Côte d'Ivoire - Dans l'Ouest, toujours la peur qui les habite

A Guiglo un camp de déplacés  Mai 2011
A Guiglo, un camp de déplacés - Mai 2011 © Brigitte Breuillac

Bien que les opérations militaires soient terminées dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, des milliers de personnes n'ont pas retrouvé leur foyer. Installées dans des camps de déplacés, vivant dans des familles d'accueil ou cachées en brousse, ces personnes déplacées ont peur qu'éclatent de nouvelles violences.

« Nous avons quitté le village le 28 février. On a fait 14 jours en brousse, puis 10 jours à marcher pour arriver jusqu'ici à Guiglo. Toute la famille, on est 27 personnes. » Depuis, Honorine n'a pas quitté le camp de personnes déplacées situé derrière l'église Notre-Dame de Nazareth. Parents et enfants, dont une belle-sœur d'Honorine avec ses jumeaux de 7 mois, dorment sous les arbres. Mais cette famille ne compte pas pour le moment retourner dans son village qu'elle a fui près de Toulepleu, quand la ligne de front se rapprochait de cette ville de l'Ouest ivoirien. « Si ça va, on va repartir, dit Honorine, mais notre maison a brûlé. Alors... »

Alors la famille d'Honorine reste là, comme les très nombreuses autres familles qui se sont réfugiées dans ce camp à Guiglo et dans celui de Duekoué, à 30 km de là. Les violents combats se sont pourtant terminés fin mars, quelques jours avant la chute du régime de Laurent Gbagbo. Et la vie a repris son cours dans la plupart des villes de la région. « Mais il y a toujours la peur qui les habite », note un responsable du camp de Duekoué. Quelque 15 000 personnes y sont installées tandis qu'ailleurs, d'autres habitants qui ont fui les violences partagent le quotidien de familles qui les ont accueillies, ou se cachent en brousse.

« Les conditions sont pas très idéales, remarque Frédéric, un aide-soignant MSF qui travaille dans le camp de Duekoué. Malgré le fait qu'ils n'ont pas toutes les commodités de vie, les gens restent, ils ont peur des représailles. » Une manière pudique de dire que les gens sont entassés, dorment sous des bâches... Alors que la saison des pluies vient de commencer, avec comme corollaire le paludisme. Dans le dispensaire que MSF a ouvert début janvier dans le camp de Duekoué, beaucoup de mères amènent leurs enfants qui sont les premiers touchés par cette maladie.

Au fil des vagues de violences qui ont touché l'Ouest de la Côte d'Ivoire, des familles se sont installées dans le camp. En quatre mois, de janvier à avril, MSF y a donné plus de 13 300 consultations de médecine générale. Ce qui est considérable. Et les cas graves, comme les enfants souffrant d'une anémie sévère sur paludisme, sont envoyés à l'hôpital général de Duekoué.

MSF a rouvert dans cet hôpital le bloc opératoire où des blessés par balle ont été pris en charge, ainsi que le service pédiatrie et la maternité. C'est là aussi que l'équipe MSF donnant des consultations à Guiglo et dans des villages environnants réfèrent les patients ayant besoin d'une opération chirurgicale ou de soins hospitaliers. Car l'hôpital régional de Guiglo qui a été pillé n'a pas rouvert.

« Dans l'ouest, beaucoup de structures médicales ne fonctionnent pas du fait de l'absence du personnel de santé qui n'est pas revenu à son poste et aussi faute de médicaments, note Xavier Simon, chef de mission MSF. C'est pourquoi nous offrons des soins de santé dans les zones où l'accès demeure difficile jusqu'à aujourd'hui. » Des villages désertés ou des quartiers dans quelques villes portent les stigmates des violences interethniques : maisons détruites ou brûlées. La situation reste tendue vers la frontière libérienne. La peur plane d'être exposé à de nouvelles violences.

Des équipes mobiles MSF donnent des consultations dans les villages du côté de Toulepleu, Bloléquin, Bin-Houyé... Mais souvent les malades arrivent tard pour se faire soigner, les populations restant terrées dans leur abri précaire. Des enfants souffrent d'une anémie sévère, une complication du paludisme. Et lorsque les équipes voient, dans la zone située le long de la frontière libérienne, des patients dans un état grave, elles les transfèrent à l'hôpital de Bin Houyé. MSF soutient cet hôpital car là comme ailleurs dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, le système de santé a été ébranlé durant les longs mois de la crise post-électorale.

 

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