Cyril Hanappe : La ville accueillante, c’est celle tout simplement qui fait une place à tous mais il y a toujours cette notion de l'espace gratuit, de l'espace donné, de l'espace non-approprié pour qu'il soit appropriable justement.
Bonjour, donc je suis Cyril Hanappe, architecte, docteur en architecture. Je suis à la fois praticien et enseignant à l'École d'Architecture Paris Belleville. À partir des années 2010, il y a eu tout un champ de réflexion qui s'est fait sur les camps de manière générale et justement le camp comme zone urbaine. Et donc oui, la Linière, c'est venu à ce moment-là. On avait travaillé assez fortement sur la jungle de Calais. On en avait fait le relevé. Le fait d'avoir un plan, d'avoir un relevé, ça permettait de dire : bah non, c'est compliqué mais c'est bien un lieu qui a une existence. Il y a des rues, il y a des noms de lieux, il y a des bâtiments divers et c'est bien un fait urbain, et il importe de le reconnaître. J’avais cette phrase toujours qui disait : oui, un camp, on sait quand on l'ouvre mais on ne sait jamais quand on le ferme. Et puis, il y a certains camps qui sont devenus des villes avec cet exemple de Rome tout simplement où Romulus et Rémus avaient construit un camp. Quand on va d'ailleurs sur le forum, on voit la maison de Romulus et Rémus et on voit dans l'aménagement des lieux qu'il s'agit très clairement d’un camp.
Damien Carême : Moi, j'avais dit au départ avec MSF d'ailleurs dans la conférence de presse : là on part avec un camp de 2 000 personnes mais au fur et à mesure, on va le restreindre. Damien CARÊME, je suis aujourd'hui député européen depuis 2019 et avant ça, j'étais maire de Grande-Synthe entre 2001 et 2019. À terme, j'espère qu'il n’y aura plus personne et que ce camp n'aura plus lieu d'être.
Cyril Hanappe : De toute façon, il faut le penser comme s’il durera toujours et ça, c'est un principe d'ailleurs de développement durable. Oui, encore une fois, on sait quand on l'ouvre et on ne sait pas quand on le ferme. Donc si tu veux, tu le fermeras un jour mais on le pense en tout cas pour qu’il fonctionne de manière aussi proche que possible sur un modèle de ville, qu’il puisse se transformer en ville. De facto, il faut dire que c'était un nouveau quartier.
L’autre grande qualité, l’autre grande force, c’était que ces maisons, elles étaient très simples mais elles pouvaient être transformables, améliorables et extensibles, etc. Et donc très vite en fait, ces maisons commencent à être un peu customisées et transformées. Bon ça, c'est le relevé qui avait été fait par les étudiants. Voilà ça, c'est la maison de base et puis les gens commencent à dessiner des extensions. Et ça, voilà, c'est toute une période assez marrante. Vous voyez là par exemple eux, ils s'étaient fait une petite entrée, une petite varangue. Il y avait des maisons où il y avait beaucoup d'amour dans le lieu et qui étaient pensées. Ça, c'est quelque chose qui se développe pendant tout le temps où c'est Utopia 56. Et puis après, quand c'est l'État qui reprend la main et l’Afeji, il y a un retournement radical où ils cassent tout ça.
Damien Carême : C'est une association qui est Utopia 56 qui a coordonné ce qui se passait sur le camp avec les tiraillements habituels qu'on a dans la vie associative. Voilà, c'était assez compliqué et assez tendu. Moi, je dois les remercier parce qu'ils ont fait un gros boulot à ce moment-là que personne n'avait peut-être envie de faire ou ne savait faire ou ne s’était proposé à faire. Donc, c'était plutôt bien ce qu'ils ont fait.
MSF ne souhaite pas assumer la coordination du camp et c'est donc Utopia 56, jeune association fondée par une équipe expérimentée dans la gestion d'hébergement temporaire en festival, qui relève ce défi. Mais deux mois plus tard, dans le jeu de négociations entre la mairie et l'État, un autre acteur est imposé pour gérer le camp.
