Crise nutritionnelle au Kenya : « Il faut davantage de financements pour s'attaquer à la malnutrition »

Des femmes cherchent de l'eau dans l'un des puits peu profonds situés le long d'un lit de rivière asséché à Illeret. La sécheresse ravageuse a entraîné une pénurie d'eau dans la région, obligeant les habitants à chercher des sources d'eau alternatives, impropres à la consommation humaine.
Des femmes cherchent de l'eau dans l'un des puits peu profonds situés le long d'un lit de rivière asséché à Illeret. La sécheresse ravageuse a entraîné une pénurie d'eau dans la région, obligeant les habitants à chercher des sources d'eau alternatives, impropres à la consommation humaine. © MSF/Lucy Makori

Dans le nord-est du Kenya, la sécheresse fait rage après trois saisons consécutives sans pluie, aggravant une situation d'insécurité alimentaire déjà catastrophique. Le comté de Marsabit affiche des taux de malnutrition aiguë élevés ou supérieurs à la normale. Médecins Sans Frontières (MSF) intervient auprès du ministère de la Santé dans les activités de gestion de la nutrition.

Dans la localité d'Illeret, la diminution de la consommation de lait en raison de la détérioration de la santé et des décès du bétail a contribué à l’accroissement de la malnutrition au sein de cette communauté pastorale. 

Telite Saani, 26 ans, originaire du village de Lomadang, est mère de six enfants, dont des jumeaux qu'elle allaite encore. Ils sont actuellement pris en charge par le programme de nutrition de MSF et de ses partenaires, car ils sont atteints de malnutrition aiguë modérée et sévère. Son lait maternel est insuffisant car elle n'a presque rien à manger.

Telite Saani, mère de six enfants, se tient à côté de ce qui était l'étable de sa famille dans le village de Lomadang, à Illeret. Tout son bétail et ses moutons sont morts à cause de la sécheresse.
 © MSF/Lucy Makori
Telite Saani, mère de six enfants, se tient à côté de ce qui était l'étable de sa famille dans le village de Lomadang, à Illeret. Tout son bétail et ses moutons sont morts à cause de la sécheresse. © MSF/Lucy Makori

« Nous avions aussi 20 bovins et moutons, raconte Telite, mais tous sont morts. Nous avons ramassé les carcasses près de la route. » Les pâturages et les ressources en eau ont diminué, occasionnant de longues marches pour trouver des zones de pâturage pour le bétail et pour l'usage domestique. Les ménages ont à peine un repas par jour. « Je ramasse maintenant du bois de chauffage pour le vendre près de l'Éthiopie, explique Telite. Je vais aussi chercher de l'eau au puits et je la vends. Si j'ai de l'argent, j'achète de la farine pour faire du porridge, mais parfois, quand je ne vends pas, nous nous endormons affamés. »

La situation est aggravée par l'accès réduit à la nourriture sur le marché et le déclin du commerce, les prix des produits d'épicerie ayant augmenté de 25 à 50 %. Ce manque de nourriture a conduit les familles à se partager les compléments alimentaires donnés aux enfants souffrant de malnutrition.

Une crise qui s'aggrave

En février 2022, MSF a effectué une évaluation dans cinq sous-comtés de Marsabit. Le sous-comté de North Horr, plus précisément à Illeret, présentait la pire situation en matière de sécurité alimentaire et le plus grand nombre d'enfants malnutris. Un dépistage de masse effectué par l'UNICEF à Marsabit, également en février, a révélé un taux critique de malnutrition aiguë globale de 23,3 %. Onze enfants malnutris, inclus dans le programme, sont morts entre la mi-février et la mi-mars.

Avec l'augmentation des chiffres de la malnutrition à Illeret, gérer les patients nécessitant un traitement a été un défi. Le centre de référence le plus proche est à cinq heures de route, avec peu d'options de transport public. Cela engorge les établissements de santé publics qui souffrent déjà du manque de personnel médical et de médicaments.

Des activités de proximité pour soutenir la gestion intégrée de la malnutrition aiguë ont été menées dans certains sous-comtés par le ministère de la Santé et ses partenaires. Mais elles n'ont pas pu être maintenues régulièrement, réduisant le dépistage des enfants malnutris et les suivis dans la communauté.

« Il faut davantage de financements et de coordination pour pouvoir répondre aux besoins critiques des gens et s'attaquer à la malnutrition. La sensibilisation mobile doit offrir une évaluation et un soutien réguliers en matière de nutrition, explique Edi Atte, chef de mission MSF. Par le passé, en raison des problèmes de logistique et de ressources humaines, les cliniques de proximité n'avaient lieu qu'une à deux fois par mois, ce qui annulait les progrès du traitement des enfants malnutris et les suivis. »

La réponse de MSF

MSF a travaillé avec le ministère de la Santé et ses partenaires pour renforcer la composante médicale des activités de gestion de la nutrition à Illeret. Les équipes MSF soutiennent le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des enfants souffrant de malnutrition aiguë. La recherche active de cas et la surveillance ont permis d'augmenter le nombre d'enfants qui ont accès à ces soins.

Fozia, une volontaire en santé communautaire, nourrit Murikow, âgé de deux ans, avec du plumpy nut, lors d'une intervention de proximité à Illeret. Murikow souffre de malnutrition aiguë modérée et son frère de malnutrition aiguë sévère.
 © MSF/Lucy Makori
Fozia, une volontaire en santé communautaire, nourrit Murikow, âgé de deux ans, avec du plumpy nut, lors d'une intervention de proximité à Illeret. Murikow souffre de malnutrition aiguë modérée et son frère de malnutrition aiguë sévère. © MSF/Lucy Makori

« Depuis que nous avons commencé notre intervention en mars, explique Edi Atte, il y a eu une augmentation des admissions d'enfants souffrant de malnutrition aiguë et d'enfants ne répondant pas au traitement. Nous avons renforcé les références vers le centre de stabilisation d'Illeret. Cela a permis de sauver des vies. »

MSF a également contribué à l'adaptation du service hospitalier du centre de santé d'Illeret en un centre d'alimentation thérapeutique comprenant 10 lits d'hospitalisation. Les mères du centre d'alimentation reçoivent également au moins trois repas par jour, afin de favoriser leur allaitement.

Que faut-il faire maintenant ?

Si l'assistance médicale et humanitaire ne s'améliore pas, l'augmentation des cas de malnutrition pourrait perdurer jusqu'en septembre 2022. D'autant que, malgré la sécheresse prolongée, la région a connu un sous-investissement dans la nutrition de la part des gouvernements du comté et du pays.

Il pleut désormais dans la région et la distribution alimentaire est en cours. Cependant, il existe toujours un besoin crucial de distribution de nourriture, de qualité et en quantité suffisante pour les ménages. Des solutions à long terme doivent être trouvées pour aider les populations à accéder à l'eau, un problème qui continue d'avoir un impact sur la santé des enfants.

« MSF demande de toute urgence une distribution alimentaire soutenue à tous les ménages et une augmentation des ressources humaines pour le centre de santé d'Illeret, déclare Edi Atte. Les bailleurs de fonds doivent agir maintenant pour éviter les catastrophes humanitaires qui se poursuivront si rien n'est fait rapidement. »

Notes

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