Covid-19 au Myanmar : « Les lits d’hôpitaux et les crématoriums étaient pleins »

Un membre des équipes MSF au chevet d'une patiente touchée par la Covid-19, dans la clinique MSF de l'État de Kachin. Octobre 2021. Myanmar.
Un membre des équipes MSF au chevet d'une patiente touchée par la Covid-19, dans la clinique MSF de l'État de Kachin. Octobre 2021. Myanmar.   © Ben Small/MSF

À partir du mois de juin 2021, une troisième vague de covid-19 s’est propagée au Myanmar, depuis les régions frontalières avec l’Inde, dans l’ouest du pays. Les hôpitaux ont rapidement été submergés tandis que le système de santé public était déstabilisé, suite à la prise de pouvoir par les militaires le 1er février. Retour sur ces mois extrêmement éprouvants avec les équipes MSF sur place.

Quelques jours après le renversement du gouvernement du Myanmar, de nombreux soignants ont cessé de travailler, lançant un mouvement de désobéissance civile qui a notamment entraîné une grève généralisée des fonctionnaires. Une répression envers les professionnels de santé s’est alors mise en place : 28 ont été tués, 90 sont toujours emprisonnés et certains sont encore menacés par les autorités.

Lorsque la troisième vague de covid-19 a débuté, durant l’été 2021, le pays et le système de santé étaient profondément fragilisés. « Un nombre incalculable de personnes se rendaient en ville pour essayer de se procurer de l’oxygène. Les consultations de routine, les chirurgies et les vaccinations avaient été annulées pour faire face à l’épidémie. Mais les lits d’hôpitaux et les crématoriums étaient pleins, les étagères des pharmacies étaient vides, les gens paniquaient », explique un membre de l’équipe MSF du Myanmar.

Refusés dans les hôpitaux

Naung Ting fait partie du personnel soignant d’une clinique MSF de l'État de Kachin, qui prend en charge les personnes atteintes par le VIH/Sida. Lorsque son beau-père est tombé malade de la covid-19, Naung Ting et sa famille n’ont pas réussi à le faire hospitaliser dans sa ville, ni à Yangon, l’ancienne capitale du pays, à deux heures de route.

Naung Ting travaille dans la clinique MSF de Myitkyina, dans l'État de Kachin. Octobre 2021. Myanmar.
 © Ben Small/MSF
Naung Ting travaille dans la clinique MSF de Myitkyina, dans l'État de Kachin. Octobre 2021. Myanmar. © Ben Small/MSF

« Mes proches, qui sont médecins aux États-Unis, venaient de créer un groupe de discussion par messagerie instantanée pour aider les personnes dans notre cas. Ils ont prescrit un traitement à distance à mon beau-père, détaille le jeune homme de 34 ans. Nous devions nous procurer les médicaments et l’oxygène qui lui étaient nécessaires. Cette situation est devenue fréquente, y compris pour les familles qui n’avaient aucune expérience médicale et peu de moyens pour se procurer des médicaments coûteux. »

Le prix d’un médicament, qui permet de traiter les caillots sanguins, courants chez les patients atteints de covid-19, a fortement augmenté suite à l’explosion du nombre de cas et à la hausse de la demande. Chaque pilule coûtait alors près de 20 euros. « Mon beau-père devait prendre deux de ces pilules par jour… Quant à l’oxygène, comme nous n’avions réussi à trouver qu’une seule bouteille, nous devions nous rendre tous les deux jours à Yangon (anciennement Rangoon) pour la remplir, explique Naung Ting. Mon beau-père n’a pas survécu. »

Une épidémie sous-évaluée

À la fin de l’année 2021, le ministère de la Santé du Myanmar ne dénombrait qu’environ 20 000 décès dus à la covid-19. Mais les autorités prennent en compte uniquement les décès hospitaliers, alors que de nombreuses personnes, comme le beau-père de Naung Ting, décèdent à leur domicile faute d’être prises en charge dans un hôpital. « Un phénomène similaire est observable sur le nombre de personnes qui ont été testées positives à la covid-19, car les autorités ne procédaient à un écouvillonnage que pour les patients qui présentaient les symptômes les plus graves », ajoute un membre de l’équipe MSF au Myanmar.

Entrée du centre de traitement Covid-19 de l'hôpital Aung San de Yangon. Août 2021. Myanmar.

 
 © Ben Small/MSF
Entrée du centre de traitement Covid-19 de l'hôpital Aung San de Yangon. Août 2021. Myanmar.   © Ben Small/MSF

Les équipes MSF ont reçu l’autorisation d’ouvrir trois centres de prise en charge de la covid-19, pour des patients présentant des symptômes modérés à sévères dans la plus grande ville du pays, Yangon, ainsi qu’à Myitkyina et Hpakant, dans l'État de Kachin. Des évaluations ont été réalisées dans d’autres régions, comme dans l'État de Chin, où le manque de médecins était critique, mais les autorités locales n’ont pas souhaité que les équipes MSF interviennent, invoquant des problèmes de sécurité. « Nous avons uniquement été autorisés à envoyer du matériel médical essentiel, dans cette région qui manquait pourtant de soignants », déplore un membre des équipes MSF au Myanmar. À Lashio, la capitale de l’État Shan, alors qu’elles avaient commencé à soutenir un établissement de santé en août, les équipes MSF ont reçu l’ordre de cesser quelques jours après. Six patients ont été transférés vers le centre de traitement de la covid-19 du gouvernement militaire.

Seules 13 millions de personnes au Myanmar sont complètement vaccinées, soit environ un quart de la population. « Nous avons décidé de maintenir notre infrastructure covid-19 et de conserver le personnel médical, en cas de nouvelle épidémie, avance un membre de l’équipe MSF au Myanmar. D’autre part, bien que notre approvisionnement en médicaments essentiels se soit amélioré, leur importation reste un problème. Les délais de traitement sont plus longs qu'avant la prise de contrôle militaire, ce qui retarde les expéditions. » Dans ce contexte, les équipes MSF craignent un nouveau débordement du système de santé si une nouvelle vague d’infections venait à se propager dans le pays.

Notes

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