Damien Carême : Et c'est comme ça que le 31 mai, elle est venue, Emmanuelle Cosse avec Cazeneuve, et on a signé une convention de gestion du camp. Et là, ils ont demandé qu'il y ait une association qui gère le lieu, une association « reconnue ». C'est l’Afeji chez nous qui a été désigné, qui est l'association historique dans le domaine social sur la région Nord-Pas-de-Calais et qui a fait des choses avec les règles qu'on lui imposait mais qui en avait peu finalement puisque c'est moi qui dictais les règles. Moi, je ne vais pas laisser l'État… Par exemple, l'État voulait un camp fermé. J’ai dit : c’est hors de question, on ne ferme pas. Ce n’est pas une prison. Les gens, ils vont et ils viennent comme ils veulent.
Cyril Hanappe : On bascule complètement dans autre chose puisque l’Afeji, eux ce qu'ils savaient gérer, c'étaient des maisons de retraite. Et tout d'un coup, ils se sont mis à gérer le camp comme une maison de retraite, ce qui, à tous les niveaux, avait des implications extrêmement lourdes, extrêmement délétères, qui ont participé, parce que ce n'était vraiment pas la cause unique, aux problèmes qui sont apparus dans le camp. C'est-à-dire qu'ils arrivent et ils disent : ah, ce n’est pas aux normes à la française, c'est dangereux ! Ce n’était pas du tout dangereux mais c'est dangereux, il faut le casser. Et tout d'un coup, toute cette qualité urbaine, des extensions, ces espaces entre deux, ces régulations du privé vers le public, etc, et bien, va peu à peu disparaître et on va se retrouver de nouveau avec des boîtes. Alors, on garde l'aménagement un peu mais ces boîtes redeviennent des espèces de boîtes en bois assez stériles dans leur expression. Et puis après, il y a d'autres choses qui apparaissent sur la gestion c’est-à-dire que Utopia 56 a reposé beaucoup sur la participation notamment sur les questions de propreté du camp. Et quand c'est l’Afeji qui reprend, il n’y a plus de question de participation, de dialoguer avec les habitants et on va faire travailler des gens qui ont d'ailleurs souvent eux-mêmes leurs propres problèmes parce que c'est plutôt des contrats un peu d'insertion, etc et qui se retrouvent avec une tâche absolument gigantesque d'entretenir un lieu qui n'est pas entretenu.
Angélique Muller : J'ai commencé à voir un peu les prémices de la mafia, un peu des passeurs c’est-à-dire que quand des gens pouvaient passer finalement en Angleterre, leurs abris étaient fermés à clé. Généralement, ils partaient avec la clé au cas où ils ne pouvaient pas partir et revenir finalement.
Moi, je m'appelle Angélique Muller et je suis infirmière de formation initiale et j'ai commencé avec Médecins Sans Frontières en 2012. Et comme personne ne savait si les gens étaient vraiment partis ou pas partis, on a vu s'immiscer un petit… Comment dire, des business un peu souterrains où les passeurs prenaient tout de suite, la mafia et les passeurs, prenaient tout de suite les abris qui avaient été libérés par les personnes, claquaient le cadenas, récupéraient et commençaient à faire payer en fait. Il y a des situations qui commençaient à échapper au contrôle en fait mais au contrôle de tous et de ceux qui géraient sur place aussi.
Cyrille Hanappe : Tout ça, ce sont des dynamiques globales c’est-à-dire qu'à un moment, quand il n’y a plus de dialogue par exemple, quand effectivement les habitants ne peuvent plus discuter avec les gestionnaires du camp ou dans un rapport extrêmement distant, effectivement, il y a d'autres systèmes de pouvoir qui prennent la place. Alors après, il y avait en plus cette ligne terrible qui avait été imposée par le gouvernement : à chaque fois qu'une maison était vide, elle était enlevée du camp.
Damien Carême : Alors, le camp se réduisait au fur et à mesure. 1 330 au mois de mars, 700 au mois d’août. Donc, on voyait bien que finalement même s’il y en a qui arrivaient tout le temps, ça partait beaucoup plus vite vers l'Angleterre où beaucoup aussi ont demandé l'asile parce qu'une fois qu'on a amélioré leurs conditions d'accueil, ils ont commencé à se dire finalement, on va peut-être regarder ça quoi. Et donc, c'est comme ça que le camp s'est réduit. À partir de septembre 2016, Paris ouvre la bulle Porte de la Chapelle et là négocie avec l'État, nous on les garde cinq jours, après c’est à l'État de se démerder et là, toutes les places de CAO [centres d’accueil et d’orientation] en France étaient réservées pour les gens qui partaient de Paris. Et moi, les gens qui voulaient sortir du camp, du coup, ils n’avaient plus de place. Donc du coup, ils restaient là. Et comme ça arrivait, ça repartait à la hausse. Donc au mois d’octobre, ils étaient 800 ou 900, je crois. On était reparti à la hausse. Et novembre, suppression de la jungle de Calais et là, on a 600 Afghans qui sont arrivés.
