Mozambique : « Les gens arrivent dans un état psychologique pire que leur condition physique »

En décembre 2020, MSF a lancé un programme de soins de santé mentale dans des camps de déplacés de la banlieue de Pemba, la capitale de la province de Cabo Delgado. Mozambique.
En décembre 2020, MSF a lancé un programme de soins de santé mentale dans des camps de déplacés de la banlieue de Pemba, la capitale de la province de Cabo Delgado. Mozambique.   © MSF/Amanda Bergman

Près de 670 000 personnes ont été forcées de quitter leurs foyers depuis qu’un conflit a éclaté, en 2017, dans la province de Cabo Delgado dans le nord-est du Mozambique, entre des groupes armés non étatiques et l'armée. La coordinatrice médicale de MSF, Patricia Postigo, décrit la situation dans et autour de la ville de Montepuez, où quelque 50 000 personnes ont cherché refuge contre la violence.

Comment le conflit a-t-il affecté la population de Cabo Delgado?

Le conflit à Cabo Delgado se situe principalement dans la partie nord et côtière de la province. Lorsque des hommes armés pénètrent dans les villages de cette zone, les gens se déplacent vers le sud, vers la capitale provinciale, Pemba, ou vers l'intérieur des terres, auquel cas leur première destination est généralement la ville montagneuse de Mueda, qui est sous le contrôle de l'armée.

Avant d'atteindre Mueda, la plupart marchent pendant quatre, cinq ou même dix jours à travers la jungle. Souvent, ils fuient leurs maisons sans rien prendre d’autre que les vêtements qu'ils portent et ils essaient de survivre en mangeant des feuilles, une mangue ou un morceau de manioc.

Dans la jungle, ils voient des cadavres - des parents ou des voisins de leurs villages qui ont été assassinés, leurs corps démembrés et la tête coupée. Ils voient aussi des gens qui sont morts de faim ou de soif. Ils vous disent qu'ils ne peuvent pas sortir ces images de leur tête.

Depuis le début du conflit, certaines personnes ont déjà été déplacées deux ou trois fois dans leur district après que leurs villages ont été attaqués. Une fois à Mueda, cela peut leur prendre plusieurs jours pour rassembler suffisamment d'argent pour payer un voyage en camion pour aller plus au sud, par exemple à Montepuez, la deuxième ville la plus peuplée de Cabo Delgado. 

Dans quel état sont les gens à leur arrivée?

Quand les gens arrivent à Montepuez, certains sont déshydratés. D’autres ont des douleurs généralisées. Ils ont besoin d'eau, de nourriture et de pouvoir se laver. En général, ils n'arrivent pas dans un état grave, mais plutôt avec l'inconfort de plusieurs jours de marche, avec des plaies aux pieds. Les gens arrivent dans un état psychologique pire que leur condition physique, en raison de tout ce qu'ils ont vécu.

Il y a environ deux fois plus de femmes que d'hommes, car de nombreux hommes sont morts lors des attaques et d'autres ont été recrutés par les insurgés.

Les enfants arrivent dans un état déplorable, la plupart souffrent de paludisme. Les familles ici sont généralement nombreuses, avec cinq à sept enfants. Beaucoup d'enfants sont orphelins - leurs parents sont décédés ou ont disparu et ils sont pris en charge par leurs grands-mères ou d'autres parents.

Il y a aussi des femmes et des adolescents qui ont été enlevés par des insurgés et obligés de passer du temps dans des camps, à laver des vêtements, à cuisiner, etc. S'ils avaient refusé, ils auraient été tués.

Quels sont les besoins sanitaires des habitants de Montepuez?

La saison des pluies est en cours. Les conditions de surpeuplement dans lesquelles vivent certaines personnes déplacées et les conditions épouvantables de l'eau et de l'assainissement sont un terrain fertile pour la propagation de maladies. Nous avons dû faire face à une épidémie de choléra en fin d’année dernière. 

Les cas de Covid-19 et de paludisme augmentent également. De nombreuses personnes n'ont même pas de moustiquaires. En outre, le Mozambique a une forte prévalence du VIH /Sida, qui touche environ 13 % de la population. De nombreuses personnes déplacées ont vu leur traitement interrompu, ce qui les rend encore plus vulnérables.

À travers nos équipes de promoteurs de la santé, nous essayons de comprendre ce dont les personnes déplacées et les communautés d'accueil ont besoin. En collaboration avec d'autres organisations, nous avons aussi creusé des puits et distribué des kits contenant des éléments essentiels tels que des ustensiles de cuisine, des outils de plantation, des couvertures et des comprimés de chloration de l'eau. 

Les gens ont besoin d'un soutien psychosocial pour faire face à ce qu’ils ont vécu. Le programme de santé mentale au Mozambique n’étant pas très développé, l’une des priorités de MSF est de fournir ce service.

Notes

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