec mes jeunes collègues et assurer mon remplacement par une autre gynécologue-obstétricienne pendant trois mois. Mais c’est un programme très exigeant pour MSF, notamment de conduite du changement, et nous devons renforcer notre équipe pour mener de front ces interventions tout en faisant monter en compétences les jeunes spécialistes libyens de sorte qu’ils soient à même  de remplacer l’équipe internationale. Ce programme, conclut Tane, a aussi été pour moi une extraordinaire expérience, même si j’aurais bien aimé pouvoir échanger davantage avec les patientes, mais peu d’entre elles parlaient anglais. Et moi, je ne parle pas arabe. »

Notes

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