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RDC : Goma plongée dans le chaos, des centaines de blessés de guerre

People fleeing the conflict in North and South Kivu
Des personnes arrivant à Goma après avoir fui les affrontements armés dans le Nord et le Sud-Kivu. © Jospin Mwisha

Cette semaine, les combats entre le M23, l’armée congolaise et leurs alliés respectifs ont atteint le centre-ville de Goma. Les équipes MSF ont réorienté une partie de leurs activités afin de répondre à des urgences telles que la prise en charge des blessés de guerre. Virginie Napolitano, coordinatrice d’urgence MSF à Goma, témoigne de la situation dans la ville.  

Cette semaine, la situation a été très chaotique. Au départ, il y a eu des affrontements à l'arme lourde. On a entendu aussi beaucoup d'armes légères qui crépitaient en ville, très proches des habitations et de nos lieux de travail. Quand nous avons enfin réussi à sortir pour nous rendre à l’hôpital, nous avons vu des uniformes militaires qui trainaient dans les rues, ainsi que de nombreuses douilles d’armes à feu. Il y avait aussi beaucoup d’armes dans les rues, dont certaines ont été récupérées par la population ou les groupes armés. 

On sait qu’il y a eu beaucoup de pillages en ville. Beaucoup de stocks d’organisations internationales ont été touchés, y compris ceux de MSF.  Ils contenaient du matériel humanitaire, comme des médicaments, qui permettent aux ONG de travailler, notamment dans les camps de déplacés. La plupart des organisations humanitaires ne peuvent plus travailler. 

Situation chaotique

Goma compte quelque deux millions d’habitants, auxquels s’ajoutent plus de 650 000 personnes déplacées par les combats ces derniers mois ou années, qui vivent à proximité de la ville, dans des camps insalubres. MSF n’a plus qu’un petit stock de médicaments et a cessé pour l’instant d’intervenir dans ces camps, même si nous avons pu nous y rendre jeudi.  Une partie des équipes MSF a réussi à faire des dons à des hôpitaux, notamment des kits de prise en charge médicale, du carburant ou de l’eau, comme à l’hôpital général de référence de Virunga à Goma. 

Des habitants de Goma transportent des jerrycans d'eau potable alors que la ville est soumise à des interruptions du service d'eau.
 © Jospin Mwisha
Des habitants de Goma transportent des jerrycans d'eau potable alors que la ville est soumise à des interruptions du service d'eau. © Jospin Mwisha

Pendant près d’une semaine, l’électricité a été totalement coupée en ville, ce qui ajoutait au chaos généralisé. Goma était coupée du monde, c’était le blackout total. L’eau a également été coupée et jusqu’à présent, la population n’a pas accès à l’eau potable. Les habitants de Goma, et les déplacés qui ont rejoint la ville pour fuir les combats, sont obligés de se rendre au lac Kivu pour remplir des bidons d’eau. Heureusement, la Croix-Rouge Nationale est sur place. Elle permet à la population de chlorer ces bidons d’eau pour éviter la propagation de maladies d’origine hydrique, comme le choléra. Malgré ces interventions, jeudi 30 janvier, nous avons appris que plusieurs cas de choléra avaient été signalés à Goma. Les équipes MSF commencent à travailler en soutien à la prise en charge de personnes souffrant de cette maladie et à l’assainissement dans la ville. 

Avant le début des combats dans la ville, les équipes MSF travaillaient dans l’hôpital de Kyeshero, situé dans la partie ouest de la ville, en soutien au ministère de la Santé. Elles offraient une prise en charge aux enfants souffrant de malnutrition, dont la plupart venaient des camps de déplacés à proximité de la ville.  Nous avons rapidement mis en place un plan d’afflux massif de blessés, notamment pour soutenir l’hôpital Ndosho de la Croix-Rouge Internationale [CICR]. Ce dernier est débordé par le nombre de blessés à prendre en charge. 

Avant que les combats n'éclatent à Goma, les équipes de MSF travaillaient à l'hôpital de Kyeshero, situé dans la partie ouest de la ville, en soutien au ministère de la Santé. Elles prodiguaient des soins aux enfants souffrant de malnutrition, dont la plupart provenaient des camps de personnes déplacées situés à proximité de la ville. 
 © Michel Lunanga
Avant que les combats n'éclatent à Goma, les équipes de MSF travaillaient à l'hôpital de Kyeshero, situé dans la partie ouest de la ville, en soutien au ministère de la Santé. Elles prodiguaient des soins aux enfants souffrant de malnutrition, dont la plupart provenaient des camps de personnes déplacées situés à proximité de la ville.  © Michel Lunanga

Dès le 23 janvier, les premiers blessés ont commencé à se présenter à l’hôpital ou à nous être transférés par le CICR. En une seule journée, mercredi 29 janvier, nous avons reçu près de 140 blessés au triage de l’hôpital, dont une grande partie a été hospitalisée. C’était la première journée où les affrontements avaient baissé d’intensité. Cela a permis aux blessés, qui étaient restés chez eux et qui ne pouvaient pas accéder à des soins, de se rendre dans un hôpital. 

