Autre difficulté, ce sont les restrictions imposées par les autorités pour circuler sur certains axes routiers ou se rendre dans des zones dites « inaccessibles ». Dans les États du Yobe, du Borno et de l’Adamawa, l’armée nigériane interdit ou restreint l’accès en fonction de la sécurité qu’elle juge possible d’assurer. Et ces restrictions sont aussi appliquées dans le cadre d’opérations militaires et de lutte contre-insurrectionnelle afin d’isoler les zones contrôlées par les groupes armés et de les couper de toute ressource extérieure, y compris de l’aide humanitaire, sans qu’il soit tenu compte de la présence éventuelle de civils.
Au final, l’ensemble de ces contraintes explique que l’aide soit concentrée dans les villes garnisons. Au-delà de ces territoires, la situation apparaît très compliquée pour les acteurs de l’aide surtout après la décision des autorités, en octobre, de suspendre temporairement les activités d’ACF et Mercy Corps au motif que ces organisations soutenaient des groupes terroristes.
Malgré toutes ces difficultés, ne serait-il pas possible d’apporter une aide médicale en dehors des villes garnisons ?
Il est urgent d’apporter une aide en dehors de ces zones, là où le système de santé n’est plus opérationnel et où les enfants sont les premières victimes du paludisme, de la malnutrition et de la rougeole. Et notre expérience récente dans l'État du Yobe nous laisse penser que, pour cela, d’autres modes opératoires sont envisageables.
Pendant près de deux ans, des équipes MSF ont dispensé des soins médicaux dans le nord-est du Yobe, dans les aires de santé de Yanusari. Au Niger voisin, MSF a apporté un soutien à l’hôpital de Maïné Soroa. Des équipes mobiles ont déployé un important réseau d’agents de santé communautaire, formés et équipés pour prendre en charge les pathologies les plus courantes dont souffrent les jeunes enfants : paludisme, malnutrition et diarrhées. Elles l’ont fait dans des zones échappant au contrôle des autorités, dans la région de Yanusari au Nigeria et celle de Maïné Soroa au Niger jusqu’à ce qu’un incident de sécurité au Niger nous oblige à arrêter ces activités en juillet dernier. Cette intervention a été ponctuée d’accusations de soutien à l’insurrection, de suspensions imposées par l’armée nigériane alors que nous intervenions avec l’autorisation du ministère local de la santé de l'État qui n’y avait plus accès.