Quel bilan peut-on tirer des événements de la dernière semaine ?
C’est l’énième illustration de l’échec des politiques migratoires européennes. Quelques centaines d’exilés à bord des bateaux de sauvetage sont devenues l’enjeu d’une joute politique scandaleuse. Les personnes à bord du Geo Barents ont été contraintes de passer près de deux semaines en mer avant qu’un port de débarquement sûr leur soit octroyé, ajoutant ainsi de la souffrance et de la détresse à des trajectoires humaines souvent déjà tragiques. On peut se réjouir que l’ensemble de ces personnes ait finalement pu débarquer, et espérer qu’elles fassent l’objet d’une prise en charge adéquate. Mais nous constatons avec inquiétude la tentative des autorités italiennes de conditionner le débarquement des passagers du Geo Barents à une évaluation médicale. Comment peut-on penser que des rescapés de la traversée de la Méditerranée, qui fuient la violence, les abus et l’exploitation en Libye ne sont pas, par définition, vulnérables ? Heureusement les équipes médicales italiennes ont confirmé cela - ce qui, nous l’espérons, créera un précédent - : la reconnaissance que toute personne fuyant la Libye a droit à une forme d’accueil et d’assistance.
Cette séquence nous ramène aux entraves aux activités de secours en mer, aux campagnes de dénigrement et à la criminalisation des ONG œuvrant en Méditerranée que MSF, comme d’autres, a subi à partir de 2017, ce qui est notamment lié au récent changement de gouvernement en Italie.
Que répondez-vous à celles et ceux qui accusent les ONG de faciliter l’immigration clandestine ?
Je leur rappelle d’abord que si MSF et d’autres organisations humanitaires ont fait le choix d’affréter des bateaux de recherche et sauvetage (SAR) en mer Méditerranée, c’est pour pallier le manque de moyens de sauvetage européens, notamment après l’arrêt en 2014 de l’opération Mare Nostrum, que le dispositif européen Sophia n’a jamais été en mesure de remplacer. C’est un choix politique que d’avoir retiré tout dispositif de secours en mer efficace, puis d’avoir forcé le retrait de la plupart des navires humanitaires, en provoquant donc – et en assumant - un très grand nombre de décès en mer Méditerranée.
Je rappelle également qu’en 2022, les navires des ONG n’ont secouru que 15 % des personnes secourues en Méditerranée centrale. 85 % des personnes arrivées sur les côtes italiennes l’ont été par leurs propres moyens, ont été secourues par des bateaux commerciaux privés ou par les garde-côtes italiens.