A l'approche du G20 de Toronto, la taxation des transactions et institutions financières s'invite dans les débats des dirigeants politiques face à la crise économique et à la nécessité de réguler les marchés financiers. Le 21 juin, le couple franco-allemand adressait en ce sens une lettre au Premier Ministre canadien. Deux jours plus tard, Paris, Berlin et Londres se prononçaient en faveur d'une taxe sur le secteur bancaire. Déclarée hier irréalisable, la faisabilité de ces mécanismes est reconnue dans un rapport du Fonds monétaire international et maintenant soutenue par certains dirigeants du G20 soucieux de leurs intérêts.
Si elle apparaît aujourd'hui dans les discussions officielles, cette idée n'est pourtant pas nouvelle dans les cercles d'experts et de la société civile. Au niveau international, les taxations financières représentent une formidable opportunité pour dégager des fonds conséquents. Chaque année, une partie seulement de ces montants permettrait de lutter efficacement contre les maladies responsables de plusieurs millions de morts.
Conditionné principalement aux promesses de quelques Etats, le financement des problèmes de santé au niveau mondial a montré ses limites. Ce volume actuel d'aide financière est soumis aux contraintes annuelles des budgets nationaux et oscille en fonction d'intérêts politiques. Au gré de ces changements et de réorientations imprévisibles, progrès et expérience capitalisés par les pays récipiendaires sont ainsi affectés.
L'exemple du sida est particulièrement significatif. Après dix ans d'une mobilisation politique ayant permis l'accès aux traitements de plus de 4 millions de personnes, la tendance s'est récemment inversée. Les fonds destinés à la lutte contre le sida sont plafonnés, diminués ou même supprimés. Quand 9 millions de personnes attendent d'être traitées, le désengagement des bailleurs de fonds anéantit les efforts déjà fournis dans les pays les plus affectés.
Evoquée au G8/G20, la santé materno-infantile est un autre exemple. Sur les 8 millions d'enfants de moins de cinq ans décédés chaque année, près d'un tiers meurent de causes liées à la malnutrition. La lutte contre cette maladie reste sous-financée. 350 millions de dollars sont engagés annuellement quand une récente étude de la Banque mondiale estime à 12 milliards le montant nécessaire à la mise en place de politiques efficaces. Au-delà d'une révision nécessaire des stratégies nutritionnelles, les taxes financières pourraient débloquer de nouveaux financements difficiles à obtenir des Etats.
Quant à la tuberculose, les moyens dont disposent les équipes médicales sont dérisoires. Chaque jour, Médecins sans frontières le constate dans ses programmes. Le test diagnostique est inefficace pour près de la moitié des patients et les derniers traitements datent d'un demi-siècle. Avec la pandémie de sida, la résurgence de cette maladie est alarmante. Des nouvelles formes de tuberculose résistantes aux médicaments confinent les médecins à l'impuissance. Des ressources pérennes sont nécessaires pour renforcer la recherche et développer de nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques.
Aujourd'hui à portée de main, les taxations financières permettraient de garantir dans la durée les montants nécessaires aux priorités de santé publique, indépendamment des contingences politiques des Etats. En annonçant la mise en place d'une taxation du secteur bancaire, les dirigeants du G20 démontrent à leur tour la faisabilité d'un tel mécanisme. Appliqué aux transactions financières, les montants collectés s'avèreraient largement suffisants pour faire face aux impératifs de santé. Le débat technique est tranché. Les dirigeants du G20 sont désormais face à un choix qui engage leur responsabilité : s'en tenir à la régulation du système financier ou faire preuve de volontarisme pour s'attaquer efficacement et durablement aux enjeux de la santé.
Dr Marie-Pierre Allié
Présidente de Médecins Sans Frontières