Frontière franco-italienne : un nouveau rapport de MSF dénonce les violences et refoulements systématiques

Campement informel de long de Roya, à Vintimille en Italie, où les personnes en transit trouvent refuge avant de traverser la frontière. Une clinique mobile de MSF leur fournit une assistance médicale depuis janvier 2023. 
Campement informel de long de Roya, à Vintimille en Italie, où les personnes en transit trouvent refuge avant de traverser la frontière. Une clinique mobile de MSF leur fournit une assistance médicale depuis janvier 2023.  © MSF/Candida Lobes

Alors que les personnes migrantes sont systématiquement refoulées par la police française, sans évaluation appropriée et parfois violemment, avant d’être livrées à leur sort en Italie, Médecins sans frontières (MSF) appelle à mettre fin à ces pratiques à la frontière franco-italienne. Dans un nouveau rapport, MSF documente, à l’appui de témoignages et de données médicales récoltés entre février et juin 2023, les exactions dont sont victimes les personnes tentant de franchir la frontière.

Mineurs refoulés

« Des personnes extrêmement vulnérables sont refoulées sans discernement par la police française, qui ne tient pas compte de leur situation personnelle ou de leur âge », affirme Sergio Di Dato, coordinateur de projet MSF à Vintimille. De nombreuses personnes rencontrées par MSF sont empêchées d’exercer leur droit de demander l’asile et ont signalé des violations de procédure lors de la notification du refus d'entrée par les autorités françaises. Ces personnes témoignent de transcriptions inexactes des données personnelles, d’informations insuffisantes sur les documents qu’elles doivent signer, d’absence de traducteurs, etc. Les plus vulnérables tels que les mineurs, les femmes enceintes et les jeunes mères, les personnes âgées ou gravement malades ne sont pas épargnés. Ceci contrevient notamment au droit des mineurs non accompagnés de demander l'asile sur le territoire français et européen.

Plus d'un tiers des 48 mineurs non accompagnés aidés par MSF déclarent avoir été refoulés, tandis que plusieurs personnes disent avoir été détenues arbitrairement toute une nuit dans des conteneurs, parfois sans eau ni nourriture. Les soins médicaux leur sont souvent refusés, les installations sanitaires sont inadéquates et les personnes, y compris des femmes et des enfants, sont forcées de dormir à même le sol, entassées dans les containers. Entre février et juin 2023, MSF a également identifié au moins quatre cas de séparation de familles au cours de refoulements. « Nous avons été arrêtés à Nice par la police. Ma femme est enceinte et elle a été emmenée à l'hôpital parce qu'elle s'est évanouie pendant qu'ils la menottaient. Mon fils de deux ans et moi-même avons été emmenés au poste de la police des frontières de Menton. Nous avons passé la nuit dans le froid et le lendemain nous avons été refoulés en Italie, mais nous n'avons aucune nouvelle de ma femme », raconte un homme originaire de Côte d'Ivoire à l'équipe MSF de Vintimille.

Protection limitée

Pour les personnes en transit à Vintimille, l'accès à un hébergement adéquat, aux soins, à l'eau potable ou aux installations sanitaires est extrêmement limité. Des dizaines de personnes en transit sont toujours forcées de dormir dans les rues ou dans des abris de fortune, malgré l'ouverture récente de deux nouveaux centres de première assistance dans la ville (Punto Assistenza Diffusa - PAD) où les migrants extrêmement vulnérables qui ont été repoussés de France peuvent trouver refuge pour quelques nuits. Deux des quatre PAD promis ne fonctionnent toujours pas et les services de base tels que l'hébergement, les soins et l'assistance juridique sont assurés par des associations locales et la société civile.

Entre février et juin 2023, la clinique mobile de MSF à Vintimille a fourni des soins à 320 patients et des services d’orientation socio-médicale à 684 personnes. La majorité souffraient d’affections aiguës, notamment de maladies cutanées, respiratoires et gastro-intestinales, ainsi que de douleurs musculaires et de blessures, tandis que 14 souffraient de maladies chroniques telles que le diabète et les maladies cardiovasculaires. Ces pathologies sont accentuées par les conditions de vie précaires à la frontière, après un voyage très périlleux.

« Il est crucial que les personnes en transit, quel que soit leur statut légal, reçoivent une protection et des services de base qui répondent à leurs besoins », déclare Sergio Di Dato. « Le goulot d'étranglement créé à Vintimille n'est pas un cas isolé et reflète la tendance plus large des politiques migratoires européennes qui donnent la priorité à l'endiguement et à la sécurisation plutôt qu'aux droits fondamentaux et à la protection internationale. »

MSF demande à l'Italie, à la France et aux autres pays européens de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour éviter que cette population vulnérable ne subisse d'autres préjudices et appelle à garantir des passages sûrs et légaux pour les personnes en quête d'assistance et de protection en Europe.

Notes

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