MSF appelle à ne pas relâcher le financement de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme

«  Je ne sais pas comment mes enfants peuvent grandir dans cette violence »
Rachel attend son tour pour une consultation médicale à la clinique mobile MSF du stade Rugabo, qui a été transformé en site pour personnes déplacées par le conflit, à Rutshuru Centre, dans la province du Nord-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo. Elle souffre d'une forte fièvre, de frissons et de maux de tête. Elle a été testée positive au paludisme. © Alexis Huguet

Alors que le Fonds mondial contre le VIH, la tuberculose et le paludisme tient sa septième Conférence de reconstitution financière le 21 septembre à New York, MSF s’alarme du recul constaté dans la lutte contre ces maladies. MSF demande aux bailleurs du Fonds mondial - dont la France - d’augmenter leur soutien à ce mécanisme, alors que les pays les plus affectés peinent toujours à participer au financement de ces programmes de santé.

Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) constatent des signes inquiétants de recul dans la lutte contre le VIH, la tuberculose (TB) et le paludisme, dans un contexte de faiblesse des programmes nationaux et de financements insuffisants, exacerbé par la pandémie de covid-19 et les difficultés économiques. 

En 2020, pour la première fois en dix ans, un recul des progrès réalisés contre ces trois maladies a été enregistré. Selon l’OMS, il y a eu cette année-là autant de personnes décédées de la tuberculose (TB) qu'en 2017, soit 1,3 million, et le nombre de personnes souffrant de formes de la maladie résistantes aux médicaments qui reçoivent un traitement a baissé de 19%. De même, le nombre de personnes décédées du paludisme était en hausse de 12 % par rapport à 2019, avec 627 000 décès. Le Fonds mondial a prévenu que le nombre de personnes ayant effectué un test de dépistage du VIH a chuté de 22 %, tandis que les services de prévention ont diminué de 11 %. 

Déjà en 2019, MSF a publié un rapport avertissant que la réponse apportée au VIH et à la tuberculose était au point mort et alertait sur l’impact des décisions des Etats financeurs du Fonds Mondial sur les personnes malades. Cela était dû en grande partie à leur surestimation quant aux capacités des pays à revenu faible et intermédiaire de financer des programmes de lutte contre ces maladies au niveau national.  

Aujourd’hui, ces difficultés se confirment et MSF, qui intervient dans des dizaines de pays auprès de patients atteints de ces maladies, voit tous les jours l’impact concret de ces décisions politiques sur l’état de santé des personnes qu’elle accompagne. La pandémie de covid-19 et les crises économiques et sociales concomitantes ont exacerbé ces problèmes.

Une nouvelle étude menée par les équipes de MSF en 2022 montre les conséquences dramatiques pour les patients.

Ainsi, dans les programmes de MSF en Ouganda, on constate une baisse de 50% des initiations au traitement antirétroviral. A Conakry, capitale de la Guinée où MSF soutient huit structures de santé, le nombre de dépistages du VIH réalisés dans les communautés s’est effondré (23 dépistages réalisés au second trimestre 2020 contre 1 330 au cours du premier trimestre). En RDC, 1 686 patients sont arrivés à l’hôpital de Kinshasa à un stade avancé de la maladie en 2021, ce qui était également le cas de 21% des patients diagnostiqués dans les structures de soins de santé que MSF soutient dans la capitale congolaise. 

Face à un financement insuffisant de leurs programmes médicaux, les pays suppriment des pans entiers de leurs interventions. Les programmes de lutte contre le VIH destinés aux femmes enceintes sont généralement l'une des premières victimes des coupes budgétaires, tout comme les programmes ciblant les groupes vulnérables tels que les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs du sexe et les usagers de drogue. 

Lorsque les interventions sont maintenues, c’est la qualité des soins qui est réduite : les pays sont contraints à des arbitrages difficiles, qui les amènent à supprimer des éléments essentiels de l’offre de soins. Par exemple en RCA, en RDC et au Soudan du Sud, l’adoption des recommandations de l’OMS, désignant le GeneXpert comme premier test de diagnostic de la tuberculose, est aujourd’hui extrêmement faible : son utilisation représente respectivement 0,59%, 4,8% et 2,2% des tests réalisés dans ces trois pays. Par conséquent, des personnes atteintes de la tuberculose ne sont pas détectées, ni mises sous traitement. Ne connaissant pas leur statut, elles risquent d’infecter d’autres personnes. 

Les 18 milliards de dollars demandés par le Fonds mondial représentent dans ce contexte le strict minimum de ce qui serait nécessaire pour inverser cette tendance. On estime que 130 milliards de dollars sont nécessaires pour lutter efficacement contre le VIH, la tuberculose et le paludisme pour la période 2024 - 2026. Les 18 milliards du Fonds mondial représentent 14% de ce budget, et d'autres financements externes devraient en couvrir 19% supplémentaires. Dans le meilleur des cas – celui, très improbable, où le financement national des pays eux-mêmes représenterait 45% de ce montant - il resterait tout de même un écart de 22 % entre les fonds alloués et les fonds nécessaires. 

Si la France, deuxième pays donateur au Fonds mondial, et les autres grands bailleurs veulent des programmes de lutte contre ces trois maladies à la hauteur des besoins, ils doivent démontrer leur engagement en augmentant leurs promesses de dons lors de ce cycle de reconstitution du Fonds mondial au cours de la Conférence de reconstitution financière. 

Notes

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