Myanmar : l'accès aux soins sévèrement entravé dans l’état de Rakhine

La clinique mobile de MSF, désormais hors service, dans l'un des cinq camps de Pauktaw, où le personnel de santé local n'est pas en mesure de réapprovisionner les fournitures médicales, qui sont presque épuisées.
La clinique mobile de MSF, désormais hors service, dans l'un des cinq camps de Pauktaw, où le personnel de santé local n'est pas en mesure de réapprovisionner les fournitures médicales, qui sont presque épuisées. © Zar Pann Phyu/MSF

Depuis le coup d'État militaire au Myanmar en 2021, le pays est en proie à une guerre civile ayant déjà fait plusieurs dizaines de milliers de victimes. En juin 2024, après une importante escalade du conflit, Médecins Sans Frontières a été contrainte de suspendre ses activités médicales dans le nord de l'État de Rakhine.

Bien que MSF ait pu maintenir un niveau minimum d'activités dans certaines localités, malgré l’incendie du bureau de l‘association à Buthidaung, les équipes sur place sont confrontées à de graves restrictions d'accès, liées à la progression des combats, qui privent de nombreux civils d'un accès essentiel aux soins de santé.

D’importantes entraves à la circulation

Depuis novembre 2023, date à laquelle le conflit entre l'armée du Myanmar et l'armée d'Arakan a repris, les équipes de MSF ont rencontré d’importantes difficultés pour accéder aux patients. Pendant huit mois, le personnel n’a pas eu l'autorisation de gérer des cliniques mobiles dans l'État de Rakhine, y compris dans les camps de déplacés du canton de Pauktaw, où MSF est souvent le seul prestataire de soins de santé. Ces camps ne sont accessibles que par bateau mais, à la suite de l’escalade du conflit, nos équipes ne pouvaient plus s’y déplacer, et les patients ayant besoin de soins d'urgence ne pouvaient pas non plus se rendre à l'hôpital. Cela représente un problème majeur pour les personnes souffrant de maladies chroniques, ayant besoin de soins d'urgence ou de suivis lors des grossesses compliquées. En juin 2024, MSF a reçu l'autorisation de reprendre sa clinique mobile pendant un mois dans le quartier d'Aung Mingalar, principalement habité par des Rohingyas, dans le centre de Sittwe. Nos équipes y opèrent avec une capacité d’action réduite, en raison notamment de graves contraintes d'approvisionnement. Nos cliniques à Pauktaw et dans d'autres cantons restent inaccessibles pour le moment. 

Les restrictions de voyage n'affectent pas seulement MSF, mais aussi d'autres organisations et institutions qui fournissent une assistance et des soins de santé vitaux.  

Médecins Sans Frontières n'est plus autorisée à envoyer des médicaments dans les camps de Pauktaw. Le personnel communautaire de MSF parvient à fournir des soins de santé de base, mais les fournitures médicales diminuent et le personnel médical ne peut pas renouveler ses stocks. 

Blocage des référencements d'urgence

Avant la reprise du conflit en novembre 2023, lorsque les habitants des camps ou des villages soutenus par MSF avaient besoin de soins hospitaliers spécialisés, ils pouvaient compter sur MSF pour assurer les référencements d'urgence, y compris la prise en charge des patients et leur transport vers les hôpitaux en voiture ou en bateau. Cela n'est plus possible en raison des restrictions imposées par les autorités, ce qui prive la population de la possibilité de recevoir des soins médicaux importants.   

Pour les personnes qui tentent de se rendre à l'hôpital par leurs propres moyens, le voyage est particulièrement compliqué. Il arrive que des personnes décèdent en chemin ou qu’elles meurent faute de moyens pour entreprendre le voyage, cher et difficile. En conséquence, MSF a constaté une tendance alarmante des décès maternels et néonatals. En janvier, nos équipes ont signalé plusieurs décès à la suite d’accouchements à domicile. En juin dernier, une autre mère qui n'avait pas pu bénéficier de soins prénatals depuis avril est également décédée. Elle craignait de quitter le camp de déplacés du canton de Pauktaw à cause des barrages routiers. 

Les établissements de santé publics ne fonctionnent plus

Depuis la reprise du conflit, de nombreux travailleurs de la santé ont quitté leur emploi dans les établissements de santé publics, principalement pour des raisons de sécurité. Cette situation a contraint certaines structures à fermer complètement leurs portes. Celles qui sont encore ouvertes ont du mal à fonctionner en raison de la pénurie de personnel, de fournitures médicales et de carburant. Les réseaux électriques ne fournissent plus de courant à Rakhine, de sorte que les établissements de santé dépendent de générateurs. Or, le carburant nécessaire pour les faire fonctionner est difficilement disponible en raison de l'interruption ou de la coupure des routes d'approvisionnement, ce qui a un impact sur leur capacité à effectuer des procédures médicales. 

L'absence de signal téléphonique rend les téléconsultations difficiles

Pour atteindre les patients, les équipes médicales de MSF proposent des consultations par téléphone ou par SMS. Cependant, la couverture téléphonique est intermittente et très faible dans de nombreuses régions. Les patients et les bénévoles des communautés doivent souvent parcourir de longues distances ou grimper des collines pour tenter d'obtenir un signal téléphonique.  

« Les téléconsultations représentent beaucoup pour la population, car c'est le seul contact qui reste entre la communauté et MSF », explique Caroline de Cramer, référente médicale. « Lorsque les patients peuvent contacter une infirmière, un responsable de la promotion de la santé ou un médecin, c'est une forme de soutien psychologique. C'est la seule façon pour eux de sentir qu'ils ne sont pas oubliés, que nous sommes toujours présents et qu'ils peuvent compter sur nous. » 

 

 

 

Notes

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