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Haïti : maintenir l'accès aux soins de santé dans un contexte de violences croissantes

Service ambulatoire de l’hôpital de traumatologie de MSF à Tabarre. Haïti. 2020.
Service ambulatoire de l’hôpital de traumatologie de MSF à Tabarre. Haïti. 2020. © Guillaume Binet/MYOP

Présentes depuis 30 ans en Haïti, les équipes MSF y interviennent dans un contexte sécuritaire complexe. Séismes, crise économique et politique, système de santé à terre, violences croissantes... Les besoins de la population sont considérables.

Le 14 août, un séisme de magnitude 7,2 a frappé le sud d’Haïti, faisant plus de 12 000 blessés. Les équipes d’urgence de MSF se sont rapidement rendues dans les zones touchées du département du Sud, notamment dans les villes de Jérémie et des Cayes pour soigner les personnes blessées.

Elles ont également aidé à évaluer le niveau de prise en charge des établissements médicaux de la région pour fournir les soins de suivi. À Port-au-Prince, elles ont ouvert un centre d’urgence pour stabiliser les patients le jour même du séisme. MSF est l’une des rares organisations médicales à intervenir en Haïti et elle tente de maintenir et d’adapter au mieux ses activités dans un contexte d’insécurité grandissante.

Une crise économique et politique

Haïti est en proie à une crise politique, économique et institutionnelle qui s’est largement accélérée depuis 2019 et s’aggrave davantage chaque jour. « En 2010, le tremblement de terre qui a frappé le pays a fait des dizaines de milliers de morts et de blessés. Des millions de personnes se sont retrouvées sans logement et de nombreuses infrastructures ont été décimées. Le soutien international que le pays a reçu ou qui a été promis à la suite du séisme ne s’est jamais concrétisé ou a été arrêté depuis. L’attention médiatique s’est ensuite détournée alors que la vie quotidienne de la plupart des Haïtiens devenait de plus en plus précaire en raison de l’inflation galopante, du manque de perspectives économiques et des flambées de violence », explique Anne Chatelain, responsable adjointe des programmes en Haïti. Dans ce contexte, l’assassinat du président Jovenel Moïse le 7 juillet dernier est venu ajouter de nouvelles incertitudes.

Un patient discute avec un psychiatre MSF dans le patio de l'hôpital de Tabarre. Haïti. 2020.


 

 © Guillaume Binet/MYOP
Un patient discute avec un psychiatre MSF dans le patio de l'hôpital de Tabarre. Haïti. 2020.   © Guillaume Binet/MYOP

Il devient de plus en plus compliqué pour les Haïtiens d’accéder aux soins de santé en raison d’un système sanitaire de plus en plus cher et défaillant. En janvier dernier, on estimait à 40 % le taux d’inflation sur les soins de santé alors que la population était de plus en plus pauvre. « Le système de santé public qui se prétend gratuit est finalement loin de l’être. Chaque patient doit acheter le matériel et les médicaments nécessaires à sa prise en charge. Il faut ensuite payer le spécialiste. Ces soins restent inaccessibles pour la majorité de la population », explique Aline Serin, ancienne cheffe de mission en Haïti.

Les salaires du personnel médical sont trop faibles, voire impayés et ne permettent donc pas d’assurer la présence de médecins et de spécialistes. Une grande partie des structures sanitaires publiques sont régulièrement à l’arrêt en raison de grèves menées par le personnel pour demander du matériel, davantage de sécurité ou des augmentations de salaires.

Prend en charge les grands brûlés

Face à une offre de soins insuffisante, nos équipes gèrent un projet de prise en charge des personnes gravement brûlées depuis plus de 10 ans. « Il n’y a aucune autre structure dans le pays capable de traiter ce type de brûlures, car c’est une prise en charge extrêmement chère. Pourtant, les besoins sont immenses », explique Armelle Raguet, ancienne coordinatrice de projet en Haïti.

Arrivée d'une ambulance à l'hôpital MSF de Tabarre. De nombreux patients sont transférés depuis le centre d'urgence MSF de Martissant ou d'autres établissements de santé publics. Haïti. 2020.
 © Guillaume Binet/MYOP
Arrivée d'une ambulance à l'hôpital MSF de Tabarre. De nombreux patients sont transférés depuis le centre d'urgence MSF de Martissant ou d'autres établissements de santé publics. Haïti. 2020. © Guillaume Binet/MYOP

Dans le pays, l’incidence de la brûlure est assez élevée notamment en raison de la promiscuité dans les logements. « Les accidents sont souvent les mêmes : une marmite d’eau bout dans la pièce principale, où la famille se rassemble, et les enfants qui jouent autour la renverse. Depuis quelque temps, nous recevons de plus en plus de patients victimes d’explosions de bonbonnes de gaz. Elles ne sont pas sécurisées et les gens les installent dans des espaces non adaptés. Quand une bouteille de gaz explose, on voit des familles entières arriver avec des grandes surfaces de brûlures », ajoute Armelle Raguet. 

