Bintou Bashir
J’ai 30 ans, je viens de Gamboru et j’habite ici à Maiduguri, dans le quartier près du bureau des douanes. J’ai eu huit enfants mais seulement cinq sont en vie. Je suis venue ici avec ma fille Fatima de 16 ans qui a une drépanocytose depuis qu’elle est bébé. Elle tombe malade tout d’un coup, sans qu’on s’y attende. C’est la deuxième fois en deux mois que nous l’amenons ici. Maintenant elle va mieux, on est là juste à cause de ses douleurs aux jambes.
J’ai entendu parler de cet endroit dans mon quartier. La première fois que je suis venue ici, le traitement s’est bien passé, c’est pour ça que nous sommes revenues.
Notre plus gros problème est le manque de nourriture, nous passons parfois plusieurs jours sans manger. Mon mari est maçon mais cela fait deux ans qu’il est sans travail. Tous les jours, il sort mais il revient le plus souvent les mains vides. Le plus souvent, nous dépendons des voisins et de bonnes âmes pour avoir de la nourriture. Quand on nous en donne, nous mangeons. Autrement on reste le ventre vide.
L’école avait renvoyé mes enfants à cause des frais de scolarité, alors on est allé voir la direction. Ils ont vu dans quelle situation on était, qu’on n’avait pas d’argent, alors maintenant ils les gardent.
Zainab Ali
J’ai 60 ans. Je viens d’Alkaleri, dans le district de Mafa. Je suis dans cet hôpital depuis 18 jours, quand ma petite fille a été hospitalisée. Elle avait des convulsions, de la diarrhée, une migraine et elle vomissait beaucoup. Elle s’appelle Aisha, elle a 8 ans. Quand nous l’avons amenée ici, elle était inconsciente et ne pouvait pas manger. Mais maintenant elle va mieux et depuis hier, elle peut à nouveau manger.
Sa mère, qui est ma fille, n’est pas là. Elle a un bébé dont elle doit s’occuper pendant que je suis avec Aisha.
Nous vivons dans le camp de déplacés de Muna Garage. Nous sommes là depuis deux ans, depuis que nous sommes arrivées d’Alkaleri, un village non loin de Maiduguri. Nous avons marché trois heures pour arriver à Muna.
Mon mari est mort de maladie il y a cinq ans et j’ai sept enfants. Nous vivons tous à Muna dans des abris que nous avons fabriqués avec des sacs et des pieux. Ma fille, son mari et le bébé vivent dans un abri, Aisha et moi dans un autre tandis que mes autres enfants ont le leur.
Le gros problème à Muna est la nourriture et les abris. Mon gendre, le père d’Aisha, vend des noix de coco pour acheter du sorgho et du mil que l’on ait à manger. Ce n’est pas assez, mais nous n’avons pas le choix. Nous ne cultivons pas, mais nous pouvons sortir du camp. Les hommes de la sécurité à l’entrée du camp nous fouillent et nous interrogent. S’ils voient qu’on a quelque chose, même un bol, ils veulent savoir ce qu’il y a dedans et d’où cela vient.
Sara Kawu avec son fils Alhaji
Je viens de Dikwa, j’ai dû fuir avec ma famille à cause des combats. Maintenant je vis avec mon mari et nos cinq enfants dans une maison à Ruwan Zefi, un quartier de Maiduguri, sur la route de Dikwa. Alhaji, âgé de 9 ans, est mon deuxième enfant. Il a été très malade. Quand il mange, il vomit, il a des convulsions et il avait du sang dans les selles. Je l’ai donc amené hier ici à l’hôpital. Les médecins l’ont mis sous perfusion et lui ont donné des médicaments. Depuis que nous sommes là, il ne fait plus de convulsions et il n’a plus mal.
La vie est difficile pour nous, les personnes déplacées. La nourriture est chère et nous nous endormons souvent le ventre vide. Parfois nous mangeons une fois seulement dans la journée. Mon mari avait une boutique, mais maintenant il n’a pas de travail. Nous n’avons pas de revenus. J’aimerais moi aussi travailler et avoir une activité, mais je n’ai pas les moyens. Je veux aussi envoyer tous mes enfants à l’école. J’en ai deux seulement qui y vont.
J’apprécie beaucoup la manière dont les médecins de MSF s’occupent de nous. Ils nous donnent de la nourriture et des couvertures et prennent soin de nous.
Fatima Mohammed avec son fils âgé d'un jour
C’est mon premier enfant ! Mon fils n’a pas encore de nom. Il est né hier à midi moins deux. Il pèse 2,7kg. Heureusement mon accouchement s’est bien passé, sans complications, mais cela a été douloureux. Mon fils sera baptisé une semaine après sa naissance. Ma famille et ma belle-famille viendront pour fêter l’événement.
