Antibiogo : une application révolutionnaire pour lutter contre la résistance aux antibiotiques

Nada Malou de la Fondation MSF à Amman en Jordanie durant l’évaluation clinique de l’application.
Nada Malou de la Fondation MSF à Amman en Jordanie durant l’évaluation clinique de l’application. © MSF

Désormais dispositif médical certifié, Antibiogo sera déployé dès l'été 2022 dans plusieurs laboratoires de Médecins Sans Frontières (MSF). Cet outil de diagnostic innovant, développé et testé par la Fondation MSF pour les besoins des pays à ressources limitées, sera  disponible sous la forme d’une application gratuite et téléchargeable, et représente un espoir de taille pour ralentir l’antibiorésistance, enjeu majeur de santé publique.

Enjeu de santé publique

Antibiogo permet aux techniciens de laboratoires non-experts de mesurer et interpréter des antibiogrammes, le test qui détermine la sensibilité des bactéries aux différents antibiotiques. Ce test est indispensable pour aider les médecins à prescrire les antibiotiques les plus efficaces à leurs patients. La résistance aux antimicrobiens (RAM), reconnue par l’OMS comme une menace majeure pour la santé publique, a causé 1,27 million de décès en 2019. Elle pourrait être la première cause de mortalité avec dix millions de morts par an dans le monde à partir de 2050 si rien n’est fait.

« Grâce à Antibiogo, n’importe quel technicien de laboratoire en microbiologie va pouvoir lire et interpréter, directement sur son téléphone, un antibiogramme et savoir quel est le profil de résistance des bactéries responsables de l’infection des patients. Bien utilisé, il s’agit d’un fantastique nouvel outil de diagnostic qui aidera à assurer un plus large accès à des tests bactériologiques de qualité même en l’absence de microbiologistes. Cela permettra non seulement de traiter les patients avec les antibiotiques les plus adaptés mais aussi de réduire la résistance aux antibiotiques », explique Nada Malou, responsable du programme Antibiogo.  

Pays à ressources limitées

Par ailleurs, la grande majorité des tests diagnostic sont développés dans les pays riches dans une logique de marché, puis une fois rentabilisés, mis à disposition des pays à ressources limitées sans prendre en compte la spécificité de leurs contextes. « Antibiogo a ceci d’innovant qu’il est né dans les pays à ressources limitées, a été développé avec les utilisateurs de ces pays, et a été testé dans les populations qui vont en bénéficier. Le modèle de développement de ce dispositif médical est l’inverse de celui que l’on connaît habituellement, et répond à de réels besoins observés dans les pays à ressources limitées », poursuit Nada Malou.  

Dans les pays riches, la prescription d’antibiotiques est facilitée par l’utilisation d’automates pour la lecture et l’interprétation des antibiogrammes, et par l’expertise de microbiologistes. Mais dans les pays à ressources limitées, dépourvus de ces équipements onéreux et de microbiologistes cliniques en nombre suffisant, l’identification de l’antibiorésistance est bien plus compliquée voire absente.

Outil diagnostic innovant

Antibiogo est ainsi basé sur le traitement d'images, une technologie d'intelligence artificielle et un système expert existant. En pratique, l’application permet aux techniciens de laboratoire de mesurer les diamètres d’inhibition qu’on retrouve sur les antibiogrammes puis à en interpréter les résultats, sans forcément avoir une expertise en microbiologie, pourtant nécessaire jusqu’alors. En situation, les résultats montrent un très haut niveau de concordance, allant de 90 à 98% en fonction des bactéries, lorsqu’ils sont comparés avec l’interprétation faite par des microbiologistes qualifiés.  

L’application mobile Antibiogo sera d’abord utilisée dans des laboratoires de MSF au Mali, en République Centrafricaine, en Jordanie et au Yémen, et sera déployée plus largement par la suite. Après l’obtention de la certification finale en 2023, l’application, destinée aux professionnels de santé, sera téléchargeable dans l’ensemble des pays à ressources limitées.

Notes

    À lire aussi