Cyril Hanappe : Quand même, ce qui s'est passé : il y avait de moins en moins d'habitants et puis surtout quand ils détruisent la jungle de Calais, il y a les Afghans qui arrivent et qui occupent tout ce qui constituait les bâtiments publics. Les fameuses cantines, tout d'un coup, elles sont habitées par des hommes afghans. Il y a une montée des tensions. Il y a de moins en moins de logements. Tout est beaucoup plus dense. On s'occupe mal des gens et c'était sciemment organisé cette détérioration globale.
Damien Carême : J'ai appris aussi plus tard par les ethnologues et les gens qui s'occupent des problèmes d'immigration depuis longtemps qu'en fait, les Afghans vivent pas bien avec les Kurdes et que nous, c’était un camp kurde. Donc voilà, il y a eu des tensions à partir du mois de décembre, novembre-décembre 2016, tensions importantes. Je disais à l'État : mais ouvrez-nous des places pour faire partir les personnes, pour faire baisser la marmite, etc. Je n'en ai pas eues, je n'en ai pas eues, je n'en ai pas eues. Et le 10 avril, je ne sais plus quelle date exactement, le 10 avril, je crois, le camp brûle.
Une dispute autour d'un jeu de ballons et c'est la goutte d'eau qui fait exploser une situation déjà très tendue entre Kurdes et Afghans. Mais pour quelle autre raison que l'indignité ? La Linière aurait-elle brûlé si la jungle de Calais n'avait pas été démantelée ? La Linière aurait-elle brûlé si ces hommes kurdes ou afghans avaient pu circuler, travailler et se construire leur avenir par eux-mêmes ici ou ailleurs ?
Angélique Muller : Je ne me serais pas doutée que ça prenne feu mais je sentais qu’il y avait un potentiel que ça puisse vriller parce qu'il y avait énormément d'hommes et qu’il y avait énormément de conflits et que voilà, on ne maîtrisait pas tout entre les conflits intra et interethniques et effectivement, il y avait des réseaux souterrains. Il y avait plein de choses, on n’était pas forcément complètement au courant, avec des choses pas très nettes. J’ai pensé que ça pouvait vriller mais pas au point de foutre le feu à un camp quand même.
Cyril Hanappe : Mais bon les mafias, ce n’était pas leur intérêt que ce camp soit détruit de toute façon. Enfin encore une fois, on laisse une situation se détériorer. On laisse effectivement, on va dire, la condition de ghetto se développer dans le mauvais sens du terme. On laisse les pouvoirs mafieux prendre la place. C'étaient des questions. Il y avait au début du camp la question de la démocratie interne, de la participation, travailler avec des habitants. Quand on fait la maison d'information, le centre d'information avec mes étudiants, il y a une démarche de concertation avec les gens du camp, et une discussion, une exposition. Enfin, il y a tout un truc où effectivement, il y a un dialogue qui existe et le lieu du dialogue qui étaient les cantines-maisons. Tout ça, ça existait. Et à partir du moment où on fait en sorte que tout ça n'existe pas, effectivement, ça dérive quoi !
Damien Carême : 1 280 personnes mises à l'abri dans les gymnases de la ville et dans deux gymnases de l'agglomération et en quatre jours, l'État trouvait 1 280 places pour mettre toutes ces personnes. J'ai eu un peu mal à ce moment-là quoi parce qu'on a beaucoup donné. Financièrement, on s'en fout mais on a donné psychologiquement. On a donné humainement. On a donné en termes de temps. C'était un moment très intense.