Au début de l’offensive du M23 sur Goma, nous recevions des patients pour la plupart blessés par des éclats d’obus. Dernièrement, les patients qu’on prenait en charge étaient surtout blessés par balles, notamment des civils touchés par une balle perdue. Ce sont souvent des personnes qui se trouvaient à proximité des combats et qui n’ont pas pu se protéger, ou alors des personnes blessées alors qu’elles étaient chez elles. Les balles ont traversé les murs en bois de leur maison. Nous avons aussi reçu des personnes qui participaient aux combats, des militaires ou leurs alliés. 

Personnes arrivant à Goma après avoir fui les affrontements armés dans le Nord et le Sud-Kivu.
 © Jospin Mwisha
Personnes arrivant à Goma après avoir fui les affrontements armés dans le Nord et le Sud-Kivu. © Jospin Mwisha

Actuellement, la morgue de l’hôpital de Kyeshero déborde de corps, avec près de 40, dont la plupart ne sont pas identifiés. Nous sommes en discussion avec le ministère de la Santé pour essayer d'organiser des enterrements dignes pour ces personnes. Les morgues des autres hôpitaux de Goma sont aussi débordées. Nous savons aussi que le ramassage des corps n’est pas terminé, c’est un travail que la Croix-Rouge et la protection civile continuent de mener. Un bilan ne pourra être dressé que quand les affrontements et violences urbaines auront totalement cessé et que ce travail mené par la Croix-Rouge sera terminé. 

Blessés de guerre

L’hôpital de Kyeshero est dépassé par le nombre de blessés, même si les équipes MSF et du ministère de la Santé font de leur mieux. Elles étaient habituées à la prise en charge des enfants malnutris et après la mise en place du plan d’afflux massif de blessés, se sont retrouvées à faire de la prise en charge de blessés de guerre. Dans cet hôpital, nous manquons de médicaments mais aussi de personnels, notamment spécialisés en chirurgie.  

Une partie du personnel de l’hôpital n’a pu se rendre sur place, en raison des combats dans la ville. Ceux qui étaient déjà présents depuis dimanche sont restés quatre jours d’affilée sur place, sans pouvoir dormir correctement, pour soigner les blessés. Nos activités ont été lourdement affectées par le fait de ne pas pouvoir se déplacer et ni amener du matériel médical, des médicaments et de la nourriture aux patients. 

Patient à l'hôpital Kyeshero, à Goma, où MSF intervenait avant le début des combats dans la ville.
Au cours de la dernière semaine de janvier, lorsque les combats ont atteint Goma, MSF a rapidement mis en place un plan pour faire face à un afflux massif de blessés, en particulier pour soutenir le travail du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à l'hôpital de Ndosho.
 © Michel Lunanga
Patient à l'hôpital Kyeshero, à Goma, où MSF intervenait avant le début des combats dans la ville. Au cours de la dernière semaine de janvier, lorsque les combats ont atteint Goma, MSF a rapidement mis en place un plan pour faire face à un afflux massif de blessés, en particulier pour soutenir le travail du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à l'hôpital de Ndosho. © Michel Lunanga

Le plus urgent pour MSF, c’est de pouvoir reconstituer nos stocks de matériel médical et de médicaments, et de faire rentrer du personnel spécialisé, notamment pour augmenter la prise en charge chirurgicale. Un chirurgien et un anesthésiste devraient arriver à Kyeshero ce vendredi 31 janvier.   

Jeudi 30 janvier, nous avons réussi à nous rendre dans certains camps de personnes déplacées situés à l’ouest de la ville. Les situations sont assez différentes dans ces camps, mais dans celui de Kashaka, la population était particulièrement inquiète, notamment suite à de nombreux pillages en ville.   

D’autre part, cette situation chaotique s’ajoute aux traumatismes de leur déplacement, puisqu’ils avaient déjà fui les combats entre le M23, l’armée congolaise et leurs alliés respectifs. Les déplacés ne se sentent plus en sécurité. Certains ont commencé à démonter leurs abris et à quitter les camps, dans l’espoir de trouver un peu de sécurité ailleurs. Ceux qui restent se demandent s'ils vont pouvoir ou devoir rentrer chez eux de force sous la pression des groupes armés . 

Notes

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