Des milliers de réfugiés centrafricains à N'Djamena: "au Tchad pour quoi faire ?"

Le camp de transit de Chagoua à N'Djamena au Tchad accueille plus de 1470 personnes ayant fui la RCA  février 2014.
Le camp de transit de Chagoua, à N'Djamena, au Tchad, accueille plus de 1470 personnes ayant fui la RCA - février 2014. © Jason Mills/MSF

En l’espace de deux mois, près de 15 000 personnes en provenance de Bangui, capitale de la République centrafricaine, sont arrivées par avion à N’Djamena. Près d’une centaine de vols ont été assurés par les autorités tchadiennes et par l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM). Ces réfugiés sont installés dans des centres sociaux ou des écoles réquisitionnées pour les héberger. Après avoir fui des violences extrêmes, ils se retrouvent loin de chez eux, sans réel espoir de retour, et remplis d’incertitude quant à l’avenir au Tchad.

On pourrait passer devant ce bâtiment sans s’imaginer que des centaines de réfugiés se trouvent derrière ces murs. Des militaires stationnés là contrôlent, au portail, les entrées et les sorties. Passé le portail, il y a du monde partout, des valises, des sacs, parfois juste une natte, une couverture et quelques ustensiles de cuisine. Ce sont des femmes et des enfants, dans leur grande majorité, on voit aussi quelques hommes jeunes et d’autres un peu plus vieux, mais peu nombreux. Il y a, ce jour-là, un peu moins de 500 personnes au centre Clément, selon la représentante du ministère tchadien de l’Action sociale qui les prend en charge. Plusieurs autres centres comme celui-ci existent à N’Djamena, la capitale du pays. Le matin même, une centaine de Centrafricains ont été transférées vers Goré, plus au sud, dans un camp aménagé pour les recevoir. « Qu’est-ce qu’on va faire à Goré ? s’interroge un jeune d’à peine 18 ans, arrivé seul ici. Est-ce qu’il y a un lycée là-bas ? »

La plupart sont arrivés par avion depuis Bangui. « Quand le magasin a été pillé et que mon père a été tué, ma mère et ma sœur ont décidé de partir avec notre propre camion. Moi je ne voulais pas. Aller au Tchad ? Pour quoi faire ? Mon pays c’est la Centrafrique, je suis né à Bangui, mes parents aussi », raconte Mahmat, 18 ans. Il est donc resté à Bangui avec son grand frère. Mais plus tard, il a appris que le convoi dans lequel se trouvait sa mère et sa sœur a été attaqué, et il ne sait pas aujourd’hui si elles sont vivantes. « Un peu plus tard, j’ai réussi à aller au marché et à mon retour, j’ai entendu que mon quartier était attaqué. J’ai retrouvé mon grand frère, et des voisins ont accepté de nous prendre dans leur camion » , se souvient-il. Ils étaient en convoi et deux grenades ont touché les deux véhicules qui roulaient juste derrière eux. Ils ont fini par atteindre l’aéroport. « C’était horrible, tout le monde courrait, moi aussi j’ai couru pour monter dans l’avion ». C’est là qu’il a été séparé de son frère. Depuis aucune nouvelles. Mahmat ne sait pas si son frère a pu prendre un avion.

 « Au moins ici on n’entend pas le bruit des balles », dit un autre jeune homme qui a vu mourir toute sa famille à Bangui. Il s’était caché chez ses voisins chrétiens, sous leur lit. Il a réussi à rejoindre l’ambassade du Tchad où ils étaient des centaines réfugiés dans ce qu’il espérait être un espace sécurisé. Deux ou trois jours plus tard, l’ambassade était attaquée. L’armée tchadienne les a tous escortés jusqu’au centre de transit de l’aéroport où il a réussi à prendre un avion pour N’Djamena.

Halima a aussi passé quelques jours entassée à l’ambassade du Tchad à Bangui avant d’être escortée jusqu’à l’aéroport avec ses deux premiers enfants. Elle porte dans les bras son troisième enfant, un nourrisson qui est né ici à N’Djamena, il y a neuf jours. Elle fait partie de ceux qui ont de la famille au Tchad. Les autorités tchadiennes et l’OIM recherche les parents – souvent très éloignés – de ceux qui se disent tchadiens d’origine. Elle a bien eu la visite de ses parents qui vivent par chance à N’Djamena, mais ils lui ont expliqué que chez eux il n’y avait pas la place pour elle et ses enfants.

Dans le centre, les autorités tchadiennes distribuent couvertures, nattes et nourriture. Des cuisinières sont chargées de préparer sur place trois repas par jour pour les 600 personnes hébergées dans le centre.

Une femme attire l’attention le long de la grille. Elle cache son visage dans un foulard et semble prostrée. Son fils raconte leur histoire. Ils sont Peulhs et éleveurs. Ils étaient dans leur campement quand un jour les anti-balakas l’ont encerclé et y ont mis le feu. Lui a été brûlé au visage et sa mère sur une grande partie du corps. Elle a vu six de ses enfants mourir dans le feu ce jour-là.

Des centaines de personnes sont suspendues ici à un avenir plus qu’incertain, elles ont vu leur maison, leurs biens, leurs proches disparaître, elles ont sauvé leur vie en fuyant des violences extrêmes, et ici à N’Djamena, rien ne leur est familier.
 

Médecins Sans Frontières a commencé mi-février à donner des consultations médicales dans les sites où ont été installés les nouveaux arrivés à N’Djamena. Les équipes mobiles de MSF ont vu un bon nombre de patients qui ont besoin de soins médicaux de base et souffrent de diarrhée, d’infections respiratoires aiguës et de maladies sexuellement transmissibles. En outre plusieurs patients ont besoin d’un suivi pour les soins post-opératoires. MSF fournit un appui pour les activités de sanitation (points d’eau) dont les besoins sont en augmentation. MSF intervient aussi dans le sud du pays à Bitoye et Sido où se trouvent près de 25 000 réfugiés.

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