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Pakistan : accompagner et sensibiliser pour réduire la mortalité néonatale

Le Dr. Khadija en consultation dans l'hôpital pour femmes de Peshawar. Pakistan. 2018.
Le Dr. Khadija en consultation dans l'hôpital pour femmes de Peshawar. Pakistan. 2018. © Laurie Bonnaud/MSF

Au Pakistan, 1 nouveau-né sur 22 décède au cours de son premier mois. C’est le taux de mortalité néonatale le plus élevé au monde. Médecins Sans Frontières a ouvert en 2011 l’hôpital pour femmes de Peshawar, dans le nord-est du pays, qui leur permet de bénéficier gratuitement de soins adaptés avant et après leur accouchement. Plus de 25 000 femmes y ont donné naissance.

« La mortalité infantile au Pakistan est principalement due à la prématurité des nourrissons, à des complications durant la grossesse ou l’accouchement, ainsi qu’à des infections », explique le docteur Khadija, pédiatre au sein de l’unité de soins néonataux de l’hôpital pour femmes de Peshawar.

Si les causes de ces décès répondent à une explication médicale, elles trouvent souvent leur source dans une réalité sociale et culturelle complexe : celle des femmes pakistanaises de cette région frontalière de l'Afghanistan.

Difficulté d’accès à l’éducation et aux structures de santé

La plupart des patientes de MSF à Peshawar sont issues des communautés rurales alentours, des régions pauvres dans lesquels l’accès aux soins reste limité pour des raisons de coût ou de transport. D’autres sont des réfugiées, principalement en provenance d’Afghanistan, ou des déplacées internes originaires des anciennes zones tribales (FATA), qui ont subi les conflits et l’instabilité résultants de la guerre qui a débuté en 2001 en Afghanistan.

Les sessions de promotion de la santé sont conduites par les équipes MSF pour sensibiliser les mères à des sujets comme la vaccination, l'hygiène ou le bon usage des médicaments. Pakistan. 2018.
 © Laurie Bonnaud/MSF
Les sessions de promotion de la santé sont conduites par les équipes MSF pour sensibiliser les mères à des sujets comme la vaccination, l'hygiène ou le bon usage des médicaments. Pakistan. 2018. © Laurie Bonnaud/MSF

Toutes connaissent des conditions de vie et d’hygiène précaires qui pèsent sur leur santé et leur grossesse. « Pour mettre au monde un bébé en bonne santé, la mère doit elle-même être en bonne santé, explique le Dr. Khadija. Si le statut nutritif de la mère n’est pas bon alors elle n’aura pas d’apport pour son bébé, elle ne pourra pas produire suffisamment de lait par exemple, et en conséquence la santé de l’enfant en pâtira. » Ces femmes n’ont souvent reçu aucune éducation scolaire ou sanitaire.

« Personne ne connaît vraiment son âge ici, on ne nous pose jamais la question. La plupart d’entre nous ne va pas à l’école donc notre âge n’a pas d’importance », explique Shaheen, qui pense avoir 25 ans. Elle vient de donner naissance, par césarienne, à son quatrième enfant en quatre ans. À l’hôpital pour femmes de Peshawar, les mères reçoivent des conseils sur l’importance de la vaccination et des premiers soins mère-enfant, comme le contact peau-à-peau effectué immédiatement après l’accouchement, ou l’allaitement.

Shakeela a 48 ans et vient d'un petit village à trois heures de Peshawar. Elle a donné naissance à son 13e enfant dans l'hôpital pour femmes de MSF. Pakistan. 2018. 
 © Laurie Bonnaud/MSF
Shakeela a 48 ans et vient d'un petit village à trois heures de Peshawar. Elle a donné naissance à son 13e enfant dans l'hôpital pour femmes de MSF. Pakistan. 2018.  © Laurie Bonnaud/MSF

Au Pakistan, il est encore courant que des femmes accouchent chez elles, sans l’assistance d’un professionnel de santé et dans des conditions d’hygiène souvent insuffisantes. « Il n’y a souvent pas de médicaments disponibles, ni même d’eau propre ou d’électricité », déplore le Dr. Khadija. Cette pratique est à l’origine d’un très grand nombre de décès tant chez l’enfant que chez la mère.

