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Syrie : dans le nord-ouest, des soins maternels peu accessibles et menacés par le manque de financement

Une infirmière MSF de l'hôpital de Marea, une ville située à 25 kilomètres au nord d'Alep, auprès d'un nouveau-né. Syrie. Juillet 2024.
Une infirmière MSF de l'hôpital de Marea, une ville située à 25 kilomètres au nord d'Alep, auprès d'un nouveau-né. Syrie. Juillet 2024. © Abdulrahman Sadeq/MSF

Dans le nord-ouest de la Syrie, la guerre qui dure depuis 13 ans, le tremblement de terre de février 2023 et le manque de soutien international pour reconstruire les infrastructures de santé privent les femmes enceintes et les jeunes mères d’un accès adéquat et digne aux soins de santé maternelle.

« Il n’y avait pas d’ambulance près de chez moi », explique Mariam Daher, une femme de 33 ans prise en charge pour une fausse couche dans un hôpital soutenu par MSF dans le nord-ouest de la Syrie. Elle et son fils de 18 ans ont parcouru 20 kilomètres à moto pour rejoindre l’hôpital. « J’étais déjà épuisée quand je suis arrivée ici, et maintenant je me demande comment je vais rentrer chez moi après l’intervention. » 

Manque d’hôpitaux fonctionnels

Avant la guerre, les habitants du nord-ouest de la Syrie avaient accès à de nombreuses structures de santé, mais les bombardements et les combats ont détruit bon nombre de ces installations. Aujourd'hui, les femmes dépendent d'un faible nombre d'établissements fonctionnels, situés à une distance parfois considérable de leur domicile. 

« Lorsque la date prévue pour l'accouchement de ma belle-fille est arrivée, nous nous sommes précipitées vers l'hôpital le plus proche, mais celui-ci était fermé. Le gardien de l’hôpital nous a expliqué que c’était en raison d’un manque de financement. Nous avons tenté d’aller dans la ville voisine, mais nous n’avons pas pu en raison des combats », explique Aisha Mansour, 61 ans. 

Selon l'Onu, la moitié des structures de santé fonctionnelles dans la région pourraient s’arrêter complément ou partiellement en décembre 2024 en raison du manque de financement. Les soins de santé maternelle sont limités en raison du manque de médecins spécialisés, d’équipements médicaux et de médicaments. « Cette région manque cruellement d’obstétriciens-gynécologues, déplore Chiara Martinotta, référente médicale MSF. Les établissements de santé fonctionnels sont surchargés. » 

Contraintes d'accès aux soins de santé

Les femmes enceintes sont souvent obligées d’être accompagnées par un homme lorsqu’elles se rendent dans des établissements de santé, et doivent obtenir le consentement d’un parent masculin avant d’envisager de se faire soigner. Cela peut entraîner des retards de prise en charge ou empêcher des femmes d’atteindre une structure de santé à temps si un accompagnateur n’est pas disponible. 

« Nous avons reçu une femme décédée à la suite d’une grave hémorragie, explique Fatima Al-Nassan, superviseure des sage-femmes MSF dans le nord-ouest de la Syrie. Sa mère nous a dit qu’il y avait un établissement de santé à proximité, mais le mari a insisté pour l’emmener chez une sage-femme traditionnelle. »  

Les contraintes domestiques imposées aux femmes, comme s’occuper des enfants ou gérer les tâches ménagères, limitent considérablement leur capacité à donner la priorité à leur propre santé. Elles peuvent également être confrontées à la stigmatisation sociale et à la peur d’être jugées, ce qui les empêche ou les retarde dans leur recherche de soins médicaux pendant leur grossesse. 