Je vis avec mon mari dans une maison à Gwange, un quartier de Maiduguri. Le coût de la vie est élevé, cela ne nous plaît pas. Mais nous nous débrouillons. Mon mari est soudeur et il gagne sa vie.
Je suis venue à la maternité de MSF parce que beaucoup de femmes viennent ici et disent qu’on s’occupe bien d’elles. Les gens en ville parlent toujours de choses comme ça.
Cela fait du bien d’être mère. J’aimerais avoir plus d’enfants, peut-être dix (rires). J’espère que mon fils ira à l’école et deviendra médecin. J’admire leur travail.
Hauwa Ibrahim
J’ai 20 ans, je suis déplacée, je viens de près de Gwosa. Je suis arrivée à Maiduguri avec mon mari il y a un mois et nous avons été escortés jusqu’ici par des militaires. Mon premier enfant est mort, cet enfant à qui j’ai donné naissance aujourd’hui est donc le seul enfant que j’ai.
Nous vivons dans le quartier de Ngomari à Maiduguri dans un appartement que nous louons et mon mari vend des patates douces. Actuellement nous n’avons pas de problèmes de nourriture mais comme épouse, je n’ai pas d’argent pour acheter des vêtements ou pour avoir une petite activité commerciale. Mes parents et les autres membres de la famille sont ici à Maiduguri aussi.
J’ai entendu parler de cet endroit dans mon quartier, qu’il y avait un endroit où les personnes déplacées étaient soignées gratuitement. J’ai donc décidé de venir ici et d’accoucher parce que je n’ai pas d’argent pour aller dans un autre hôpital payant. Heureusement on ne m’a rien demandé de payer depuis que je suis arrivée ici.
Maryam Dahiru
J’ai 35 ans et je vis dans le quartier de Jiddari à Maiduguri. J’ai d’abord amené ma fille d’un an, Falmata Umar, dans cet hôpital où on nous a gardées deux semaines avant de pouvoir sortir. Ma fille ne pouvait pas manger. Elle n’arrivait pas à téter ni à manger et cela lui a fait du mal. Nous avons dû l’emmener à l’hôpital général mais on nous a dit qu’il n’y avait pas de lits. On m’a dit de l’amener ici où il y avait des médecins étrangers soignant les gens gratuitement. Donc on est venues ici, mais elle était inconsciente. Je ne pensais pas qu’elle survivrait. Mais regardez-la maintenant ! Je pense qu’elle est assez costaud pour se marier (rires).
Une semaine après que nous sommes parties, je suis de retour, mais cette fois c’est mon fils Mohammed Umar, qui a sept ans et est malade. Nous sommes venus hier quand son état s’est aggravé, il avait aussi de la fièvre. Mais maintenant il est stable et il peut manger.
Laraba Mustapha
Je viens de la ville de Konduga et j’ai 30 ans. J’ai amené mon fils de trois ans, Bukar Mustapha, qui est très malade. Nous sommes venus ici il y a 16 jours. Mais il est malade depuis trois mois. Je n’ai pas d’argent pour l’amener à l’hôpital et je ne connaissais pas cet endroit. C’est pour ça que je lui ai donné des traitements traditionnels pendant trois mois. J’ai entendu des gens parler d’un hôpital – le centre médical MSF à Bolori – où l’on peut être soigné gratuitement. Je suis donc allée là avec lui et on nous a envoyés ici. Il a des œdèmes, de la diarrhée et il tousse.
Boko Haram a envahi notre village et nous a demandé de les rejoindre ou de quitter la ville. Nous avons décidé de partir et nous sommes allés il y a deux ans à Bale, un village dans les environs de Maiduguri. L’année dernière, mon mari a été tué, ainsi que le fils de ma sœur aînée et mon beau-frère.
Mes parents aussi sont là à Maiduguri, mais 20 personnes de ma famille, surtout du côté de ma mère, ont disparu depuis deux ans.
Marne Idrissa
Je suis ici avec mon mari et un enfant. J’ai deux enfants mais l’un d’eux est marié. Nous sommes dans ce camp depuis bientôt un an après avoir dû fuir notre village. Nous avons marché des jours avant d’arriver à Maiduguri. Notre principal problème est la nourriture. On ne mange que du sorgho parce que c’est la seule chose que l’on puisse acheter avec le peu d’argent que l’on trouve. Depuis que nous sommes arrivés, nous avons reçu deux fois seulement de la nourriture de la part de la Croix-Rouge. Ils nous ont donné du riz, de l’huile et des haricots, mais nous avons tout mangé il y a déjà longtemps et nous souffrons maintenant de la faim.
Nous sommes arrivés ici avec dix vaches mais nous les avons vendues et on a dépensé l’argent pour acheter de la nourriture. Maintenant, nous n’avons plus rien à manger, justeun peu de sorgho que vous voyez là. Quand il n’y en aura plus, nous devrons prier pour avoir un miracle, ce que l’on fait depuis un bon moment.
Photos © MSF