Elles donnent naissance chez elles car « c’est la tradition [et que] tout le monde s’attend à ce que l’on accouche chez soi », selon Bismilla*, 35 ans, qui vit dans un camp de personnes déplacées à Peshawar. Pour Razmina, c’est « parce que les centres de santé sont trop loin de [son] village » qu’elle a mis au monde ses trois premiers enfants chez elle. La belle-mère d’Amira* renchérit : « J’ai donné naissance à mes sept enfants chez moi, et ça n’était pas une mauvaise expérience ». Pourtant, il est avéré que les chances de survie augmentent significativement lorsque l’accouchement est assisté par un professionnel dans une structure de santé spécialisée. « De nombreuses morts sont dues à des complications qui pourraient être aisément évitées », indique le Dr. Khadija.

L’importance des soins hospitaliers

Près d’une centaine de professionnels médicaux (pédiatres, sages-femmes, gynécologues ou encore infirmiers) travaillent à l’hôpital MSF de Peshawar. L’hôpital possède une unité de soins néonataux équipée de couveuses, d’assistance cardiovasculaire et respiratoire, de solutions intraveineuses ou encore de photothérapie. Par ailleurs, des promoteurs de santé rencontrent les femmes et leurs accompagnants à l’hôpital et se déplacent dans les communautés rurales et les centres de santé primaires, pour sensibiliser la population à l’importance d’être suivi médicalement pendant la grossesse et d’accoucher dans des structures de santé dédiées. MSF travaille en partenariat avec 32 centres de santé primaire qui réalisent le suivi médical des patientes et les orientent vers l’hôpital pour femmes de Peshawar pour leurs accouchements.

L’absence d’éducation sanitaire, les difficultés de transport ou le manque de structures de santé fonctionnelles ne sont pas les seuls facteurs qui contribuent à faire du Pakistan le pays où le taux de mortalité néonatale est le plus élevé au monde. Le recours fréquent à l'ocytocine lors des accouchements à domicile augmente également les risque de complications. Cette hormone, librement accessible pour moins de 10 roupies (6 centimes d’euros), est utilisée pour stimuler les contractions et accélérer la venue du nourrisson. Elle peut toutefois s’avérer dangereuse pour la mère et l’enfant lorsqu’elle n’est pas administrée sous le contrôle d’un professionnel et de nombreuses femmes arrivent dans un état critique à l’hôpital MSF de Peshawar.

Des femmes assistent à une séance de promotion de la santé. Pakistan. 2018.
 © Laurie Bonnaud/MSF
Des femmes assistent à une séance de promotion de la santé. Pakistan. 2018. © Laurie Bonnaud/MSF

Ces cas restent extrêmement difficiles à gérer et de nombreux nourrissons ne peuvent être sauvés. « Nous avons reçu une femme hier, elle devait donner naissance à des jumeaux, explique le Dr. Khadija. La mère commençait à avoir des contractions légères, sa famille a donc appelé une femme du village qui lui a fait trois injections d’ocytocine pour accélérer le travail. C’est très fréquent ici. Les injections ont provoqué des contractions si fortes qu’au bout d’un moment elle a senti que l’un des jumeaux ne bougeait plus normalement. Sa famille l’a donc amenée à l’hôpital MSF. Nous avons pu sauver l’un des jumeaux, mais l’autre était déjà décédé in-utero au moment de son arrivée. » Lors des sessions de sensibilisation dans les villages et à l’hôpital, les équipes de MSF informent quant aux risques sévères encourus par la mauvaise administration de cette hormone.

Razmina est formelle : si ses trois premiers accouchements ont eu lieu chez elle, cela ne sera pas le cas pour les prochains. « C’est plus hygiénique ici, et nos enfants peuvent être vaccinés. » Bismilla*, qui a accouché de son huitième enfant et souhaite encore voir sa famille s’agrandir ajoute : « J’ai toujours accouché chez moi et si je n’avais pas eu de complications lors de cette grossesse j’aurais également accouché à la maison cette fois-ci. Mais j’ai changé d’avis, ici les conditions d’hygiène sont meilleures et le personnel médical est gentil et toujours disponible. »

*Ces noms ont été changés à la demande des patients.

Notes

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