Choléra au Nigeria : « Certains patients étaient si faibles qu'ils ne pouvaient pas parler »

Un infirmier MSF, dans la zone de triage du CTC de MSF à Kano, s'occupe de Hafsat Auwal, aux côtés de sa mère, une patiente de 10 ans atteinte du choléra. Hafsat et sa famille vivent à Kano depuis longtemps.
Un infirmier MSF, dans la zone de triage du CTC de MSF à Kano, s'occupe de Hafsat Auwal, aux côtés de sa mère, une patiente de 10 ans atteinte du choléra. Hafsat et sa famille vivent à Kano depuis longtemps. © MSF/Hussein Amri

Endémique au Nigeria, le choléra est toujours présent de façon épisodique, mais l'épidémie de 2021 est la plus importante que le pays ait connu depuis une décennie. Plus de 90 000 personnes ont été infectées à ce jour, dont une grande majorité dans les six États du nord du pays (Bauchi, Kano, Jigawa, Zamfara, Sokoto et Katsina). C'est dans cette zone que des centaines de milliers de personnes ont été déplacées de leurs foyers par les conflits et la violence. MSF intervient aux côtés du ministère nigérian de la Santé pour tenter de maîtriser l'épidémie.

À 400 km au nord-est d'Abuja, la capitale nigériane, Mohammad Sheriff, deux ans, se remet du choléra. L'enfant est assis avec son père dans le centre de traitement du choléra (CTC) de MSF à Bauchi, principale ville de l'un des États les plus durement touchés par l'épidémie. « Il a vomi deux fois et, plus tard, a commencé à avoir la diarrhée, explique le père de Mohammad, qui a rapidement reconnu les symptômes du choléra. Il y a constamment des messages d'information à la radio donc je l'ai immédiatement emmené à l'hôpital. »

Le choléra est une pathologie facile à traiter dans la plupart des cas. Les personnes atteintes de formes légères à modérées de la maladie se rétablissent généralement grâce à un traitement à base de solution de réhydratation orale. Les patients gravement déshydratés peuvent être admis dans un CTC et recevoir des liquides par voie intraveineuse.

Mohammed, atteint d'une forme grave de choléra, est arrivé à temps au CTC. Après deux jours de soins médicaux, il se trouve désormais dans le service de convalescence – la dernière étape avant d'être déchargé et de pouvoir rentrer chez lui. 

Une zone meurtrie par le conflit

La région la plus durement touchée par l'épidémie (notamment les états de Zamfara et du Borno) connaît une insécurité chronique. Pour fuir le conflit entre les forces gouvernementales et les groupes armés d'insurgés, la population, extrêmement vulnérable, n'a d'autre choix que de se réfugier dans les camps de déplacés surpeuplés, aux conditions d'assainissement médiocres et sans eau potable. Les sources d'eau peuvent facilement être contaminées par les eaux usées, en particulier pendant la saison des pluies, provoquant la propagation rapide de maladies d'origine hydrique telles que le choléra.

Abubakar Gali, 10 ans, est originaire de Goron Dutse dans la région du gouvernement local de Gwale dans l'État de Kano. « Il réagit au traitement car son état s'est amélioré. Son petit frère a été le premier à avoir le choléra. Après son retour à la maison, Abubakar est tombé à son tour malade » explique Mahmoud, son père.
 © Hussein Amri/MSF
Abubakar Gali, 10 ans, est originaire de Goron Dutse dans la région du gouvernement local de Gwale dans l'État de Kano. « Il réagit au traitement car son état s'est amélioré. Son petit frère a été le premier à avoir le choléra. Après son retour à la maison, Abubakar est tombé à son tour malade » explique Mahmoud, son père. © Hussein Amri/MSF

« Les sources d'eau proviennent généralement de puits peu profonds et de forages ; avec les précipitations, elles sont contaminées, mais cette eau est bue par les gens ici, explique Mustapha Mahmud. Par ailleurs, les gens vivent entassés, sans ventilation ni drainage adéquats ». 

