RDC : insécurité et impunité obligent MSF à fermer des projets essentiels à Nizi et Bambu

Un couloir de l'hôpital général de Lita, attaqué et pillé par des hommes armés, en novembre 2019. Territoire de Djugu, province d'Ituri.
Un couloir de l'hôpital général de Lita, attaqué et pillé par des hommes armés, en novembre 2019. Territoire de Djugu, province d'Ituri. © Alexis Huguet

Quatre mois après l’attaque perpétrée à l’encontre d’un convoi humanitaire de Médecins Sans Frontières (MSF) par des hommes armés non identifiés, l’organisation annonce la fermeture de ses projets à Nizi et Bambu, dans la province de l'Ituri. Une décision lourde de conséquences mais nécessaire face à l’absence prolongée de garanties de sécurité de la part des différents acteurs qui s’affrontent dans la région.

Le 28 octobre 2021, deux membres de MSF ont été grièvement blessés par balles sur la route entre les localités de Kobu et Bambu, dans le territoire de Djugu. Dès le lendemain de l’incident, MSF appelait publiquement les parties au conflit à condamner fermement cette attaque et à s'engager en faveur du respect du droit international humanitaire et de la mission médicale, incluant les structures sanitaires, le personnel soignant, les ambulances, les patients et les blessés. MSF demandait également aux autorités d'ouvrir une enquête, sans résultat à ce jour.

« Cette situation est intenable et nous contraint à fermer le projet, explique Olivier Maizoué, responsable des programmes de MSF pour la République démocratique du Congo (RDC). Les risques de retourner dans ces zones sont tout simplement trop élevés pour MSF. Cette décision nous bouleverse, car elle va avoir des conséquences désastreuses pour une population dont les besoins sont aigus. Notre mission est de sauver des vies, mais pas au prix des nôtres. »

MSF continuera, malgré tout, à apporter une assistance humanitaire en Ituri, à Drodro et Angumu, où l’organisation est présente depuis plusieurs années. Pour les projets de Nizi et Bambu, des donations de médicaments et de matériel médical sont prévues pour aider les acteurs de santé à couvrir les mois à venir. « Nous sommes toutefois bien conscients que ces donations isolées ne compenseront pas notre départ et porteront préjudice aux populations qui ont cruellement besoin de soins de santé », ajoute Olivier Maizoué. 

MSF réitère sa demande pour qu'une enquête soit menée par les autorités. L’organisation appelle toutes les parties prenantes à assurer un environnement propice à l’acheminement de l'aide humanitaire pour la population.

Cette attaque n’est que la dernière d’une liste d’incidents auxquels MSF a été confrontée en Ituri ces derniers mois. En juin 2021, l'hôpital général de référence de la ville de Boga, soutenu par MSF, a été sévèrement endommagé suite aux combats urbains, au cours desquels douze personnes ont perdu la vie. Plusieurs bâtiments, dont l'unité de soins intensifs, ont été incendiés, et la pharmacie et le stock médical avaient été pillés. 

« Nous sommes inquiets face aux nombreuses attaques et aux pillages des structures sanitaires. Nous sommes profondément troublés par le climat d’impunité qui règne aujourd’hui dans cette partie de la RDC, souligne Jérome Alin, chef de mission MSF dans le pays. Nous savons que l’impunité alimente la violence. »

Dans l’ensemble de la RDC, les équipes de MSF peuvent témoigner de violations similaires à l’encontre des équipes humanitaires et médicales. En signe de solidarité avec nos collègues et les populations touchés, l’ensemble des activités de MSF dans le pays sera suspendu mercredi 23 mars 2022, à l’exception des activités médicales pour les cas critiques.

Distribution de kits de biens de première nécessité aux personnes déplacées du camp de Kambe.
 © MSF/Solen Mourlon
Distribution de kits de biens de première nécessité aux personnes déplacées du camp de Kambe. © MSF/Solen Mourlon

MSF a démarré ses activités à Nizi et Bambu en juin 2018, fournissant des soins médicaux aux 471 000 personnes touchées par des années de conflit. Focalisées sur la santé pédiatrique et la prise en charge de la malnutrition, les équipes ont également mis en place des dispositifs d’approvisionnement en eau potable, des latrines et des douches pour les personnes déplacées.

Dans cette province du nord-est de la RDC, MSF soutient deux hôpitaux généraux de référence (HGR), douze centres de santé, trois postes de santé et 32 sites de soins de santé communautaires à Drodro et Angumu, en collaboration avec le ministère de la Santé. L’organisation y traite les maladies pédiatriques, la malnutrition, le paludisme, les blessures issues de violences sexuelles ainsi que la santé mentale. Ces dernières semaines, nos équipes ont également collaboré avec des hôpitaux à Bunia pour soigner des blessés de guerre. MSF est présente depuis plus de 40 ans en RDC et travaille actuellement dans 20 des 26 provinces du pays.

Notes

    À lire aussi