Ukraine : un nouveau programme pour les patients atteints par la tuberculose

Halyna est atteinte de tuberculose multirésistante. Elle est en discussion avec une infirmière MSF au sujet de son traitement et de sa sortie prochaine de l'hôpital Jytomir. Ukraine. 2018.
Halyna est atteinte de tuberculose multirésistante. Elle est en discussion avec une infirmière MSF au sujet de son traitement et de sa sortie prochaine de l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

L’Ukraine est l'un des pays les plus touchés au monde par la tuberculose. Les traitements les plus répandus contre la maladie sont extrêmement lourds pour le patient, qui doit subir une longue hospitalisation et des effets secondaires douloureux, avec des chances de guérison très faibles.

Dans l’hôpital de Jytomir, situé dans le nord-ouest de l’Ukraine, Médecins Sans Frontières propose un nouveau traitement contre la maladie depuis septembre 2018. Plus court et plus efficace, il permet notamment aux patients de quitter l’hôpital et de recevoir des soins externes.

Dans une forêt en bordure de la ville de Jytomir, se trouvent les robustes bâtiments en briques qui abritent l’hôpital régional spécialisé dans le traitement de la tuberculose. Alors que la plupart des pays proposent désormais des traitements basés sur les soins externes, les patients ukrainiens souffrant de cette maladie continuent de passer des mois, voire des années, cloîtrés dans des hôpitaux isolés comme celui-ci.

Le traitement contre la tuberculose – et en particulier contre ses formes résistantes – est difficile ; il exige souvent des injections quotidiennes et un cocktail de médicaments qui peuvent avoir des effets secondaires pénibles : nausées, démangeaisons, fatigue, surdité irréversible et même psychose.

Une infirmière du ministère de la Santé distribue des médicaments à des patients atteints de tuberculose multirésistante dans l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Une infirmière du ministère de la Santé distribue des médicaments à des patients atteints de tuberculose multirésistante dans l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

L’hôpital régional contre la tuberculose de Jytomyr n’offre que peu de distractions aux patients pour oublier les difficultés de leur traitement. En raison du manque de financement, la bibliothèque a fermé ses portes et la télévision a été retirée. Les patients ont particulièrement du mal à affronter les longs hivers rigoureux, lors desquels ils doivent rester à l’intérieur.

Mykola a 31 ans. Il est atteint de tuberculose multirésistante. Il est ici dans la salle commune de l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Mykola a 31 ans. Il est atteint de tuberculose multirésistante. Il est ici dans la salle commune de l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

Les effets secondaires des médicaments, la monotonie de la vie hospitalière et le fait d’être séparé de leur famille et de leurs amis pendant des mois les rend souvent déprimés et désespérés. Par conséquent, certains décident de quitter l’hôpital avant la fin de leur traitement.

Halyna a 56 ans. Elle est atteinte de tuberculose multirésistante. Elle marche dans la forêt qui entoure l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Halyna a 56 ans. Elle est atteinte de tuberculose multirésistante. Elle marche dans la forêt qui entoure l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

Ces patients qui interrompent précocement leur traitement constituent une préoccupation majeure, puisque cela peut entraîner des résistances aux médicaments. Selon l’OMS, l’Ukraine est l’un des 20 pays au monde avec les taux de tuberculose résistante les plus élevés. En Ukraine, cette forme de la maladie représente un quart des nouveaux cas de tuberculose et près de la moitié des cas déjà traités. Elle est particulièrement difficile à soigner : le taux de réussite des traitements en Ukraine dépasse à peine les 50 %.

Mykola a 31 ans. Il est atteint de tuberculose multirésistante. Il est dans un couloir de l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Mykola a 31 ans. Il est atteint de tuberculose multirésistante. Il est dans un couloir de l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

En 2018, en partenariat avec l’hôpital, MSF a lancé un projet pilote visant à améliorer le traitement contre la tuberculose résistante à Jytomyr, sur la base des dernières recommandations internationales. Ce programme a pour but d’offrir aux patients des options de traitement plus faciles à gérer et plus efficaces, notamment un traitement plus court d’une durée de 9 à 12 mois (contre 20 à 24 mois normalement) et de nouveaux médicaments oraux très efficaces, avec des effets secondaires moins graves que les anciens médicaments injectables.

Olena est une infirmière MSF. Elle effectue des tests d'audition sur une patiente. Elle s'appelle Lidjia et a 78 ans. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Olena est une infirmière MSF. Elle effectue des tests d'audition sur une patiente. Elle s'appelle Lidjia et a 78 ans. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

MSF travaille aussi avec des fournisseurs de soins de santé locaux afin de permettre aux patients de recevoir des soins externes, à domicile, dès qu’ils sont prêts. À travers des séances éducatives et de conseil, l’équipe de santé mentale de MSF aide aussi les patients à surmonter les défis auxquels ils sont confrontés, tant au sein de l’hôpital qu’en dehors, afin de s’assurer qu’ils terminent leur traitement avec succès.

Oksana et Nataliya

Oksana, 39 ans, et Natalyia, 44 ans, partagent une chambre à l’hôpital. Une tuberculose ultrarésistante a été diagnostiquée chez Oksana en août 2018, mais les médicaments contre cette forme de la maladie étaient tout simplement indisponibles en Ukraine jusque récemment.

