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Yémen : à Hajjah, fournir des soins de santé mentale dans un pays en guerre

Portrait de Fatima, une patiente suivie par MSF dans la ville d'Hajjah. Yémen. 
Portrait de Fatima, une patiente suivie par MSF dans la ville d'Hajjah. Yémen.  © Jinane Saad/MSF

Dans la clinique Al-Gomhouri de la ville d’Hajjah, dans le nord-ouest du Yémen, MSF propose un programme de prise en charge complet en santé mentale. Dans ce pays en guerre depuis de nombreuses années, où le système de santé s’est effondré, accéder à des soins spécialisés est parfois impossible.

Fatima*, 33 ans et mère de cinq enfants, souffrait de graves hallucinations et entendait constamment des voix, ce qui la faisait pleurer, crier et parfois être violente avec ses enfants. « Je pensais que je ne pourrais plus être une mère pour mes enfants, une fille pour mes parents ou une sœur pour mes frères et sœurs, explique Fatima. J'étais un cas désespéré. Personne ne m'acceptait. Je passais la plupart du temps assise dans le noir, et c'était un casse-tête absolu pour ma famille. J'ai transformé leur joie en chagrin. »

Après son divorce, Fatima a dû quitter la maison de son mari et est retournée habiter chez ses parents, à Hajjah. C’est dans cette ville qu’elle a pu trouver des soins adaptés, fournis par MSF dans la clinique Al-Gomhouri. La plupart des personnes ayant des problèmes de santé mentale au Yémen recherchent souvent un soutien et un traitement lorsque la maladie a déjà progressé, lorsque les symptômes ont déjà un impact sur leur vie et celle de leur famille. Différentes raisons peuvent expliquer cette prise en charge tardive.

« Les longues années de guerre, qui ont entraîné la destruction de maisons, la perte de vies humaines, le déplacement de milliers de personnes et la détérioration des conditions économiques et de vie, ont pesé sur la santé mentale de la population au Yémen. De nombreuses personnes ont perdu leurs proches ou leur emploi et ne peuvent pas accéder aux services de base », explique Muaadh Abdul-Ghani Al-Samawi, superviseur de la clinique de santé mentale d'Hajjah.

L'établissement reçoit, en collaboration avec le ministère de la Santé, environ 400 patients par mois, dont environ 17 % sont des nouveaux patients. « Nous recevons des patients souffrant de divers troubles de santé mentale, avec des symptômes allant de légers à graves, tels que l'anxiété, des épisodes dépressifs, des troubles de stress post-traumatique et des problèmes de comportement, détaille Aura Ramírez, psychiatre MSF responsable des activités de santé mentale. Cependant, la plupart des patients arrivent avec des problèmes sévères tels que la dépression majeure, la psychose et le trouble bipolaire, qui nécessitent un traitement psychiatrique en plus de la prise en charge psychologique. Ces patients représentent 70 à 80 % des personnes admises à la clinique. »

Les participants d'un groupe de parole, organisé par MSF à Hajjah, prennent le déjeuner ensemble. Yémen.
 © Jinane Saad/MSF
Les participants d'un groupe de parole, organisé par MSF à Hajjah, prennent le déjeuner ensemble. Yémen. © Jinane Saad/MSF

Les hommes représentent environ 70 % des patients que MSF reçoit. Les femmes sont donc largement minoritaires et sont confrontées à des difficultés d’accès aux services de santé mentale. Pour y remédier, les équipes MSF s'efforcent de sensibiliser et de souligner l'importance des soins de santé mentale dans les communautés en organisant régulièrement des séances d'éducation dans divers services de l'hôpital Al-Gomhouri pour les patients, leurs familles et les visiteurs.

« Les gens sont également aux prises avec des problèmes familiaux et des traumatismes. Le conflit et le manque d'accès aux services de santé mentale ont un impact significatif sur les patients qui souffraient déjà de troubles mentaux chroniques avant le début de la guerre », poursuit Muaadh Abdul-Ghani Al-Samawi.

Compte tenu du grand besoin de services de santé mentale et du manque de psychiatres au Yémen et dans le gouvernorat d'Hajjah, MSF met en œuvre le Mental Health Gap Action Program (MHGAP) via sa clinique d'Hajjah. Ce programme, lancé par l'Organisation mondiale de la Santé, vise à accroître la capacité du système de santé à fournir des soins de santé mentale.

« Dans le cadre du MHGAP, nous avons formé les médecins généralistes au diagnostic, à la prise en charge psychosociale et à la prescription de médicaments pour certains patients atteints de troubles mentaux, sous la supervision d'un psychiatre, facilitant ainsi l'accès aux services de santé mentale pour les personnes dans le besoin », explique Aura Ramírez.

Actuellement, Fatima reçoit à la fois un soutien psychologique et un traitement médical dispensé par un psychologue clinicien et un médecin du MHGAP. Elle participe également aux séances de groupe organisées au Day Care Center (DCC) lancé par MSF en avril 2022. Le DCC propose des soins psychologiques et un programme de réadaptation pour les patients atteints de maladies mentales chroniques qui ont atteint une certaine stabilité. Il leur permet d'améliorer leurs interactions sociales et d'augmenter leur indépendance. Le programme offre des séances thérapeutiques, récréatives et psychoéducatives pour permettre aux patients de se réinsérer progressivement dans la société.

« Ces séances m'ont fourni des informations et m'ont aidée à prendre confiance en moi. Je suis devenue une femme indépendante après des années de souffrance. Je peux maintenant mener à bien mes activités quotidiennes. J'aide aussi ma mère et mes frères et sœurs à faire le ménage et je m'occupe de mes enfants », conclut Fatima.

*Son prénom a été modifié pour préserver son anonymat.

Notes

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