La traversée épique d’un réfrigérateur dans le nord de la RDC

Laboratoire de diagnostique de la maladie du sommeil installé dans l'hôpital de Bili en Province Orientale.
Laboratoire de diagnostique de la maladie du sommeil installé dans l'hôpital de Bili, en Province Orientale. © Stefan Dold/MSF

Parcourir les pistes boueuses de la forêt tropicale en moto et naviguer sur des rivières en crue, en pirogue, en portant un réfrigérateur, un microscope et un générateur n'est pas une tâche facile. C'est pourtant le défi qu’ont relevé pour les quatre prochaines semaines le coordinateur de projet MSF Will Turner et son équipe ; une expédition vouée à tester 40 000 personnes contre la maladie du sommeil ou THA (trypanosomiase humaine africaine) dans les villages reculés de la République démocratique du Congo (RDC).

La ville de Bili, dans l'extrême nord du pays, se situe dans une zone fortement boisée entre la rivière Uélé et la frontière avec la République centrafricaine. La région est un foyer mondial de la THA, une maladie mortelle transmise par la mouche tsé-tsé, mais la région est si difficile à atteindre que le problème a longtemps été ignoré.

85% des cas de cette pathologie se trouvent en RDC. « Nous sommes venus dans cette zone car elle est située dans le foyer le plus actif de la maladie du sommeil dans le monde, explique Will Turner, mais cette maladie mortelle n'est tout simplement pas pris en charge ici en raison de l'insécurité et de l'enclavement de la région. »

Début avril 2013, l'équipe mobile du projet MSF contre la maladie du sommeil a installé une salle de laboratoire et de traitement à l'hôpital de Bili et a commencé à tester les populations locales. Une fois que toute la population de la ville sera testée, l'équipe tournera son attention vers quelque 50 villages répartis dans la forêt tropicale environnante. Les personnes diagnostiquées positif à la maladie - mortelle si elle n'est pas traitée - seront transférées à l'hôpital de Bili.

Défi logistique

« L'équipe sera sur la route pendant trois à quatre semaines d'affilée, explique Will. Parfois, ils se déplaceront à moto le long de sentiers à peine accessibles, à travers la forêt. Ils passeront dans un nouveau village chaque jour et dormiront dans des tentes. Grâce à cette stratégie de proximité, nous espérons pouvoir atteindre et soigner plusieurs centaines de patients infectés. »

Les défis logistiques sont énormes. Approvisionner Bili en fournitures peut prendre jusqu'à un mois. Les petits avions utilisés atterrissent sur une piste improvisée dans la forêt et ne peuvent apporter que de faibles quantités de fournitures à la fois. Les camions doivent être chargés sur des radeaux pour traverser les rivières, alors que les pistes boueuses sont souvent bloquées par des arbres renversés. Pendant la saison des pluies, de nombreux villages sont complètement inaccessibles.

En plus des considérations logistiques, le test pour la maladie du sommeil est complexe et comporte plusieurs composantes qui doivent être refroidies en permanence, de sorte qu'un générateur et un réfrigérateur sont nécessaires, même dans les zones les plus reculées. Pour établir un diagnostic, des techniciens de laboratoire expérimentés ont besoin d'outils sensibles tels que des microscopes et des centrifugeuses, qui doivent également être transportés à travers la forêt tropicale.

Un difficile combat contre la maladie

Mais l'équipe mobile est prête à relever ces défis, qu’elle a déjà expérimentés lors de mission similaires au Soudan du Sud, au Tchad, en République centrafricaine, en République du Congo et ailleurs en RDC.

A Bili, Will et son équipe espèrent terminer ce qui a été commencé il y a quatre ans, quand une équipe MSF a dépisté et traité 120 patients atteints de la maladie du sommeil dans la région en seulement trois mois, avant que le projet ne doive être suspendu pour des raisons de sécurité. A quelques heures de vol de là, une autre équipe MSF est à pied d’œuvre pour endiguer la maladie du sommeil dans et autour des villes de Dingila et Ango.

« En dépistant et traitant les patients sur une large zone, nous sauvons avant tout des vies mais nous réduisons également la prévalence de la maladie » explique le coordinateur de projet. « Chaque personne traitée est un pas dans la bonne direction. »

Mais la difficulté du terrain, les contraintes logistiques et l’insécurité régionale ne sont pas les seuls défis. « Tant qu’il n’y aura pas d’outils de diagnostic et de traitement plus simples et mieux adaptés ainsi que des financements fiables pour les programmes nationaux, l’élimination de la maladie continuera d'être un combat difficile », conclut Will.

Notes

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