2016 : les équipes MSF auprès des plus vulnérables. Rétrospective annuelle des actions de Médecins Sans Frontières

12 mois d'actions en images
Focus sur…
Une année aux côtés des réfugiés sur les routes d’Europe
Chaque année, la violence et le désespoir poussent des milliers de personnes à risquer leur vie dans un voyage dangereux à travers la mer Méditerranée et au sein de l’Union Européenne.
MSF se mobilise pour apporter soutien et soins à ces hommes, ces femmes et ces enfants, notamment en Grèce et en France.
L’accueil en Grèce
MSF est intervenue dans plusieurs villes et îles de Grèce tout au long de l’année 2016. Sur l’île de Samos, nos équipes ont accueilli les migrants et réfugiés venant de Turquie au moment où ils débarquaient sur les côtes.
Elles leur dispensaient les premiers soins et distribuaient de l’eau, des biscuits et des couvertures avant de les emmener en bus à Vathy, où se faisait leur enregistrement. À Vathy, l’équipe a donné des consultations médicales et dispensé des soins de santé mentale.
MSF a déployé des activités similaires à Agathonisi, une petite île de 120 habitants où des réfugiés accostaient également.

Des soins et des abris en France
Grande-Synthe, camp de réfugiés ou décharge à ciel ouvert ?
À Calais, les équipes ont effectué des consultations médicales et ont installé des douches et des latrines sur le site de « la Jungle » où des exilés syriens, afghans, érythréens ou encore irakiens vivaient dans des conditions insalubres. En mai 2016, ils étaient environ 5 000 à survivre dans « cette décharge à ciel ouvert ».
Dans le camp de Grande-Synthe, situé à 6km de Dunkerque, 2 500 personnes, dont nombre de familles avec de jeunes enfants, étaient contraintes de camper dans la boue et le froid. Face à ce constat, MSF, qui y avait déjà déployé des activités médicales, a décidé en janvier 2016 d’aménager un nouveau site comprenant des abris en bois chauffés, des douches et des toilettes.
« La seule chose dont nous pouvons nous targuer, c’est d’avoir, avec d’autres ONG et collectifs présents sur Grande-Synthe, sorti des gens de la boue et de l’indignité dans laquelle les autorités les ont maintenus. Maintenant le problème reste entier. Ce camp n’est que la démonstration qu’avec un minimum de ressources, il est possible de proposer des conditions de vie sommaires mais décentes à des gens qui n’ont pas vocation à y rester », André Jincq, responsable des interventions auprès des réfugiés pour MSF.

En direct du terrain
Prince a fui le Nigeria pour la Libye, il y a 10 ans. Quand la guerre a éclaté en Libye, il a fui vers l’Italie. Après un an et demi, alors que sa demande d’asile est rejetée, il part en France. Au bout de quatre ans, il se décide à tenter de rejoindre l’Angleterre et arrive à Calais.
Prince, 26 ans
« Je veux aller là où sont les miens, c’est-à-dire en Angleterre. J’ai beaucoup souffert. Où que j’aille, il y a des problèmes. Dès que je mets le pied quelque part, il y a un problème. La chance est contre moi, je ne sais pas pourquoi. Je continue d’essayer... Je continuer de bouger. »
À Calais comme sur les îles en Grèce, MSF a été présente en plusieurs endroits clés du parcours des réfugiés et demandeurs d’asile.
Suite à l’entrée en vigueur de l’accord sur les réfugiés conclu par l’Union européenne et la Turquie, Médecins Sans Frontières a décidé de suspendre ses activités liées au « hotspot » de la Moria, sur l’île de Lesbos ainsi que le transport des réfugiés vers le « hotspot » sur l’île de Samos.
Entretien avec André Jincq, responsable des interventions auprès des réfugiés pour MSF
« La première chose que nous devrions distribuer, ce sont des pinces coupantes. »
André Jincq, responsable des interventions auprès des réfugiés pour MSF

