Un exil contraint et dangereux
Dans un contexte où la violence est omniprésente, beaucoup d’entre eux doivent en plus lourdement s’endetter pour tenter un voyage risqué, qui laisse des séquelles non seulement physiques, mais également mentales. C’est ce qu’explique Solim lorsqu’il évoque le voyage entrepris pour rejoindre le Bangladesh : « Après plusieurs jours passés à fuir la violence, nous avons réussi à trouver un bateau qui pouvait nous emmener au Bangladesh. […] J'avais été blessée en chemin ; mes jambes étaient coupées et saignaient à cause des coquillages tranchants sur la plage. J'ai failli me noyer en tombant dans l'eau, car je ne savais pas nager. Je ressens encore la douleur de mes blessures, à la fois physique et mentale. Les coups de feu et la violence au Myanmar me hantent chaque jour. »
C’est un exil particulièrement épuisant, d'une grande insécurité, durant lequel les Rohingyas qui fuient le Myanmar sont souvent blessés, perdent la vie ou des proches. Des familles sont fréquemment séparées lors de ce voyage, comme celle de Zahir : « Craignant pour nos vies, nous avons pris la décision déchirante de tout laisser derrière nous. Dans le chaos de la fuite, notre fils de trois ans s'est perdu dans la foule. Bien que nous ayons cherché désespérément, l'aggravation du danger nous a obligés à repartir avec nos autres enfants ».
Shariful Islam est responsable des activités de santé mentale de MSF dans les cliniques de Kutupalong et de Balukhali, dans le district de Cox’s Bazar au Bangladesh. Il reçoit en consultation des réfugiés récemment arrivés, qui détaillent l’horreur de ce voyage et présentent des symptômes de stress, d’anxiété et de dépression : « Les gens racontent souvent leur pénible voyage du Myanmar au Bangladesh, un chemin semé d'embûches et de désespoir. Nombre d'entre eux ont été confrontés à des obstacles à la frontière, notamment des violences et des refoulements qui les ont empêchés de passer. Leur expérience se caractérise par une exposition prolongée aux traumatismes, à la violence, à la perte et à la mort d'êtres chers. » Arrivés au Bangladesh, ces violences ne cessent pas. Dans les camps de Cox’s Bazar, l’insuffisance des ressources allouées à la crise des réfugiés rend très difficile l'accès à la nourriture et aux soins.