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Lutte contre les Maladies Tropicales Négligées (MTN), ce qu’il faut retenir

Bilya - Noma Survivor
Bilya, 20 ans, un patient atteint de noma, se repose dans la salle de réveil de l'hôpital de Sokoto, après sa première intervention chirurgicale. © Claire Jeantet - Fabrice Caterini/INEDIZ

Plus d'un milliard de personnes sont touchées par les maladies tropicales négligées (MTN). La majorité d’entre elles vivent dans les régions les plus reculées, dans des pays à faible revenu. Ces maladies peuvent être éprouvantes, défigurantes et stigmatisantes. Certaines sont atrocement douloureuses et souvent mortelles. Il est pourtant possible de les soigner et de les prévenir. À l'occasion de la Journée mondiale des MTN, le 30 janvier dernier, nous faisons le point sur les progrès mais aussi les immenses défis qui restent à relever. 

Les cinq grandes avancées

1. Le noma, une maladie mortelle pour les enfants, enfin reconnu par l’OMS comme maladie tropicale négligée

Les causes exactes du noma sont encore inconnues, signe qu'il s'agit d'une maladie particulièrement négligée par la recherche. En 2023, grâce à une campagne menée par le Nigeria, avec l’appui de MSF et d’autres acteurs, elle a finalement été ajoutée à la liste des MTN, et cette visibilité pourrait changer la donne et MSF espère qu'ainsi davantage d'investissements seront consacrés à la lutte contre cette maladie.

 2. Le Fonds END a compensé la baisse des aides du Royaume-Uni dans la lutte contre les MTN

Le budget d’aide à l’étranger du Royaume-Uni jouait un rôle crucial dans l’achat de médicaments pour traiter la leishmaniose viscérale - également connue sous le nom de kala-azar - en Afrique de l'Est. En 2021, ce budget a été drastiquement réduit et a laissé un vide béant dans la lutte contre cette maladie. Mais grâce aux efforts de MSF et d'autres organisations, un nouveau bailleur de fonds - le Fonds END - a été trouvé. Néanmoins, l'accès à un diagnostic et à un traitement rapides restent un défi majeur pour de nombreux patients atteints de leishmaniose viscérale dans le monde, en particulier en Afrique de l'Est. Il est impératif de trouver un soutien pérenne pour progresser dans la lutte contre les MTN.

3. MSF s’engage dans la lutte contre la schistosomiase génitale féminine

L'État du Jonglei, au Soudan du Sud, où MSF gère un hôpital dans la ville reculée d'Old Fangak, est le plus touché par la schistosomiase dans le pays. De nombreuses patientes souffrent d’une forme avancée de cette maladie appelée schistosomiase génitale féminine (SGF). Elles présentent une charge parasitaire élevée dans leur système reproducteur et urinaire, ce qui provoque une inflammation invalidante et, parfois, une progression vers des cancers mortels. C’est une forme très peu connue d’une maladie déjà négligée contre laquelle les équipes MSF commencent à mettre en place des actions afin de s'assurer que les femmes et les filles soient correctement diagnostiquées et qu'elles reçoivent le meilleur traitement possible.

4. Un programme ambitieux initié par GAVI en 2024 pour l'accès au vaccin contre la rage

Comme pour la dengue et le chikungunya, la vaccination est un moyen de lutte efficace contre la rage. Pourtant, dans un grand nombre des 150 pays où la rage représente encore une menace pour la vie humaine, les quantités de vaccin sont limitées et le coût très élevé.
La rage est transmise à l'homme par des morsures de mammifères infectés, le plus souvent des chiens. Sans vaccination rapide post-exposition, le patient est infecté par le virus et dès l’apparition des premiers symptômes, il est déjà trop tard : la maladie est mortelle à 100% car il n'y a pas de traitement. 
La nouvelle initiative de GAVI qui permet d’inclure la rage dans la liste des vaccins que les Etats peuvent demander à l’institution permettra aux ministères de la Santé des pays concernés de disposer du vaccin dans les structures de santé et de pouvoir vacciner rapidement et gratuitement les personnes mordues par des chiens qui se présentent dans leur structure.

5. La maladie du sommeil éliminée dans de nombreux pays

Au cours des 25 dernières années, le nombre de personnes souffrant de la maladie du sommeil a diminué de 97 %, jusqu'à éliminer la maladie de la liste des problèmes de santé publique en Guinée équatoriale, en Côte d'Ivoire, au Bénin, au Togo, en Ouganda, au Tchad en 2024 et, aujourd'hui, en Guinée. Cette réussite témoigne de ce qui est possible en associant une volonté politique, le financement et l’investissement de sociétés pharmaceutiques dans les MTN et le développement de traitements plus sûrs et plus efficaces. Mais, malgré ces avancées, 1,5 million de personnes restent menacées par la maladie du sommeil qui, sans traitement, est mortelle.

