Quelles sont les interventions des équipes MSF concernant les épidémies de rougeole ? Nous faisons face, depuis deux ans, à de nombreuses épidémies de rougeole. Nos équipes sont actuellement massivement mobilisées, en appui aux ministères de la Santé, au Malawi, au Zimbabwe, en Afrique du Sud et au Yémen. Des interventions ont été menées récemment dans la capitale du Tchad, N'Djamena, ou au Nigeria et en 2009 au Burkina Faso, en RDC (République démocratique du Congo), au Mali, en Somalie... Il n'y a rien d'étonnant à ce que des épidémies de rougeole surviennent dans des pays en guerre ou des zones en conflit, comme le nord du Yemen ou le nord de la RDC. Nous savons que dans ce contexte, le système de soins est déstabilisé et ne peut assurer correctement la prévention de la rougeole.
Mais je suis très surpris que nous ayons dû mener des interventions, parfois de très grande ampleur, dans des pays stables, comme le Malawi, le Burkina Faso, le Mozambique ou l'Afrique du Sud. Ces pays mènent depuis de nombreuses années des programmes de vaccination, soutenus par les bailleurs de fond, avec des objectifs ambitieux d'éradication des maladies entraînant une forte mortalité, comme la rougeole. Ces épidémies dans ces pays là ne sont pas normales, elles indiquent nécessairement un dysfonctionnement ou des faiblesses dans le système routinier de vaccination.
Le bilan d'une épidémie se compte en nombre de cas et de morts, quelles sont les autres conséquences à prendre en compte?
Le poids de ces épidémies est principalement supporté par les populations bien sûr, avec parfois des dizaines de milliers de malades au niveau d'un seul pays, et des centaines de morts. C'est aussi une charge lourde pour les ministères de la Santé. MSF intervient en support, avec une expertise et des moyens importants, mais les centaines d'équipes nécessaires aux campagnes de vaccination d'urgence sont mobilisées par les ministères de la Santé, parmi leur personnel que nous soutenons directement. Il est préoccupant de mobiliser des ressources aussi importantes pour des épidémies qui auraient dues être évitées. Ces interventions massives coûtent cher en termes de budget, puisqu'il faut vacciner des centaines de milliers voire des millions d'enfants. MSF mobilise des ressources importantes, des fonds comme des ressources humaines, pour répondre à ces urgences. C'est normal dans les zones de conflit, pas dans les pays stables. Nous ne pouvons pas être les pompiers des défaillances systémiques de ces programmes de prévention, il faut les analyser et proposer des correctifs.
Il faut donc intervenir en amont, analyser et répondre aux dysfonctionnements des programmes de vaccination. Quel est le rôle de MSF à ce niveau ?
Nous voulons alerter les différents acteurs impliqués dans la lutte contre la rougeole sur les défaillances du système. Par exemple, nous avons choisi à plusieurs reprises, pour des interventions sur des épidémies de rougeole, de solliciter des fonds de la part des bailleurs. C'est un moyen de les impliquer et les confronter au problème. Ils s'étonnent alors, compte-tenu du financement d'activités préventives contre la rougeole, de recevoir des demandes pour des interventions d'urgence, de devoir payer deux fois.
Ensuite, nous pouvons participer à l'analyse des dysfonctionnements avec tous les acteurs (OMS, Unicef, Global Alliance for Vaccination and Immunization, bailleurs, ministères de la Santé, ect.). Le nombre importants d'acteurs et le morcellement des responsabilités entraînent probablement une diminution de leur capacité à établir des priorités et aborder la question dans son ensemble. La critique constructive de programmes de prévention visiblement pas efficients ne doit pas être un tabou, elle doit permettre de les améliorer.
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