Mexique : à Tijuana une intervention d’urgence auprès des migrants de la «caravane»

Campement de migrants dans la ville de Tijuana. Mexique. 2018.
Campement de migrants dans la ville de Tijuana. Mexique. 2018. © Cristopher Rogel Blanquet/MSF

Des dizaines de migrants et de réfugiés, qui ont fui les violences et la pauvreté extrême des pays d’Amérique centrale, sont bloqués dans la ville frontalière de Tijuana au Mexique. En attente de la régularisation de leur statut ou de pouvoir entrer aux États-Unis, ils sont exposés à des niveaux de violence très élevée. Médecins Sans Frontières a envoyé une équipe d’urgence pour leur porter assistance.

Depuis l’arrivée de la dernière « caravane » à Tijuana en novembre l’an dernier, les équipes de Médecins Sans Frontières ont pu évaluer les conditions de vie et les besoins humanitaires des migrants. Ils sont hébergés dans des abris parfois temporaires gérés par les autorités locales et nationales, en collaboration avec les organisations civiles régionales.

Torture physique ou psychologique

« Beaucoup de ces personnes qui attendent à la frontière sont venues avec la “caravane des migrants”, que les médias ont contribué à faire connaître l’an dernier, indique Sergio Martin, chef de mission MSF au Mexique. Mais nombre de migrants continuent d’arriver à la frontière et attendent une réponse quant à leur demande d’asile. Bloqués au Mexique, ils vivent dans des conditions précaires, à la merci des violences des organisations criminelles qui opèrent dans la région. »

Les équipes de Médecins Sans Frontières prodiguent des soins médicaux et une prise en charge de santé mentale aux migrants installés à Tijuana. Mexique. 2018. 
 © Cristopher Rogel Blanquet/MSF
Les équipes de Médecins Sans Frontières prodiguent des soins médicaux et une prise en charge de santé mentale aux migrants installés à Tijuana. Mexique. 2018.  © Cristopher Rogel Blanquet/MSF

Parmi les besoins médicaux évalués par les équipes de Médecins Sans Frontières, les soins de santé mentale sont considérés comme prioritaires.

« Ces personnes ont été victimes de violences aussi bien dans leurs pays d’origine que lors de leurs périples à travers le Mexique. 90 % des patients ont souffert de torture physique ou psychologique, explique Alberto Macín, psychologue MSF. Nombre d’entre eux craignent aujourd'hui d’être détenus, séparés de leurs familles ou renvoyés dans leurs pays d’origine, dans lesquels leurs vies sont en danger. Nous avons repéré chez eux des symptômes d’anxiété, de stress aigu, dans certains cas de stress post-traumatique. Ceux-ci ont été exacerbés par leur environnement actuel, les conditions d’accueil précaires, le surpeuplement et le manque de sommeil. »

Les équipes médicales de MSF sur place ont travaillé avec les autorités municipales sur une stratégie visant à leur apporter une prise en charge complète. En collaboration avec le ministère de la Santé, elles ont offert des soins de santé primaire dans les camps et dans les abris où vivent les migrants. Les principaux troubles physiques rencontrés sont des infections respiratoires des voies supérieures dues aux conditions climatiques, des infections diarrhéiques et des maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension.

Campement de migrants à Tijuana. Mexique. 2018.
 © Cristopher Rogel Blanquet/MSF
Campement de migrants à Tijuana. Mexique. 2018. © Cristopher Rogel Blanquet/MSF

Jour après jour, les équipes médicales et psychologiques offrent des soins aux femmes enceintes ou à des familles entières qui voyagent avec des enfants. « Ça a été difficile pour moi car je suis handicapé. J’ai été malade sur la route mais je n’ai pas abandonné », témoigne Rafael, qui a quitté San Pedro Sula au Honduras et est arrivé à Tijuana avec la première « caravane ».

Au sein du campement du Barretal, composé de tentes de camping, les agents communautaires MSF effectuent des sessions de promotion des soins de santé mentale et de psychoéducation, qui se concentrent sur les soins de santé sexuelle et reproductive.

« Nous avons rencontré de nombreux patients victimes de violences sexuelles, principalement des femmes, précise Astrid Vázquez, docteure MSF. Le plus souvent victimes des organisations criminelles spécialisées dans le trafic d’êtres humains et l’exploitation sexuelle qui s’en prennent particulièrement à ces populations “invisibles”, les rendant encore vulnérables. »

Médecins Sans Frontières a prodigué 395 consultations médicales et 147 consultations de santé mentale, dans le Barretal, le Deportivo Benito Juárez et trois autres centres de Tijuana.

Contrôler les risques

Les équipes de Médecins Sans Frontières ont également pris en charge l’amélioration des conditions d’accès à l’eau et contribué à l’assainissement des abris répartis dans la ville.

Vue d'un campement de migrants à Tijuana. Mexique. 2018.
 © Cristopher Rogel Blanquet/MSF
Vue d'un campement de migrants à Tijuana. Mexique. 2018. © Cristopher Rogel Blanquet/MSF

Cette réponse s’est déployée dans un premier temps dans le campement du Deportivo Benito Juárez, où la pluie avait transformé les sols de terre battue en véritable bourbier et où il n’y a avait pas suffisamment de toilettes et d’eau potable. Dans ces conditions, les enfants ont commencé à tomber malade et les risques sanitaires se sont accrus. « Nous essayons d’améliorer les conditions d’hygiène et d’accès à l’eau potable dans les deux camps de Benito Juarez et El Barretal, en collaboration avec les autorités en charge des abris, nous explique Alfonso Artacho, le responsable MSF des activités eau et assainissement. Nous augmentons le nombre de douches et de WC et apportons notre soutien au nettoyage et ramassage des déchets. »

Chaque année, on estime à près de 500 000 le nombre de personnes traversant le Mexique pour tenter de rejoindre les États-Unis. Les politiques répressives et restrictives pour l’octroi de l’asile exposent ces personnes en quête de protection à des niveaux de violence encore plus élevés. Plus encore que la violence qu’elles rencontrent une fois arrivées au Mexique, elles sont contraintes d’utiliser des routes clandestines qui mettent leur vie en danger en les exposant aux trafiquants d’êtres humains.

« Je suis venu parce que j’étais menacé par des gangs. Il n’y pas de travail et la corruption est partout. Ils ont tué 3 de mes frères. Ma sœur est partie avec ses enfants en quête de sécurité. Ils l’avaient aussi menacée. J’ai une femme et 3 enfants qui sont restés là-bas. Nous avons faim. Quand je suis parti c’était un déchirement. J’aime ma femme et mes enfants. Mon objectif est d’aller aux USA. Il y a 4 ans, j’ai essayé mais ils m’ont kidnappé dans le nord. J’ai été enfermé pendant 7 jours jusqu’à ce que j’arrive à m’enfuir », détaille José Alberto, un migrant de 38 ans qui a quitté le Honduras avec la première « caravane ».

Notes

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