Les cinq principaux obstacles qui freinent les progrès de la lutte contre les MTN

1. L’instabilité et les guerres compromettent les avancées dans la lutte contre les MTN.

Lorsqu'un conflit éclate, les maladies tropicales négligées le sont d’autant plus. Des systèmes de santé déjà fragiles s'effondrent, la surveillance est interrompue et des maladies autrefois sous contrôle peuvent revenir avec force.
Au Soudan par exemple, la leishmaniose viscérale est présente dans plusieurs régions du pays. Or une guerre civile dévaste le pays depuis plus d’un an et demi et plonge le pays dans une grave crise nutritionnelle. Ces conditions sont propices à des flambées épidémiques de cette maladie. Les équipes MSF se tiennent ainsi prêtes à répondre et aider le ministère de la Santé à réagir rapidement.

2. Le manque de financement reste un problème majeur

Les financements se concentrent aujourd’hui sur cinq Maladies tropicales négligées - l'éléphantiasis, le trachome, la cécité des rivières et les vers intestinaux - car elles peuvent être traitées rapidement par des distributions massives de médicaments à un grand nombre de personnes à la fois et sont donc très appréciées des bailleurs de fonds. Pour les 16 autres maladies négligées, les méthodes permettant de les combattre sont plus complexes et/ou plus coûteuses, et les fonds alloués beaucoup plus limités. L'OMS a estimé qu'il manquait deux milliards de dollars pour lutter contre les MTN pour la seule période 2023-2025, sans compter le coût des médicaments.

Les bailleurs de fonds internationaux tels que la France, le Royaume-Uni, l'Union Européenne et les pays du BRICS pourraient avoir un impact significatif. Mais ils ont réduit leur financement au lieu de le maintenir voire de l’augmenter dans le cadre de leurs engagements pour la lutte contre ces maladies associées à la pauvreté.

3. Les morsures de serpent restent les plus meurtrières : les antivenins sont rares, peu efficaces et leurs prix exorbitants

La plupart des victimes de morsures de serpent restent sans traitement, parce qu’elles vivent loin d’un centre de santé disposant d’un antidote et qu’en plus ceux-ci sont trop chers. Non seulement, les antivenins sont produits en faible quantité mais leur efficacité n'est souvent pas optimale, ce qui oblige les patients à acheter plusieurs doses. L’efficacité de l’antivenin doit être évaluée par chaque pays qui l’utilise, mais ces évaluations sont parfois impossibles dans des systèmes de santé déjà saturés. En 2017, l'OMS a lancé une évaluation des produits existants - en demandant des échantillons à différents fabricants – et communique les résultats au fur et à mesure de leur audit. Cette initiative devrait permettre à terme aux fabricants d’améliorer la qualité de leurs produits. 

4. Les tests de diagnostic pourtant indispensables restent insuffisants

Une surveillance continue, grâce à des outils de diagnostic, est indispensable pour endiguer les MTN. Or, de nombreux tests restent peu fiables. Les tests de diagnostic des MTN bénéficient d'un soutien financier bien plus limité que ceux des autres maladies. Or Il est crucial que les diagnostics puissent être accessibles au plus près des communautés : la capacité de diagnostiquer efficacement ces maladies à un stade précoce et d'initier un traitement rapide est indispensable pour les patients et la prévention de la maladie.

Si les traitements de nombreuses MTN sont produits par de grands laboratoires pharmaceutiques comme GSK, qui peuvent en faire don par exemple, avec l’objectif d’améliorer leur image, ce n’est pas le cas des entreprises, plus modestes, qui produisent les tests de diagnostic. Par ailleurs, il n'existe pas de mécanisme global d'accès aux tests de diagnostic pour les MTN, chaque État doit donc acheter les siens. 

5. La diminution du financement de la recherche sur les MTN, un obstacle pour la R&D

Ces dernières années, les financements pour la recherche et le développement sur les MTN ont baissé. Si cette tendance se poursuit, les dernières phases de grandes innovations médicales seront compromises. Les essais en phase finale sont coûteux et, sans financement, les nouvelles molécules destinées à traiter les MTN n'ont aucune chance d'être mises sur le marché.

La leishmaniose viscérale, la dengue et la maladie de Chagas, par exemple, disposent de nouvelles molécules prêtes pour les essais cliniques, et un vaccin contre la schistosomiase en est également aux premiers stades de développement. Les morsures de serpent sont une autre MTN pour laquelle des essais cliniques pourraient bientôt commencer. L'avenir de tous ces progrès est aujourd'hui en suspens.

 

Notes

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