Cyril Hanappe : Globalement entre un maire et un préfet, ça marche tant que le maire a un rapport politique très fort pour lui. Mais bon globalement, un préfet a beaucoup plus de pouvoir, et donc très, très vite, ils le lui font sentir. Oui, il devait négocier avec eux. Alors en plus, enfin peut-être pas plus qu'ailleurs, mais Grande-Synthe dépend beaucoup de subsides publiques. C'est une ville qui a de gros problèmes sociaux, donc on voit très bien sur quoi… Toutes les multiples manières qu'il y a d’exercer des pressions. Et puis surtout, ça sera à la fin, juste après l'incendie où il y a ce moment terrible où Damien Carême dit : nous reconstruirons le camp. Et puis, il part quelques minutes avec les deux ministres qui disent : non, le camp ne sera pas reconstruit. On voit bien les rapports de force.
Angélique Muller : On a souhaité créer une espèce d'utopie en fait, les acteurs sur place en fait, créer une espèce d'utopie avec des conditions de vie qui sont bonnes, pas parfaites, loin de là bien évidemment mais qui sont bonnes avec un accueil chaleureux à la hauteur de ce que les gens voulaient donner. Donc ça, c'était vachement important pour toutes les associations et pour tous les bénévoles qui allaient en fait. C'était vraiment aussi ça. Et puis donc, s'éloigner des problématiques d'un gouvernement qui de toute façon les refusait et donc d'une police qui était plutôt affiliée à ça et qui en dehors, était un peu problématique avec certains migrants. Donc, on refusait un petit peu ça. Cette utopie, à un moment, a eu peut-être aussi une limite quoi en fait, clairement ! Mais ça après, c'est mon point de vue bien évidemment.
Cyril Hanappe : Il y avait quand même quelque part à Grande-Synthe une forme d'utopie et de se dire : ah, on invente la ville telle qu'on la voudrait, la ville rêvée. Il y avait quand même vraiment en tout cas à la Linière quelque part, l'idée d'inventer une ville et un quartier en tout cas qui se ferait de manière différente. C'est quelque chose qu'on a globalement rêvé et je pense que Damien Carême plus ou moins consciemment, il le rêvait aussi. Utopia 56, ils ne portaient pas leur nom par hasard. Enfin, il y avait vraiment une dynamique d'inventer quelque chose et notamment une manière de faire la ville. Et ça a marché un temps.
Damien Carême : Ça ne me satisfaisait pas. C'étaient des cabanes de bois de neuf mètres carrés dans lesquelles il y a un petit poêle à machin. Par terre, c'était du terrain enfin des cailloux damés. C'est vraiment temporaire, un sas pour aller sur autre chose. Que ça soit un ghetto comme celui-là ou un ghetto de personnes âgées qu'on met dans des lotissements ensemble, qui sont entre eux ou de jeunes qu'on met… D'ailleurs moi, j'ai toujours combattu ça parce qu’il n’y a que quand on est tous ensemble, intergénérationnel, interethnique, inter tout ce qu'on veut, interculturel ou cultuel d'ailleurs que ça marche et parce que si on fait des clans, ça ne marche pas. Donc le modèle, il n’est pas bon. Et puis ce n’est pas ces conditions de vie… Moi finalement, j'ai rendu service à l'État en faisant ça. Pendant ce temps-là, il avait 1 500 personnes en moins à s'occuper. Et bien, ce n’est pas bien de faire ce cadeau. Moi, c'était vraiment une solution humanitaire d'urgence mais elle ne pouvait pas rester dans le temps. C'était impensable. De toute façon, en un an, on avait vu le vieillissement du camp, les cabanes qui étaient très abîmées, enfin voilà, mais on ne pouvait pas garder ça.
Angélique Muller : C'est vraiment peut-être encore une étape même de prise de conscience parce qu'on a essayé de faire un peu la « même chose » que ce qu'on connaissait c’est-à-dire un camp de réfugiés quoi en fait, un camp de migrants, après sur la demande d'un espace de la mairie mais on aurait pu peut-être avec un peu plus d'expérience ou de recul, etc. se dire : bah non, ça ne sera pas ça parce que ça demandera une gestion folle en fait, et ça créera peut-être plus de tensions. Il faudrait faire peut-être des lieux de passage plus séparés, plus distincts, qui accueillent de plus petites populations, genre des hôtels, vraiment brefs. C'était comme une étape c’est-à-dire qu'un camp, est-ce que c'est la solution pour 2 500 personnes à gérer ? Bah non !