Oksana a 39 ans et Nataliya a 44 ans. Elles sont toutes les deux atteintes de tuberculose ultrarésistante et partagent une chambre dans l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Oksana a 39 ans et Nataliya a 44 ans. Elles sont toutes les deux atteintes de tuberculose ultrarésistante et partagent une chambre dans l'hôpital de Jytomir. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

Lorsque MSF a commencé à dispenser des traitements avec les médicaments oraux recommandés par l’OMS (bédaquiline et delamanide) aux patients souffrant de tuberculose ultrarésistante à Jytomyr en septembre 2018, Oksana a d’abord hésité à rejoindre le programme à cause des rumeurs qu’elle avait entendues.

« Certaines personnes m’ont dit qu’il s’agissait d’une expérience et ils ont essayé de me dissuader de rejoindre le programme. Mais c’est ma vie et la décision m’appartient… J’ai écouté tout le monde, j’y ai réfléchi pendant deux semaines, puis j’ai décidé de commencer le traitement avec ces nouveaux médicaments qui m’offraient une chance de guérison. »

Oksana, une patiente atteinte de tuberculose ultrarésistante

© Oksana Parafeniuk

Pour Nataliya, la recherche d’un traitement a duré bien plus longtemps. Elle a été diagnostiquée en 2016. Lors du traitement initial, elle a développé une grave allergie aux médicaments.

« J’ai souffert d’une éruption cutanée, cela me démangeait énormément. Je me grattais tout le temps. Rien ne me soulageait. Je m’arrachais littéralement la peau, sur tout le corps. Ma peau était dure comme du cuir et j’étais rouge comme un homard. Mes yeux étaient également rouges, comme si j’avais pleuré toute la nuit. »

Nataliya, une patiente atteinte de tuberculose ultrarésistante

© Oksana Parafeniuk

Pour ne rien arranger, après près de deux ans de traitement (dont un séjour de neuf mois à l’hôpital), Nataliya a appris que sa maladie n’était toujours pas guérie car les médicaments qu’elle prenait n’étaient pas efficaces contre la tuberculose ultrarésistante.

Grâce au programme de MSF, elle reçoit enfin les nouveaux médicaments et se prépare à quitter l’hôpital pour recevoir des soins externes.

Les prochaines étapes du traitement contre le tuberculose ultrarésistante en Ukraine

En décembre 2018, l’OMS a formulé de nouvelles recommandations pour le traitement de la tuberculose multirésistante. Selon celles-ci, les traitements intégralement administrables par voie orale devraient être l’option privilégiée pour la plupart des patients et les médicaments injectables ne devraient plus être envisagés en priorité lors de la conception de traitements plus longs contre cette forme de la maladie.

La bédaquiline est l'un des nouveaux médicaments oraux utilisés pour le traitement de la tuberculose. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
La bédaquiline est l'un des nouveaux médicaments oraux utilisés pour le traitement de la tuberculose. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

La kanamycine et la capréomycine en particulier ne sont plus recommandées en raison de leurs effets secondaires graves, notamment la surdité. À l’inverse, l’utilisation de médicaments plus récents et plus puissants, comme la bédaquiline, est vivement recommandée pour tous les patients adultes souffrant de tuberculose multirésistante.

Des pilules sont préparées séparément pour chaque patient par une infirmière avant la distribution.Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Des pilules sont préparées séparément pour chaque patient par une infirmière avant la distribution.Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

L’OMS a recommandé l’utilisation de la bédaquiline pour la première fois en 2013. Cependant son utilisation et celle d’autres médicaments nouveaux (comme le delamanide) reste limitée, ces médicaments étant encore inaccessibles à près de 90 % des personnes dans le monde qui auraient pu en profiter en 2017.

Une biologiste étude un prélèvement au microscope. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Une biologiste étude un prélèvement au microscope. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

En Ukraine, la bédaquiline a été enregistrée en juin 2018, mais l’enregistrement du delamanide n’est pas encore finalisé. MSF a alerté sur l’importance de faciliter l’accès à ces médicaments et étaient l'une des premières organisations à les offrir aux patients souffrant de tuberculose en Ukraine. Suite aux recommandations de l’OMS, en 2019, tous les nouveaux patients admis dans le projet pilote de MSF à Jytomyr recevront exclusivement des médicaments oraux. MSF espère que ces directives deviendront la norme dans tout le pays dès que possible.

Une centrifugeuse permet de séparer le sérum des autres composants du sang. Ukraine. 2018.
 © Oksana Parafeniuk
Une centrifugeuse permet de séparer le sérum des autres composants du sang. Ukraine. 2018. © Oksana Parafeniuk

MSF aide aussi à moderniser et rénover le système de laboratoire de Jytomyr conformément aux normes internationales. MSF a également fait don d’un équipement moderne de biochimie au laboratoire de l’hôpital, et les experts internationaux de MSF sont actuellement en train de former le personnel hospitalier à son utilisation. En 2019, MSF va construire un nouveau laboratoire de biosécurité de niveau 3 dans l’enceinte de l’hôpital.

Ce nouveau laboratoire sera le premier dans la région capable de diagnostiquer rapidement les différentes formes de résistance à la tuberculose en utilisant la technique « line probe assay ». Jusqu’à présent, il y n’a que quatre laboratoires dans le pays qui utilisent cette technique, et aucun ne peut tester les échantillons de patients de Jytomyr compte tenu des restrictions géographiques et logistiques. Remettre le laboratoire aux normes internationales en matière de biosécurité protégera le personnel du laboratoire de Jytomyr et en fera l'un des meilleurs d’Ukraine.

Notes

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