RCA : interventions d’urgence au cœur du conflit

Des affrontements ont éclaté en Centrafrique depuis la fin de l'année 2020. MSF intervient en urgence à travers le pays.
Plusieurs affrontements ont éclaté en Centrafrique depuis la fin de l'année 2020. MSF intervient en urgence à travers le pays. © Adrienne Surprenant / Collectif ITEM/MSF

La situation en République centrafricaine s'est aggravée depuis la fin du mois de décembre. Des affrontements entre une coalition de groupes armés et les forces gouvernementales, soutenues par des troupes étrangères principalement russes, ont éclaté en amont d'élections contestées. Les équipes de Médecins Sans Frontières se sont déployées dans tout le pays pour venir en aide aux blessés. Le point sur la situation à Bossembélé, Grimari et Ippy, trois villes affectées par les violences.

Depuis le mois de décembre 2020, environ 280 000 personnes ont fui leur foyer à cause des violences en Centrafrique. Certains groupes, dont les musulmans et les Peuls, sont particulièrement stigmatisés et violentés. Partis dans la précipitation, ils ont tout laissé derrière eux : des familles entières errent dans des camps ou des bâtiments de fortune en ville, d'autres se cachent dans la brousse.

À Grimari, dans le centre du pays, environ 8 000 personnes déplacées ont trouvé refuge à l'hôpital local depuis la fin du mois de décembre et 3 000 autres sont arrivées des régions voisines à la mi-février. À Bossembélé, dans l’ouest de la RCA, 1 200 hommes, femmes et enfants se sont regroupés autour de l’hôpital tandis que le reste des 80 000 habitants de la ville a fui loin de la route principale. Les équipes MSF ont également constaté qu’environ 3 600 personnes avaient été déplacées autour et à l’intérieur de la ville d’Ippy.

« Nous avons entendu des rumeurs concernant l'arrivée imminente d'hommes armés et nous avons fui avec femmes et enfants, ainsi que quelques biens, notamment une partie des récoltes, raconte Bruno, qui vit dans le village de Ngreko, près de Grimari. Ils voulaient que nous restions pour combattre à leurs côtés. » Rattrapé alors qu’il se cachait dans la brousse, l’homme a été pris en otage et battu. 

Les violences ont lourdement affecté les moyens de subsistance de la population. Le bétail a été tué ou volé, les champs n’ont pas été cultivés en raison de l’insécurité et de nombreuses maisons ont été complètement brûlées.

Carte des projets MSF en Centrafrique, mai 2021.
 © MSF
Carte des projets MSF en Centrafrique, mai 2021. © MSF

Attaques contre la mission médicale

Le 28 décembre 2020, une attaque contre un camion transportant des civils à Grimari a blessé et tué plusieurs passagers, dont un membre du personnel de MSF. Une équipe a évacué les blessés qui devaient être opérés vers l’hôpital régional de Bambari, à 75 kilomètres de là, car celui de Grimari n'avait ni le personnel, ni le matériel nécessaires pour les prendre en charge. 

De violents combats ont également eu lieu à Bossembélé. Là aussi, les blessés n'ont pas pu être soignés sur place, faute de personnel et d'équipements adéquats. 66 patients ont été transférés à l'hôpital soutenu par MSF à Bossangoa, 147 kilomètres plus au nord.

Les centres de santé soutenus par les ONG dans ces zones, ainsi que leurs bases, ont été pillés après l'évacuation temporaire du personnel au plus fort des combats. Le conflit, et notamment les actes de violence contre les établissements sanitaires, a gravement perturbé l'approvisionnement en fournitures médicales. La plupart des établissements de santé situés près d'Ippy sont à court de médicaments, dont ceux nécessaires au traitement des principales causes de décès en RCA, comme le paludisme. Le personnel médical a fui pour se cacher dans la brousse avec d'autres membres de leurs communautés. Les acteurs armés ont également utilisé les centres de santé comme bases temporaires.

« Nous avons trouvé le bâtiment et le toit endommagés par des impacts de balles, et des tâches de sang sur les murs », raconte Renate Sinke, coordinatrice des projets d'urgence MSF, en parlant de Boyali, un petit village près de Bossembélé. 

Vue générale du site pour les personnes déplacées à cause des violences à Grimari, en RCA. 8 000 individus y ont trouvé refuge. Le site se trouve en face de l'hôpital et les équipes MSF y gèrent des cliniques mobiles.
 © Seigneur Yves Wilikoesse
Vue générale du site pour les personnes déplacées à cause des violences à Grimari, en RCA. 8 000 individus y ont trouvé refuge. Le site se trouve en face de l'hôpital et les équipes MSF y gèrent des cliniques mobiles. © Seigneur Yves Wilikoesse

Pour répondre aux besoins, MSF a renforcé les capacités des hôpitaux de Grimari, Bossembélé et Ippy par la mise en place de plans d'urgence, la formation du personnel de santé et des donations de médicaments. 

Les équipes ont aussi organisé des cliniques mobiles dans les structures sanitaires encore fonctionnelles, les écoles et les sites de déplacés. Elles ont effectué plus de 5 300 consultations entre décembre et avril, en se concentrant sur les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes et les cas urgents. La mise en place de systèmes d' accès à l'eau potable et d'assainissement, de latrines et de douches a constitué une partie importante de la réponse de MSF dans ces trois villes. 

Augmentation des violences sexuelles

Depuis la fin du mois de décembre, les violences sexuelles sont en augmentation dans toute la région. À Ippy et ses environs, 29 survivantes de violences sexuelles ont été prises en charge médicalement et psychologiquement par nos équipes. Parmi elles, 21 femmes ont été violées lors de deux viols collectifs, qui ont eu lieu au même endroit à seulement deux semaines d'intervalle. Le personnel hospitalier de Grimari et de Bossembélé a été formé à la prise en charge des personnes ayant subi des violences sexuelles, en plus d'avoir reçu des donations de médicaments et de matériel.

Moins de la moitié des survivantes vues en consultation sont arrivées dans les 72 heures suivant leur agression. Une proportion inquiétante, quand on sait que recevoir des soins médicaux dans les trois premiers jours suivant une agression sexuelle réduit considérablement le risque de grossesses non désirées et de transmission de maladies, dont le VIH.

« Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. De nombreuses femmes ne viennent pas nous voir parce qu'elles ont peur des représailles, que ce soit de la part de leurs agresseurs ou de leur propre communauté, explique Narin Fandoglu, coordinatrice de l'équipe mobile d'urgence. La procédure judiciaire est aussi un long processus qui n'est pas accessible depuis les provinces, ce qui est très décourageant. »

Notes

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