On leur donne de la nourriture, des vêtements, de quoi se laver, on les soigne et on évalue leurs besoins. À bord, j’ai rencontré un jeune homme qui avait encore des éclats d’obus dans le corps, à la suite d’une explosion à Tripoli dans laquelle son père et sa petite sœur ont perdu la vie ; un adolescent blessé au pied par un sniper alors qu’il allait chercher à manger ; une mère refusant de lâcher son enfant après avoir vu des hommes armés tuer ceux d’autres femmes.
John*, un autre rescapé, m’a raconté qu’il avait cassé accidentellement une fenêtre alors qu’il faisait des travaux dans une maison. Le propriétaire a appelé son employeur et lui a demandé une indemnité de 500 dinars libyens, soit environ 300 euros. Ce dernier a répondu qu’il ne valait pas ce prix-là et qu’il pouvait bien faire ce qu’il voulait de lui. John a été emprisonné trois mois, battu, torturé, électrocuté chaque jour – l’un de ses doigts ne ressemble plus à rien. La liste macabre des violences et des discriminations qu’ils ont subies est sans fin, elles jalonnent chaque étape de leur voyage, depuis leurs pays, à travers le Sahara jusqu’à la Libye.