Nord-Ouest de la Syrie : « Plus vous vous rapprochez de la frontière turque, plus vous voyez de tentes »

Des centaines de milliers de personnes ont fui l’offensive menée par les forces armées syriennes depuis le 1er décembre sur le dernier bastion tenu par les rebelles. Une médecin MSF, qui a souhaité rester anonyme, intervient dans le camp de Deir Hassan, à 30 km à l'ouest d'Alep. Voici son témoignage.
« La semaine dernière, l'armée a progressé rapidement dans l’ouest de la province d'Alep. Les gens ne s’y attendaient pas. Ils ont quitté leur maison à Al Atarib, Abian, Kafr Naha, Kafr Nouran ou Maarat.
Ceux qui n’avaient pas trouvé de voiture sont partis à pied. Ils ont marché des kilomètres dans le froid, sans affaires, ni rien pour se réchauffer. Certains ont fui uniquement avec les vêtements qu'ils portaient alors qu’il neige depuis deux ou trois jours ici et dans toute la province d’Idlib.
On voit des gens assis sur le bord des routes avec des couvertures ; des femmes avec leurs enfants dans les bras, enveloppés de couvertures ; des enfants assis dans la neige sous les oliviers. Cela vous fait pleurer.
Beaucoup vont vers les villes d’Afrin et Azaz. Ils savent qu'il n'y a pas de maisons à louer, mais peut-être ils trouveront de la place chez des gens qu’ils connaissent. Sinon, ils devront rester dehors, sans abri, jusqu'à ce que quelqu'un leur donne une tente. D'autres personnes errent sans but, ne sachant pas où aller.
Dans la ville d'Al-Dana, certaines personnes vivent dans des bâtiments en chantier, avec un toit, des murs, mais pas de fenêtres. La plupart ne trouvent pas de logement en ville, et ils sont obligés de planter des tentes, n’importe où ils peuvent.

La région est couverte de tentes, et plus vous vous rapprochez de la frontière turque, plus il y en a. Ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter une tente s’installent avec d'autres familles sous leur tente. Il y a des personnes qui mettent leurs affaires par terre parce qu’elles n’ont pas encore d’abri et vivent comme ça, dehors. Elles ont très froid, c'est catastrophique.
Quel que soit leur âge, les gens sont malades à cause du froid. Ils n’ont rien pour se chauffer, et n’ont pas non plus de médicaments. Ils sont partis de chez eux sans rien, ils ont besoin de tout.

Moi aussi je suis une déplacée. Dans le village où je vis désormais, nous entendons les bombardements des lignes de front qui ne sont pas loin. C'est effrayant et stressant. J’ai maintenant l’expérience des déplacements et je suis prête à prendre la fuite à tout moment.
La guerre dure depuis près de neuf ans, mais cette seule année vaut les neuf années passées si l'on considère toutes les difficultés que nous traversons. Cette année, les attaques ont été plus brutales, plus violentes, avec toutes sortes d'armes : artillerie, frappes aériennes, lance-roquettes, mitrailleuses… On sait que le pire peut arriver n’importe quand.
Les gens sont complètement perdus. La peur nous a terrassés. Nous ne savons ni ce qu’il se passe sur le plan politique ni ce qui va arriver. Personne ne sait ce qui va se passer demain, on sait seulement qu'il y a des bombardements et que l’armée avance.
Tout ce que nous voulons, c'est un endroit sûr où vivre. »