L'immobilisation du Sea-Watch 4 condamne à plus de morts en mer

Sea Watch 4 - Rotation01 - Life on board
A bord du Sea-Watch 4, une personne secourue regarde la mer. © Hannah Wallace Bowman/MSF

Le Sea-Watch 4 a été empêché ce week-end de quitter Palerme et devient le cinquième navire d'ONG à être immobilisé par les autorités portuaires italiennes en moins de cinq mois. Les inspections des navires d’ONG sont un écran de fumée visant à empêcher les opérations de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée.

« Les autorités italiennes manipulent et abusent de procédures maritimes légitimes », a déclaré Ellen van der Velden, responsable MSF pour les opérations de recherche et de secours. « Une fois qu'un navire de sauvetage entre dans un port italien, il est soumis à une inspection longue et zélée jusqu'à ce que des irrégularités insignifiantes soient découvertes. Le 19 septembre, il a fallu 11 heures d'inspection sur le Sea-Watch 4 pour trouver suffisamment d'infractions pour empêcher le navire de sortir du port de Palerme ».

« On nous accuse de sauver « systématiquement » les gens, on nous reproche d'avoir trop de gilets de sauvetage à bord ou des lacunes dans le système d’évacuation. Pendant ce temps, l'obligation pour chaque navire de porter assistance aux bateaux en détresse est complètement ignorée. Les autorités italiennes font ainsi le jeu de la corruption, en incriminant et en arrêtant les organisations humanitaires qui ne font qu'essayer de sauver des vies en mer conformément au droit maritime international, tout en s’extrayant de leurs propres obligations, principalement celle de porter assistance aux bateaux en détresse. Et cela avec l'assentiment des autres États européens », a ajouté Ellen van der Velden.

 

 

Lors de sa première mission de sauvetage, le Sea-Watch 4 a sauvé 354 personnes. Parmi elles se trouvaient 227 hommes, ainsi que 98 adolescents non accompagnés, des familles, des femmes voyageant seules, des personnes handicapées, des mères enceintes et des enfants - le plus jeune ayant moins de deux ans. L'équipe médicale de MSF à bord a réalisé 551 consultations.

« Les blessures des rescapés témoignent de la violente réalité à laquelle il ont échappé, et des dangers du voyage qu'ils sont obligés de faire pour trouver la sécurité », selon Barbara Deck, coordinatrice du projet médical de MSF à bord. « Du garçon devenu sourd à la suite d'un coup de poing donné à la tête par des hommes armés, au père qui porte les marques de tortures infligées alors qu'il était en Libye, la résilience dont nous avons été témoins est une leçon d’humilité. Il est révoltant que les gouvernements européens fassent leur possible pour empêcher ces personnes vulnérables de recevoir ces soins vitaux ».

La décision des autorités italiennes d'immobiliser le Sea-Watch 4 est d'autant plus répréhensible que le navire a été chargé par les autorités maltaises d'embarquer davantage de personnes du navire Louise Michel qui se trouvait en détresse dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise. Au même moment, des navires des garde-côtes italiens étaient sur place et ont évacué 50 personnes vulnérables parmi les quelques 200 rescapés à bord.

 

 

Le Sea-Watch 4 n'est en mer qu'en raison de l'absence de capacités étatiques de recherche et de sauvetage dans la zone maritime la plus meurtrière du monde. MSF et d'autres ONG tentent simplement de combler le vide laissé par les États européens. Le mois d'août a enregistré le plus grand nombre de décès en Méditerranée centrale cette année, avec 111 personnes déclarées mortes ou disparues. Lors du dernier naufrage au large des côtes libyennes, le 15 septembre, plus de 20 personnes ont été portées disparues et dans un autre naufrage, le 17 août, 45 migrants et réfugiés sont morts, ce qui porte à 379 le nombre de décès cette année.

A travers la Méditerranée, de l’osbtruction des sauvetages en mer à la détention délibérée des personnes dans le camp de réfugiés de Moria, l'approche actuelle de l'UE en matière de migration consiste à piéger, repousser et abandonner systématiquement les personnes ; qu'il s'agisse de les laisser mourir en mer ou de piéger des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants dans des conditions épouvantables dans des camps sur les îles grecques. Alors que l'Union européenne annonce le lancement de son nouveau pacte sur les migrations, le 23 septembre, les organisations, telles que MSF, mesurent le coût de ces politiques. Cette dernière manoeuvre des autorités italiennes jette une ombre sur ce pacte et sa nature, avant même qu'il ne soit rendu public.

 

 

Les États membres de l'UE ne tiennent pas compte de leur devoir légal et moral de sauver des vies, préférant imposer des mesures bureaucratiques et administratives abusives à un autre navire de sauvetage. La décision de détruire davantage une capacité de recherche et de sauvetage déjà limitée en Méditerranée centrale aura des conséquences dévastatrices et entraînera inévitablement davantage de morts.

Les attaques contre les ONG qui tentent de venir en aide à des personnes désespérées doivent cesser et le  Sea-Watch 4 doit être libéré d'urgence afin qu'il puisse reprendre les opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale.

 

Notes

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