En raison d’une combinaison de facteurs, tels que la situation sécuritaire particulièrement volatile, la peur de nouvelles violences sexuelles et les pressions culturelles, les femmes qui ont pu bénéficier de soins médicaux n’ont pas quitté leur village avant le 2 mars, lorsqu’une autre organisation humanitaire est parvenue à envoyer des motos sur place pour les transporter à l’hôpital de Bossangoa, établissement où travaille une équipe de MSF. Les membres de l’équipe leur ont immédiatement fourni les premiers soins, suivis de soins gynécologiques, de vaccins contre le tétanos et les hépatites, ainsi que d’un soutien psychologique. Malheureusement, il était trop tard pour leur administrer le traitement essentiel contre la transmission du VIH, qui doit être pris dans les 72 heures suivant le viol.
« Les femmes que nous avons reçues réagissaient différemment à cette situation, mais toutes étaient très traumatisées. Certaines étaient totalement sous le choc, d’autres paralysées par la peur ou dans l’incapacité de parler de l’incident. Un certain nombre de ces femmes présentaient des plaies ouvertes à l’arme blanche. C’était terrible à voir, ça m’a brisé le cœur. Notre équipe de la maternité les a prises en charge avec dignité et patience, et a mis à leur disposition un espace sûr et confidentiel afin qu’elles puissent commencer à digérer ce qui leur était arrivé », raconte Soulemane Amoin, la sage-femme de MSF responsable à l’hôpital de Bossangoa.
Selon les survivantes, de nombreuses autres victimes de cette attaque sont restées au village, préférant ne pas se rendre à l’hôpital de Bossangoa par peur des stigmatisations liées au viol, y compris la crainte d’être exclues de leur communauté en cas d’identification en tant que survivantes.
« Nous sommes choqués et très attristés par ce viol de masse, et particulièrement inquiets au sujet des nombreuses femmes toujours sans assistance qui ont besoin de soins médicaux de toute urgence. Cette attaque terrible symbolise bien le quotidien de la population en République centrafricaine, en particulier des femmes et des enfants qui sont les plus vulnérables dans ce conflit, explique Paul Brockmann, chef de mission de MSF en RCA. Cette attaque est l’une des conséquences de la nouvelle vague de violences aveugles qui a éclaté fin 2016 et se poursuit sans relâche », ajoute-t-il.
Cette dernière attaque porte le nombre total de survivantes de viol et d’agressions sexuelles soignées par l’équipe de MSF à Bossangoa à 56, de septembre 2017 à aujourd’hui, soit beaucoup plus que les treize femmes prises en charge entre janvier et août 2017. Cette augmentation est non seulement le reflet d’une recrudescence de la violence dans la zone, mais aussi d’une intensification des activités du programme de MSF de lutte contre les violences sexuelles.
MSF fournit également des soins et une assistance médicale aux survivantes de violences sexuelles dans d’autres régions de la RCA. En 2018, les équipes de MSF présentes dans l’hôpital SICA de Bangui ont soigné en moyenne 300 survivantes de viols et d’agressions sexuelles par mois. Ces patientes sont originaires de la capitale et de diverses provinces du pays. À la maternité Castor, également à Bangui, environ vingt victimes de violences sexuelles et basées sur le genre par mois ont été prises en charge par les équipes de MSF, et dix autres à la maternité de Gbaya-Dombia. À l’hôpital communautaire de Bangui, que MSF soutient depuis fin décembre, nos équipes ont déjà soigné 147 survivantes de violences sexuelles et basées sur le genre.