Au Darfour occidental, deux épisodes de violences ont eu lieu en juin et en novembre 2023 et ont causé plusieurs milliers de morts et un afflux de blessés dans l’hôpital MSF d'Adré, au Tchad. Comment décrire les violences extrêmes que connaît le Darfour actuellement ?
Il y a eu plus d’un millier de blessés reçus à l’hôpital MSF d'Adré lors du premier épisode de violences, puis 300 autres lors du second. La ville d’El-Geneina, où les équipes MSF soutiennent le seul hôpital fonctionnel, a été le théâtre de combats entre les belligérants, mais également de violences de masse contre sa population, en particulier contre les Masalit.
Après le premier épisode de violences à El-Geneina, nous avons fait une enquête de mortalité rétrospective dans plusieurs camps de réfugiés au Tchad. Dans l’un des camps où les gens venaient essentiellement d’El-Geneina, là où les violences ont été les plus intenses, le taux de mortalité depuis le début de la crise s'était multiplié par 20. On a aussi constaté que plus de 80% des victimes étaient des hommes, les civils parmi eux étant systématiquement considérés comme des combattants et ciblés en tant que tels.
D'autre part, plus de 80% des victimes ont été blessées dans les violences. Cette intensité rappelle les violences de 2003, bien qu’aujourd’hui El-Geneina fait plutôt figure d’exception tandis qu’en 2003, le ciblage ethnique des communautés non-arabes avait lieu sur l'ensemble du Darfour.
MSF a également réussi à conserver son principal projet à El-Fasher, la capitale du nord Darfour, permettant ainsi une présence continue dans le seul hôpital encore fonctionnel de la ville, ainsi que dans un centre de santé du camp de déplacés de Zam Zam, l’un des plus importants du Darfour. Beaucoup de personnes déplacées vivaient à El-Fasher avant la guerre, dans des camps situés à la périphérie de la ville ; d'autres ont ensuite afflué depuis les zones rurales. Les approvisionnements en matériel, médicaments et ressources humaines se font depuis le Tchad voisin, la quasi-totalité des aéroports soudanais par lesquels l'aide transitait avant le début de la guerre étant fermée.