Tribune du Dr Marie-Pierre Allié, présidente de MSF : "Des fonds pour la santé"

Alors que François Hollande rencontre David Cameron, Philippe Douste-Blazy, la présidente de Médecins Sans Frontières et la banquière Arielle Malard de Rothschild demandent au président de la République de donner l'exemple en mettant une partie de la taxe sur les transactions financières au service de la solidarité avec les pays pauvres.

 

Des fonds pour la santé : une occasion unique avec la taxe sur les transactions financières

Conflits, catastrophes naturelles, épidémies, défaillances des systèmes sanitaires... Chaque jour, les équipes médicales de Médecins Sans Frontières s'efforcent d'apporter leurs soins à des populations oubliées. Ce faisant, elles sont régulièrement confrontées aux limites du système de financement international des politiques de santé publique, tant en termes de montant que de pérennité des fonds disponibles. Cette situation trouve un écho particulier dans les discussions actuelles sur l'utilisation des revenus dégagés par une taxe sur les transactions financières. Ces ressources constitueraient un formidable levier dans plusieurs domaines de la santé publique, qu'il s'agisse d'investissement visant à stimuler la recherche et le développement (R&D) pour les maladies affectant les populations du Sud ou de financement de priorités de santé comme la lutte contre la malnutrition ou les programmes de prise en charge du VIH/sida.
 

Sur nos terrains d'intervention, les médicaments, les outils diagnostiques et les vaccins dont nous avons besoin pour traiter les patients sont souvent indisponibles, inadaptés ou hors de prix. Cette inadéquation des moyens montrent à quel point les efforts entrepris jusqu'à présent pour combler le manque de R&D ont été ponctuels et insuffisants. Nous devons mettre au point de meilleurs traitements pour les maladies négligées, développer de nouveaux médicaments pédiatriques pour le VIH/sida... Investir des ressources en R&D est une priorité pour découvrir de nouveaux outils capables de réellement transformer les pratiques médicales.
 

Un autre exemple concerne la lutte contre le VIH/sida. Après plusieurs années d'une mobilisation politique ayant permis l'accès aux traitements de 6,6 millions de personnes, la tendance s'est inversée. Le Fonds Mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme n'a pas reçu les fonds nécessaires à l'extension de ses programmes de prise en charge, alors même que les traitements sont désormais unanimement reconnus comme primordiaux dans le contrôle de la transmission du virus. Quand 9 millions de personnes attendent encore d'être traitées, le désengagement des bailleurs de fonds compromet les efforts déjà fournis dans les pays les plus affectés.
 

La taxe sur les transactions financières constitue donc une occasion unique de disposer de fonds pérennes, suffisants et prévisibles pour répondre efficacement aux principaux enjeux de santé publique dans les pays en développement.
 

Il s'agit là d'une opportunité sans précédent. Depuis plus de dix ans, les organisations de la société civile se battent pour faire accepter l'idée d'une telle taxe. Déclarée techniquement et politiquement irréalisable par les cercles décisionnaires pendant longtemps, la taxe fait désormais l'objet d'une attention politique soutenue. Dans le contexte de crise économique mondiale, sa faisabilité n'est plus débattue, elle est même devenue souhaitable. C'est l'affectation des revenus de cette taxe qui est aujourd'hui au centre des discussions, et la tentation de l'utiliser uniquement pour réduire les déficits publics est présente à tous les esprits.
 

En introduisant une taxe sur les transactions financières nationale dès cette année, la France a déjà envoyé un signal politique fort. En allouant une partie de la taxe nationale aux principaux enjeux de solidarité internationale et de santé, le Président de la République jetterait les bases d'une affectation similaire de la future version européenne de cette taxe. L'ébauche d'une véritable politique de redistribution pionnière et ambitieuse à l'échelle internationale.
 

Le gouvernement français nouvellement élu est à présent face à une occasion historique : celle de pouvoir enclencher une dynamique de lutte efficace et durable contre des maladies responsables de plusieurs millions de morts.

Notes

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