Au sud de Kiev, à Bila Tservka, à Hrebinky et à Ksaverivka, une grande partie de la population s’est enfuie, craignant une avancée rapide des troupes russes. Encore une fois, les plus vulnérables, âgés ou malades, n’ont pas pu fuir. Les hôpitaux et les établissements de santé ont reçu l'ordre d'arrêter tous les soins non urgents pour se préparer à recevoir les blessés. L'accès aux soins de santé, y compris aux soins primaires, est devenu extrêmement difficile. Les pharmacies ont fermé ou n'ont plus de médicaments de base en stock. La vente d'alcool a été interdite et les alcooliques ont commencé à souffrir de sevrages aigus, une situation qui peut mener au décès. Les travailleurs sociaux, n’ayant pas accès au carburant, se sont rabattus sur les bicyclettes, mais les couvre-feux récurrents, les restrictions de mouvement et les check-points les empêchent d'atteindre, aussi souvent que nécessaire, les gens bloqués chez eux. Les travailleurs sociaux ont souligné ce paradoxe : alors que des hôpitaux fonctionnels sont vides et attendent les blessés, les malades, eux, sont condamnés à rester chez eux.
Enfin, certaines personnes sont restées dans ces mêmes régions en raison de leur maladie chronique, de leur insuffisance rénale ou de leur cancer qui les rend dépendantes de séances de dialyse ou de chimiothérapie. Sans assurance qu'elles pourront accéder à ces services si elles fuient vers l'ouest du pays ou à l'étranger, elles sont coincées. Et leurs proches sont souvent piégés avec elles. La directrice de Nezabutni, une fondation ukrainienne qui soutient les personnes atteintes de démence et leurs soignants, m’expliquait que, même dans les zones fortement bombardées, les familles de personnes atteintes de troubles mentaux choisissaient de ne pas se mettre à l'abri lorsque les alarmes retentissaient, car l'expérience était tout simplement trop pénible pour les personnes les plus fragiles.