Un nouveau-né dans un incubateur de l'unité MSF de l'hôpital Al-Kindy à Idlib. Juillet 2024.
 © Abdulrahman  Sadeq/MSF
Un nouveau-né dans un incubateur de l'unité MSF de l'hôpital Al-Kindy à Idlib. Juillet 2024. © Abdulrahman Sadeq/MSF

« Beaucoup de femmes regrettent d’être enceintes. Elles sont critiquées par la société en raison des mauvaises conditions dans lesquelles elles vivent et de la dureté de la vie dans les camps. Certaines personnes pensent qu’avoir plus d’enfants ne ferait qu’aggraver les difficultés de leur famille », explique Kawthar Ali, une mère de 23 ans déplacée d’Alep. Deux millions de personnes habitent dans des camps de déplacés dans le nord-ouest de la Syrie. 

En raison des contraintes sociales locales, certains modes de contraception, comme les dispositifs intra-utérins ou les implants, ne sont pas fournis sans le consentement signé du mari dans les structures soutenues par MSF. Les grossesses précoces restent également un problème important : en 2024, une fille sur quatre admise dans les maternités soutenues par MSF avait 19 ans ou moins. 

L’impact des difficultés économiques

« J’ai dû acheter les médicaments dans une pharmacie privée parce que l’hôpital n’en avait pas, explique Khalid Yusuf, une personne déplacée vivant dans la région de Jandaris et père de sept enfants. Nos conditions de vie sont mauvaises. Je n’ai pas les moyens d’acheter des médicaments. » 

Unité de soins néonatals de l'hôpital de Marea soutenu par MSF. Septembre 2024.
 © Abdulrahman  Sadeq/MSF
Unité de soins néonatals de l'hôpital de Marea soutenu par MSF. Septembre 2024. © Abdulrahman Sadeq/MSF

En raison de l’inflation, de nombreuses familles ne peuvent pas se permettre des consultations privées ou des interventions chirurgicales. D’autre part, en août 2023, le groupe de travail de l’Onu sur la nutrition dans le nord-ouest de la Syrie a estimé que 7 à 15 % des femmes enceintes et allaitantes dans les gouvernorats d’Idlib et d’Alep étaient probablement mal nourries.  

Dans de nombreux camps de déplacés où MSF travaille, une famille sur cinq ne compte aucun homme adulte dans le foyer. Avec la perte des soutiens masculins et l'augmentation du coût de la vie, de nombreuses femmes enceintes sont obligées de participer aux travaux agricoles, ce qui augmente souvent les risques pour leur santé et celle de leur enfant. 

Les femmes enceintes et les nouvelles mères vivant près des lignes de front sont confrontées aux dangers permanents d'être prises entre deux feux, d'être victimes de violences ou d'être détenues. Les déplacements sont fortement limités par les points de contrôle, les couvre-feux et les opérations militaires. 

Depuis 2023, les équipes MSF dans le nord-ouest de la Syrie ont assisté plus de 25 500 accouchements, pratiqué plus de 5 500 césariennes et effectué plus de 111 000 consultations maternelles. Cependant, les besoins croissants en soins de santé maternelle dépassent de loin les capacités médicales actuelles, d’autant plus que les financements continuent de diminuer. 

MSF a démarré la construction d’une nouvelle maternité dans la région de Jandaris pour aider à remédier à la grave pénurie de soins de santé maternelle. L’hôpital fournira des services tels que des soins prénatals et postnatals, une prise en charge des accouchements et des soins obstétriques d’urgence. De plus, les équipes MSF soutiennent le service de maternité de l’hôpital Al Shahba’a dans la ville de Marea, en proposant des césariennes, des interventions chirurgicales et des soins néonatals. 

« Il est urgent de s’attaquer aux obstacles qui empêchent ou retardent l’accès aux soins pour les femmes enceintes dans le nord-ouest de la Syrie, déclare Siham Hajaj, cheffe de mission MSF dans le nord-ouest de la Syrie. Avec toutes ces coupes budgétaires, la situation ne fera que se détériorer. MSF exhorte les bailleurs internationaux à reconnaître ces besoins importants et à accroître leur soutien, en allouant des ressources suffisantes. » 

Notes

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