La sécurité constitue un défi supplémentaire dans certaines localités. Dans l'État de Zamfara, de nombreux patients arrivent dans un état grave ou critique, après avoir tardé à se faire soigner par peur d'être confrontés à la violence ou au danger sur les routes. Malgré cela, les équipes de MSF admettaient encore plus de 100 patients par jour par moment en août. « Le choléra s'est ajouté à une combinaison complexe de vulnérabilités médicales et humanitaires sur fond d'insécurité accrue, aggravée par les impacts directs et secondaires de la Covid-19 » explique le Dr Simba Tirima, représentant MSF au Nigéria.

Afflux de patients

 

Au plus fort de l'épidémie en juillet, le centre nigérian de contrôle des maladies a signalé plus de 7 500 nouveaux cas par semaine. Les équipes d'urgence de MSF travaillent aux côtés du ministère nigérian de la Santé pour tenter de maîtriser l'épidémie. « Nous avons dû admettre 80 à 90 patients au cours d'un seul tour de garde, explique Anas Al-Hassan, infirmier au CTC de MSF à Kano, où l'épidémie s'est rapidement propagée dans toute la communauté. Il n'y avait pas de temps de repos compte tenu du nombre de patients. Le travail à l'époque était écrasant. »
 

Six centres de traitement du choléra dans la région ont été ouverts par MSF et ont permis de prendre en charge plus de 20 000 patients à ce jour. « Les patients étaient dévastés, leurs soignants craignaient de ne pas s'en sortir, explique Philip Esenwa, responsable des activités médicales de MSF pour l'Unité d'intervention d'urgence du Nigeria. Certains étaient si faibles qu'ils ne pouvaient pas parler. »
 

De nombreuses structures médicales, mal équipées, n'ont pas pu faire face à l'afflux de patients. Certains établissements facturent leurs services, ce qui rend le traitement inaccessible pour ceux qui n'ont pas les moyens de payer.

Une approche communautaire

Pour faire face à ces défis complexes, MSF a adopté une approche communautaire, en transmettant les soins de santé, les mesures d'hygiène et les informations de santé publique directement aux communautés touchées. Les équipes de promotion de la santé de MSF travaillent avec le personnel du ministère de la Santé pour effectuer une recherche des personnes contacts avec une démarche en porte-à-porte afin d'identifier de potentiels malades présentant des symptômes et de les aider à obtenir des soins médicaux rapidement. En parallèle, les équipes de proximité chlorent les puits et désinfectent les maisons des patients.

Un promoteur de santé MSF désinfecte les maisons des patients afin d'empêcher la propagation du choléra dans la communauté.
 © MSF/Hussein Amri
Un promoteur de santé MSF désinfecte les maisons des patients afin d'empêcher la propagation du choléra dans la communauté. © MSF/Hussein Amri

En collaboration avec les dirigeants communautaires, les équipes de MSF ont également identifié les quartiers à forte concentration de cas pour mettre en place des points de réhydratation orale, où les patients présentant des symptômes plus légers peuvent recevoir un traitement.

Dans certains États, un vaccin oral à dose unique est disponible pour aider à réduire la propagation de la maladie. Cependant, l'offre mondiale est limitée et le vaccin n'est pas disponible dans tous les États.

Une épidémie partiellement maîtrisée

Dans les zones où MSF intervient, les efforts mis en place ont fait la différence. Dans l'État de Bauchi, où MSF a mis en place 19 points de réhydratation orale ainsi qu'une unité de traitement du choléra, et mené des activités de promotion de la santé et de l'hygiène, le taux de mortalité a été divisé par dix, passant de 5 % à moins de 0,5 %, et le nombre de nouveaux patients admis pour traitement continue de baisser.

Le nombre de nouveaux cas de ces dernières semaines au niveau national est désormais à la baisse, avec 1 000 admissions par semaine contre 7 500 au plus fort du pic de l'épidémie. « Il y a enfin une baisse significative du nombre de nouveaux cas dans la plupart des régions », déclare le Dr Tirima. Ailleurs dans le pays, cependant, l'épidémie fait toujours rage. « D'autres zones continuent d'être touchées et la réponse n'est pas encore terminée », prévient-il. Dans la capitale de l'État de Borno, Maiduguri, l'équipe MSF continue de traiter près de 200 patients par semaine contre le choléra et les diarrhées aqueuses aiguës.

Notes

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