À Gaza, l’impossible déploiement de l’aide sous les bombes

Dans la nuit du 20 au 21 février 2024, les forces israéliennes ont mené une opération à Al Mawasi, Khan Younis, Gaza, où un abri abritant le personnel de MSF et leurs familles a été bombardé.
Dans la nuit du 20 au 21 février 2024, les forces israéliennes ont mené une opération à Al Mawasi, Khan Younis, Gaza, où un abri abritant le personnel de MSF et leurs familles a été bombardé.  © Mohammed Abed

Il y a un mois, la Cour internationale de Justice (CIJ) a émis des mesures provisoires ordonnant à Israël d’empêcher les actes de génocide et de garantir un accès aux services de base et à l'aide humanitaire à la population de la bande de Gaza. Cependant, la situation humanitaire des Gazaouis reste catastrophique. L’acheminement de l’aide au sein de l’enclave est presque impossible. Le personnel soignant et les humanitaires, attaqués et exposés à la violence, ne peuvent pas répondre aux besoins criants de la population.

Aucun endroit de Gaza n’est sûr, ni pour les civils ni pour ceux qui tentent de leur fournir une aide essentielle. Au cours des cinq derniers mois, les établissements de santé ont fait l’objet d’ordres d’évacuation et ont été attaqués et assiégés à plusieurs reprises. Le personnel médical et les patients ont été arrêtés, maltraités et tués alors qu'ils soignaient des patients. Cinq membres du personnel MSF ont perdu la vie. Plusieurs membres des familles des collaborateurs MSF ont également été tués. Le 20 février, un char israélien a dernièrement bombardé un abri de MSF à Al-Mawasi, tuant deux membres de la famille d'un employé de MSF et en blessant sept autres. Les forces israéliennes avaient été clairement informées de l'emplacement précis de l'abri.

 

Nasser, le plus grand hôpital du sud de Gaza, a été assiégé pendant des semaines. Après qu'un obus a touché le service d'orthopédie, tuant et blessant plusieurs personnes, le personnel MSF a été contraint de fuir et d'abandonner les patients sur place. L’un d’eux a été arrêté à un point de contrôle par les forces israéliennes alors qu'il tentait de quitter l'enceinte. MSF réitère son appel aux autorités israéliennes pour qu’elles partagent des informations le concernant, notamment sur son état de santé.

« Chaque soir, je dis au revoir à mes collègues palestiniens. Chaque matin, j’ai peur de ne pas les voir lors de la réunion du lendemain », explique Lisa Macheiner, coordinatrice de projet MSF à Gaza. 

Le personnel médical qui se trouve encore à l’intérieur de l’hôpital Nasser décrit une situation particulièrement effroyable, dans laquelle les patients se retrouvent piégés avec peu de nourriture, sans électricité ni eau courante.

Restrictions et manque de protection des convois humanitaires

Le nord de Gaza est en grande partie coupé de toute assistance depuis des mois. Pris au piège, les habitants n’ont pas d’autre choix que de tenter de survivre avec d’infimes quantités de nourriture, d’eau et de fournitures médicales. Des quartiers entiers ont été bombardés et détruits. Quelques membres du personnel MSF y vivent encore et continuent de témoigner. 

« La situation est catastrophique et ne cesse de s'aggraver, déplore un infirmier MSF du nord de Gaza. Il n’y a plus d’hôpitaux opérationnels, même pour les soins de base, et les pharmacies sont vides. Mes enfants sont malades depuis des semaines à cause du manque d’eau potable et de nourriture, et leur état empire. »

Une distribution d'eau potable à Gaza organisée par les équipes de Médecins Sans Frontières en février 2024.
 © Mohammed Abed
Une distribution d'eau potable à Gaza organisée par les équipes de Médecins Sans Frontières en février 2024. © Mohammed Abed

Selon les Nations unies, entre le 1ᵉʳ janvier et le 12 février, la moitié des missions prévues par les acteurs humanitaires pour acheminer de l'aide et entreprendre des évaluations dans les zones situées au nord de la rivière Wadi Gaza se sont vues refuser l'accès par les autorités israéliennes. Le Programme alimentaire mondial (PAM) est la dernière organisation humanitaire en date contrainte de suspendre son aide vitale au nord de Gaza, affirmant que les conditions ne permettent pas de distributions alimentaires sécurisées.

« Les gens ne peuvent plus supporter la souffrance »

Dans ce contexte de siège qu’impose Israël à toute la bande de Gaza, le ravitaillement reste extrêmement compliqué et limité. Alors que 300 à 500 camions entraient quotidiennement dans l’enclave avant la guerre, il y en avait à peine une centaine par jour entre le 21 octobre et le 23 février. Le 17 février, seuls quatre camions ont été autorisés à entrer à Gaza.

Les procédures administratives lentes et aléatoires entravent l’acheminement d’équipements et de produits vitaux pour les établissements de santé. Amener du matériel à Gaza peut prendre jusqu’à un mois, car le moindre carton est contrôlé, et si les autorités israéliennes rejettent ne serait-ce qu’un seul élément de la livraison lors du processus de contrôle, la totalité de la livraison est renvoyée en Égypte. En l’absence de liste officielle des produits soumis à restriction, MSF s’est régulièrement vu refuser l’importation de générateurs électriques, de purificateurs d’eau, de panneaux solaires et de divers équipements médicaux.

« Chaque blocage de matériels et chaque seconde perdue dans les approvisionnements entraînent encore plus de souffrances inacceptables, explique Lisa Macheiner. Ces livraisons d’aide humanitaire peuvent faire la différence entre la vie et la mort pour de nombreuses personnes. »

À Rafah, dans le sud de Gaza, quelque 1,5 million de personnes déplacées de force vivent dans des conditions effroyables. Les femmes sont obligées d’utiliser des bouts de vêtements comme serviettes hygiéniques, et les gens vivent dans des tentes boueuses, sans matelas ni vêtements chauds.

« Les personnes atteintes de maladies chroniques telles que le cancer, le diabète ou l'épilepsie n'ont pratiquement aucun accès aux médicaments, explique le Dr Hossam Altalma, un médecin MSF qui travaille à la clinique d'Al-Shaboura. Les gens sont désespérés, et prêts à payer n’importe quel prix pour obtenir des médicaments. »

Les équipes MSF continuent de fournir des soins médicaux à Gaza lorsque cela est possible, en assurant notamment des interventions chirurgicales, des soins postopératoires, des soins materno-infantiles, un soutien en santé mentale et des distributions d'eau. Ces interventions restent néanmoins dérisoires au regard des besoins immenses de la population. MSF appelle une fois de plus à un cessez-le-feu immédiat et durable, à des garanties de sécurité minimales pour les travailleurs humanitaires et à la fin du siège en cours à Gaza, afin de garantir que la population reçoive une aide vitale.

 

Notes

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