« Les politiciens voudraient vous faire croire que la mort de centaines de personnes en mer et l’horreur vécue par des milliers de réfugiés et de migrants pris au piège en Libye sont le prix acceptable à payer pour tenter de contrôler la migration, déclare Sam Turner, chef de mission pour les opérations de MSF en mer et en Libye. La réalité, c’est qu’alors qu’ils annoncent la fin de la prétendue crise migratoire européenne, ils ferment sciemment les yeux sur la crise humanitaire que ces politiques perpétuent en Libye et en mer. Ces morts et ces souffrances sont évitables et tant que cela continue, nous refusons de rester les bras croisés. »
Opérant en partenariat avec SOS MEDITERRANEE, le nouveau navire Ocean Viking naviguera en mer Méditerranée centrale à la fin du mois.
Alors que très peu de navires humanitaires parviennent encore à naviguer en Méditerranée centrale et que les derniers vestiges des opérations de recherche et de sauvetage de l’Union européenne ont été liquidés sans ménagement, cette traversée maritime est la route migratoire la plus meurtrière au monde. Cette année déjà, au moins 426 hommes, femmes et enfants sont morts en tentant la traversée, dont 82 au cours d’un seul naufrage il y a un peu plus de deux semaines. En outre, les navires commerciaux sont désormais dans une position intenable, coincés entre l'obligation de sauvetage et le risque d’être immobilisés en mer pendant des semaines en raison de la fermeture des ports italiens et de l'incapacité des États membres de l'UE à s'accorder sur un mécanisme de débarquement.
Depuis plus de trois mois, des combats se déroulent autour de la capitale libyenne, Tripoli, et les réfugiés et migrants dans les centres de détention libyens sont pris au piège de ces combats, incapables de fuir. Exposés au conflit, ils craignent pour leur vie, et la dernière attaque sur le centre de détention de Tajoura au début du mois a fait près de 60 morts.
Les évacuations humanitaires hors de la Libye ne se font qu’au compte-gouttes et restent inadéquates, faisant de la traversée de la Méditerranée, potentiellement mortelle, l'une des seules voies d'évacuation possibles. En même temps, les gouvernements européens violent leurs obligations légales et les principes humanitaires auxquels ils se sont engagés en accroissant leur support aux garde-côtes libyens pour renvoyer de force les personnes vulnérables en Libye. Une fois à terre, ces personnes sont transférées dans des centres de détention, y compris dans ceux où des détenus ont été victimes de tirs ou de frappes aériennes, comme en témoigne le dernier exemple du centre de détention de Tajoura.
« Nous retournons en mer pour sauver des vies - c’est la raison essentielle. Etre présent en mer c’est aussi contribuer à ce que cette hécatombe ne se déroule pas à huis clos et continuer à en témoigner », ajoute Sam Turner.
« La condamnation par les dirigeants européens du meurtre de réfugiés et de migrants en Libye doit s'accompagner de la reprise des opérations officielles de recherche et de sauvetage en mer, de débarquements dans des lieux sûrs, de l'évacuation et de la fermeture immédiates de tous les centres de détention libyens. Or ces mêmes dirigeants continuent de soutenir les interceptions en mer et les retours forcés de personnes dans ces lieux mêmes où se produisent les atrocités. Tout ceci suggère qu'il ne s'agit pour l’instant que de nouvelles déclarations hypocrites et vides de sens ».
Tant que les gouvernements de l'UE ne prendront pas leurs responsabilités dans les opérations de recherche et de sauvetage et que les gens continueront à fuir la Libye, des navires humanitaires seront nécessaires en Méditerranée. Pour MSF, dont le travail est guidé par des principes humanitaires, il est impensable de ne pas tenter de sauver ces personnes de la noyade pour les emmener dans un lieu sûr, où ceux qui ont besoin d’une protection internationale peuvent demander l'asile auprès des autorités compétentes, conformément au droit.