Damien Carême : Parce que moi, je ne préconise pas de faire des camps, surtout pas ! On a d'autres moyens. Moi, j'ai dû le faire pour des raisons humanitaires parce qu'il n'y avait pas de solution et qu'on ne pouvait pas laisser vivre ces gens-là mais jamais, je dis : il faut faire des camps. On a plein de logements vides en France même s’il en manque beaucoup mais il faut reconstruire, il en faut d'autres et quand on a une situation d'urgence, on adapte les choses et puis « on les met dans du dur » avec des salles de bains, avec des toilettes, avec de quoi ça va manger, avec de quoi avoir des médecins qui puissent des consultations, des cours de langue, du soutien psychologique. C'est comme ça qu'on est prêt à accueillir correctement les gens, que ça soit en nombre important comme dans le conflit syrien ou le conflit ukrainien aujourd'hui mais que ça soit aussi sur des gens qui arrivent régulièrement parce que la migration, elle a existé de tout temps et elle continuera à exister.
Cyril Hanappe : Nous, ce qui est sûr, c'est que ça nous a nourris et qu’on fait les choses de manière très différente depuis. À Grande-Synthe ou à Calais, il y avait toutes ces gradations de l'espace privé vers l'espace public qui étaient définies en fonction des besoins et qui généraient beaucoup d'urbanité.
Damien Carême : Je refuse les ghettos et je connais trop les travers après de parler de… comment c'est le grand le grand mot à la mode, de faire de la mixité sociale. Ça ne s'impose pas la mixité sociale. Ça se construit. Et là aussi, c'est ce qu'il faut en fait. Pour que ça se passe bien, c'est ce qu'il faut.
Cyril Hanappe : Mais typiquement encore une fois, Grande-Synthe par exemple était une ville d'accueil. Ils repartent de pratiquement zéro après la guerre. Donc c'était une ville qui se constituait elle-même d'apports successifs de gens de toutes origines. Par contre, comme je vous en parle, enfin encore une fois, c'est vrai qu'on comprend que tout ça ne pouvait exister qu'à Grande-Synthe et que ce qui s'est passé, c'était vraiment le produit d'une histoire, d'une géographie et d'un moment politique bien sûr.
Damien Carême : Moi, je me bats au Parlement Européen qui est un peu plus progressiste que le conseil mais ça devient dur. Et puis là, moi je me sers aussi du conflit ukrainien, de ce qui vient de se passer avec les Ukrainiens. On vient d’accueillir cinq millions de personnes. Ça a posé des problèmes à qui ? À qui ? Personne ! Bah, alors !
Cyril Hanappe : Moi, j’étais assez déstabilisé parce qu’on avait mis au point toute cette pensée et puis tout d'un coup, on voit les Ukrainiens qui arrivent. Tout d'un coup, il n’y a pas de problème. C’est-à-dire qu’on se dit : mais on a inventé plein de trucs en fait. S’il y a de la bonne volonté, il n’y a pas de problème. Alors ça, c'est vrai que moi je suis un peu déstabilisé depuis, c’est-à-dire qu’il y avait cette idée qui me plaisait beaucoup de se dire : bah à travers ça, on peut inventer une manière renouvelée de faire la ville qui soit plus écologique, plus démocratique, etc. Quelque part ça demeure, ces notions-là demeurent mais l'accueil, c'est quand même avant tout une question politique.
Damien Carême : On montre qu’on est capable de le faire. Alors, on n’est pas bon. Par exemple la France, sur les 100 000 Ukrainiens qui ont été accueillis, la plupart, c'est chez les habitants quand même parce que l'État n'est pas à la hauteur, n'a pas les infrastructures. Il n'a rien anticipé. Il ne veut pas s'en occuper. Il refuse de s'en occuper. C'est son choix. Il y a d'autres choix possibles. Il y a d'autres choix possibles.
C'était « Naissance et embrasement du premier camp humanitaire d'urgence en France », deuxième partie. Avec Cyril Hanappe, architecte et enseignant à l'École d'architecture de Paris Belleville, Damien Carême, député européen et maire de Grande-Synthe jusqu'en 2019 et Angélique Muller, coordinatrice des activités de MSF à la Linière jusqu'en avril 2016. Entretien et réalisation : Samantha Maurin.