« Que dire du sort des réfugiés, enfermés derrière des grilles, prisonniers d’un calcul mathématique étriqué, désormais forcés d’embarquer sur les bateaux après avoir parfois pris tous les risques pour fuir la violence ? On peut légitimement craindre l’accroissement de tensions déjà vives, nourries par une politique funeste imposée d’en haut, et par laquelle on demande aux Grecs, bénévoles et solidaires des migrants ainsi qu’aux organisations d’aide, tantôt de baisser les bras, de fermer les yeux ou de servir d’auxiliaires dans l’application de décisions toujours plus inhumaines. »
Une année au plus près des victimes de conflits armés
Libye


Khaled Almnfe, chef de mission adjoint de MSF en Libye :
« 80 % des hôpitaux du pays ont réduit leurs activités et n’assurent plus que les urgences. Seules la maternité et les urgences fonctionnent encore, mais avec des difficultés parce qu’il n’y a pas assez de personnel médical. La plupart du temps, ils demandent aux patients d’amener le matériel médical.
Imaginons que ma femme est sur le point d’accoucher, je l’amène à l’hôpital, mais je dois m’arrêter en chemin dans une pharmacie privée pour acheter du matériel alors que les soins devraient être gratuits à l’hôpital.
Tout cela est devenu problématique pour l’accès aux soins dans tout le pays, et pas seulement dans quelques villes. »
République Centrafricaine


Adama, 12 ans, a rejoint l’enclave de Carnot après avoir fui sa ville natale de Gueng :
« C’est parce que les anti-balaka* sont venus que nous sommes partis. Je suis venue avec ma mère et mes deux frères. Les anti-balaka ont tué mon père. Ici, si quelqu’un veut amener des problèmes, nous lui disons non. Il n’y a pas de divisions entre nous. Nous lui rappelons ce qui est arrivé et que le passé appartient au passé.
Selon moi, nous sommes bien à Carnot par rapport à Gueng. À Gueng, on tuait les gens sous nos yeux. Ceux qui sont partis avant et qui n’ont pas vu l’attaque peuvent y retourner. Mais nous, ils ont tué mon père sous nos yeux. »
* Les anti-balaka désignent les milices d’auto-défense mises en place par des paysans et apparues en République centrafricaine en 2009 pour lutter contre les coupeurs de route.
Yémen


Céline Langlois, coordinatrice d’urgence pour MSF au Yémen :
« Les avions au-dessus de nos têtes maintiennent les gens en alerte, empêchent les enfants de dormir, réveillent les bébés au milieu de la nuit, et surtout, tuent des personnes.
Les Yéménites ont appris à vivre avec, nous avons fait de même. L’avion survole la ville, lâche une bombe et s’en va, et puis revient. Il peut rester dans le ciel pendant quatre heures, rendant tout le monde nerveux. Tout ce que les gens souhaitent, c’est que l’avion vide sa cargaison mortelle et s’en aille pour qu’ils puissent reprendre leur vie. Tous les jours, des bombes sont lâchées au Yémen et c’est comme cela que tout le monde vit. »
Nigéria


Fatima s’est réfugiée avec sa famille à Mairi Kuwait, quartier de Maiduguri, après l’attaque de son village par Boko Haram. Elle a été prise en charge par les équipes de MSF :
« Mon enfant est malade. J’ai quitté Mairi Kuwait, tôt ce matin. Je suis venue à pied. Quand je suis arrivée, j’avais faim et ma fille aussi. Nous étions assoiffées. Elle allait très mal. Comme je n’ai pas d’argent, j’ai dû faire ce long trajet pour venir ici. Je suis partie à 6h du matin et je suis arrivée ici à 3h de l’après-midi.
Quand nous sommes arrivées, ils nous ont donné des médicaments. Ma fille réagit bien au traitement. Maintenant elle va mieux.
J’ai laissé mes autres enfants chez moi. Je ne sais pas s’ils pourront manger. C’est leur père qui s’occupe d’eux. Il vend de l’eau mais il ne gagne pas beaucoup d’argent.
Quand je partirai d’ici, je ne saurai pas quoi faire. Je n’ai pas d’argent. Je ne sais pas comment rentrer. »