Installé initialement dans le quartier de Cité-Soleil, le service a été déplacé à l’hôpital de Tabarre en raison de l’insécurité en février 2021. « De violents affrontements ont eu lieu autour de notre hôpital. Les conditions sécuritaires minimales n’étaient plus réunies pour continuer de façon sûre nos activités. Nous avons transféré l’ensemble des patients. Seul le service des urgences du centre de Cité-Soleil reste ouvert, avec des capacités réduites et limitées à l’accueil de patients en urgence vitale », explique Armelle Raguet.

Une population prise au piège des violences

Depuis 2019, la violence ne cesse d’augmenter, notamment entre plusieurs gangs de la ville qui se battent pour des territoires. « Nous sommes dans une situation de conflit entre des groupes armés constitués et hiérarchisés, disposant d’un certain contrôle territorial, qui s’affrontent entre eux avec des techniques militaires. La capitale Port-au-Prince est traversée par plusieurs lignes de front. Des quartiers entiers sont sous la coupe de groupes armés aux territoires mouvants. Dans ces quartiers populaires souvent densément peuplés, les rues sont barricadées et dans certaines zones, il y a des snipers qui tirent à vue », explique Aline Serin.

Wilfrid a été victime d'un coup de machette dans le quartier de Tabarre en octobre 2020. Des membres d'un gang l'ont attaqué alors qu'il était à moto. Son métier était tailleur et il ne peut plus travailler. Lui et sa famille ont dû déménager pour habiter dans un quartier plus sûr. Il a été pris en charge et suivi par les équipes MSF de Tabarre. Haïti.
 © Guillaume Binet/MYOP
Wilfrid a été victime d'un coup de machette dans le quartier de Tabarre en octobre 2020. Des membres d'un gang l'ont attaqué alors qu'il était à moto. Son métier était tailleur et il ne peut plus travailler. Lui et sa famille ont dû déménager pour habiter dans un quartier plus sûr. Il a été pris en charge et suivi par les équipes MSF de Tabarre. Haïti. © Guillaume Binet/MYOP

À Cité-Soleil, la population se retrouve piégée par les conflits tandis que les principales voies d’accès à Port-au-Prince sont contrôlées par les gangs, au point qu’entrer ou sortir de la ville est devenu compliqué. 

S’ajoute à ce climat de guerre, des vols, des braquages et des enlèvements. « Depuis octobre 2020, une centaine de kidnappings a lieu par mois. Ils touchent tout le monde. C’est une violence diffuse qui peut toucher n’importe quel haïtien », ajoute Anne Chatelain. Soumis à un niveau de violence inouï, les Haïtiens n’ont d’autre choix que d’abandonner leur domicile pour fuir les affrontements entre gangs. Malgré le contexte sécuritaire complexe, les équipes MSF maintiennent leur présence dans le pays. L’ONU estime à 18 000 le nombre de personnes déplacées, accueillies soit chez des proches, soit dans des sites peu adaptés, comme des écoles ou des églises.

En novembre 2019, face à l’augmentation des violences à Port-au-Prince, MSF a rouvert son centre de traumatologie d’urgence d’une capacité de 50 lits dans le quartier de Tabarre. Celui-ci avait fermé quelques mois plus tôt après neuf années d’activités. « Plusieurs hôpitaux de Port-au-Prince sont censés prendre en charge les blessures traumatiques, mais les barrières financières empêchent les patients d’y accéder, développe Aline Serin. Tous nos lits sont déjà occupés par les victimes de cette violence ordinaire et lorsque des affrontements surviennent dans la ville, nous nous retrouvons débordés. »

Deux chirurgiens effectuent une amputation à l'hôpital MSF de Tabarre. Haïti. 2020. 


 

 © Guillaume Binet/MYOP
Deux chirurgiens effectuent une amputation à l'hôpital MSF de Tabarre. Haïti. 2020.    © Guillaume Binet/MYOP

Des équipes contraintes de s’adapter

En moyenne, plus de 60 % des patients pris en charge à l’hôpital de Tabarre sont des victimes de blessures par balles ou par armes blanches. « Nous recevons des cas très complexes nécessitant des soins urgents de traumatologie, explique Vladimir Romelus, chirurgien orthopédiste. C’est un projet qui sauve des vies, et beaucoup de ces patients mourraient s’ils ne recevaient pas ces soins. »

« Pour nos employés, le simple fait de devoir aller travailler est une prise de risque, car ils peuvent à tout moment être braqués, kidnappés ou être touchés par une balle perdue lors d’affrontements », déplore Aline Serin. En mai dernier, Moïse, un employé de l’hôpital de Tabarre a été abattu d’un coup de feu lors d’un braquage, alors qu’il venait de quitter son lieu de travail. « Ce drame a énormément affecté les équipes, qui n’ont que peu d’espoir dans l’avenir de leur pays, ajoute Alice Serin. Une fois rentrés de l’hôpital, certains de nos collègues ne sortent plus. L’un d’eux me racontait même avoir acheté une tablette électronique à son fils pour le dissuader de sortir le week-end. » 

« Tant que nous ne sommes pas directement ciblés, nous maintenons nos activités à Port-au-Prince. La violence constante implique cependant de réadapter nos activités et de rester très attentifs à la situation sécuritaire. La fermeture de nos projets serait catastrophique pour des milliers d’Haïtiens », conclut Aline Serin.

Notes

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