Niger : une année marquée par un afflux massif d’enfants malnutris

Un patient est pris en charge dans l'hôpital de Magaria, où les équipes de MSF sont présentes depuis 2005.
Un patient est pris en charge dans l'hôpital de Magaria, où les équipes de MSF sont présentes depuis 2005. © Mario Fawaz/MSF

Au Niger, les centres de santé du district de Madarounfa soutenus par Médecins Sans Frontières ont fait face à un afflux massif d’enfants malnutris en 2021. Dès le mois de juillet, les équipes ont ouvert des activités médico-nutritionnelles d’urgence dans la région de Maradi ainsi que de l’autre côté de la frontière au Nigeria, dans l'État de Katsina, d’où viennent une grande partie des enfants malades.

« Dès mon arrivée en février, le nombre d’admissions était particulièrement élevé pour la période », raconte le docteur Many Mashako, qui a exercé en tant que pédiatre pour MSF à Madarounfa. Chaque année, durant le pic saisonnier de malnutrition et de paludisme, qui s’étend de juin à octobre, les efforts conjoints du ministère de la Santé nigérien et des équipes de MSF permettent de doubler les capacités de prise en charge médico-nutritionnelle. Cela représente environ 260 lits d’hospitalisation pour les enfants malades de l’hôpital de district de Madarounfa. Cependant, cette augmentation n’a pas suffi en 2021 et les équipes médicales ont soigné jusqu’à 450 enfants hospitalisés dans le district.

« Tout au long de ma mission au Niger, le nombre d’enfants dans les services de prise en charge nutritionnelle n’a pas suivi la courbe des années précédentes et a constamment dépassé nos prévisions, explique Many Mashako. L’un des premiers défis a été de former le personnel recruté et d’organiser les renforts. Face à l’ampleur du pic, des nouvelles activités médico-nutritionnelles ont vu le jour en urgence dans les hôpitaux et centres de santé d’Aguié et de Guidam Roumdji, ainsi qu’à l’hôpital général de Maradi. » 

Une mère et son enfant sont pris en charge à l'hôpital de Magaria, à la frontière entre le Niger et le Nigeria.
 © Mario Fawaz/MSF
Une mère et son enfant sont pris en charge à l'hôpital de Magaria, à la frontière entre le Niger et le Nigeria. © Mario Fawaz/MSF

Près de 30 000 enfants ont ainsi été hospitalisés dans les quatre hôpitaux soutenus par MSF dans la région de Maradi au cours de l’année 2021. « Certains jours, nous avions plus de 70 enfants pris en charge dans les salles de soins intensifs de l’hôpital de Madarounfa. J’ai rarement vu une telle situation, il faut saluer l’ensemble des soignants mobilisés pour y faire face », continue le pédiatre. Plus de 115 000 consultations ont également été réalisées dans les centres de santé et les services nutritionnels ambulatoires du district de Madarounfa.

Une crise au Niger comme au Nigeria

Derrière ces chiffres d’une ampleur exceptionnelle se profile une crise sanitaire particulièrement aiguë dans l’État de Katsina, au Nigeria. De nombreuses familles nigérianes se rendent fréquemment dans la région de Maradi au Niger, notamment en raison des échanges culturels et commerciaux. Le fait qu’elles viennent aussi lorsqu’un de leurs enfants est malade n’est pas un phénomène récent. Mais, en 2021, le nombre d’enfants sévèrement malnutris en provenance du Nigeria pris en charge dans les cinq centres de santé soutenus par MSF dans le district de Madarounfa a augmenté de 58% par rapport à l’année dernière. Ces enfants ont également représenté 61% des jeunes patients souffrant de malnutrition aiguë sévère et de complications aux urgences de l’hôpital de Madarounfa.

« L’état des patients en provenance du nord-ouest du Nigeria était généralement très critique, se souvient le docteur Mashako. Certaines familles nigérianes viennent de loin, elles sont confrontées à d’importants problèmes de sécurité, et il faut aussi tenir compte de la distance qui sépare les centres de santé frontaliers de la ville de Madarounfa. Ceci explique en partie pourquoi ces enfants arrivent souvent à l’hôpital épuisés, avec de nombreuses complications associées à la malnutrition aiguë sévère et dans un état septique avancé ».

Au Nigeria, MSF, en partenariat avec les autorités sanitaires, gère actuellement un centre nutritionnel hospitalier d’une soixantaine de lits dans la ville de Katsina, ainsi que cinq centres nutritionnels ambulatoires. Le nord-ouest du pays connaît une vague de violences, affectant à la fois la sécurité alimentaire des familles et la capacité de réponse du système de santé et de ses partenaires sur place.

Les répercussions de cette situation d’urgence à Katsina s’observent au Niger, de l’autre côté de la frontière, dans un contexte où les fonds alloués aux opérations humanitaires de prise en charge de la malnutrition sont en baisse depuis plusieurs années. D’après le gouvernement nigérien, les chocs sécuritaires et climatiques ont conduit à une saison agricole médiocre cette année, avec un déficit estimé à plus de 50%, poussant les autorités à élaborer un programme d’urgence en soutien au secteur. La situation ne semble pas s’améliorer dans le nord-ouest du Nigeria, où l’ampleur de la crise nutritionnelle est peut-être même encore sous-estimée.

« Tous les facteurs qui ont contribué à la situation exceptionnelle que nous avons vécue à l’hôpital de Madarounfa cette année sont encore là et joueront probablement un rôle similaire durant le pic de l’année prochaine », s’inquiète Many Mashako. Le pédiatre craint également que le développement d’activités minières à Dan Issa ne se fasse au détriment des activités agricoles, avec un impact négatif sur la sécurité alimentaire comme il a pu l’observer dans son pays natal, en République démocratique du Congo.

Notes

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