« Le choléra, une maladie qui ne date pas des inondations »

Gulabad Pakistan  août 2010
Gulabad, Pakistan - août 2010 © Ton Koene

Le Dr Mathilde Berthelot est responsable médicale pour le Pakistan au siège de Médecin Sans Frontières. Suite aux inondations qui ont lourdement frappé le pays, elle évoque les risques médicaux auxquels sont désormais exposés les habitants des zones affectées.

Quelles sont les principales difficultés médicales qui pourraient survenir dans le sillage des inondations au Pakistan ?
De nombreux centres de santé se sont retrouvés inopérants les premiers jours des inondations, parce qu'inondés ou dépourvus de leur personnel. La priorité a donc été de les remettre en état tout en assurant des consultations de médecine ambulatoire.

Pour ce qui est des pathologies liées aux inondations, on retrouve de nombreux cas de traumatismes et de plaies, pour lesquels il peut y avoir un risque associé de tétanos. Le réapprovisionnement en vaccins et la remise en route de l'électricité dans ces centres, afin d'y maintenir une chaine de froid, contribue à lutter contre ce risque.

Il n'y a pas pour le moment de cas de rougeole confirmé, ce qui est craint lors de déplacements massifs et de regroupements de populations, mais il faudra prendre en compte ce risque à l'entrée de l'hiver, si les personnes déplacées ne sont pas rentrées chez elles.

Enfin, les conditions sanitaires extrêmement précaires suite aux inondations favorisent l'apparition d'infections cutanées et de maladies diarrhéiques, dans un pays où le choléra est endémique, surtout si un approvisionnement correct en eau et des mesures d'hygiène et d'assainissement ne sont pas assurés.

Le choléra ne serait donc pas apparu avec les inondations ?
Non, le risque existait avant. Le choléra est une maladie diarrhéique d'origine bactérienne endémique au Pakistan, liée au « péril fécal » : la pénurie d'eau qui accompagne la fin de la saison sèche oblige dans certaines zones du pays de nombreuses personnes à s'approvisionner à des points d'eau parfois contaminés par les eaux usées.

Un mois avant les inondations, nos équipes avaient déjà ouvert un centre de traitement des diarrhées aiguës aqueuses dans l'enceinte de l'hôpital de Hangu, dans le district de Kohat, en réponse à une épidémie. Ouvert le 10 juillet, nous avons depuis traité 1 000 cas suspects de choléra, dont 325 atteints de déshydratation sévère.

Est-il possible de prévenir la propagation de la maladie ?
Dans certaines régions du Pakistan, l'insécurité ou les contraintes géographiques restreignent l'accès aux structures de santé, tant pour les patients que pour les soignants, humanitaires ou personnels du ministère de la Santé. Or, si un cas avéré de choléra n'est pas pris en charge à temps, la déshydratation peut s'installer très rapidement - notamment chez les personnes les plus vulnérables telles que les enfants, les personnes âgées ou les femmes enceintes - et entrainer le décès. D'autre part, un cas avéré représente un risque de contamination important pour son entourage.

Dans certaines régions où nous travaillons, de nombreuses zones sont inaccessibles en raison de la configuration géographique ou de la présence de groupes armés. Il est donc impossible d'y faire une recherche active des cas ou de lutter activement contre les risques de transmission potentiels.

Une autre difficulté réside dans la nécessité d'une veille épidémiologique, indispensable pour quantifier mais aussi qualifier la nature des cas rencontrés. Or, si le choléra fait partie des pathologies à déclaration obligatoire, le manque de moyens de communication rend la collecte d'information très aléatoire.

Il faut aussi s'assurer en début d'épidémie de la confirmation des cas suspects par des analyses biologiques, sachant que de nombreuses autres causes peuvent engendrer des diarrhées aiguës similaires au choléra, sans en avoir la gravité. Le profil général de la situation sanitaire n'est donc pas clairement défini et l'ampleur réelle du problème est difficile à chiffrer.

Les inondations actuelles favorisent-elles l'augmentation du nombre de cas ?
Les structures de santé publiques et privées ont été endommagées et souffrent du manque de personnels et d'approvisionnement en médicaments. Cela risque de compliquer la prise en charge des cas les plus sévères, surtout en zone rurale.

Depuis le début des inondations, le manque d'eau potable et le manque d'hygiène sont les principaux facteurs qui risquent d'accélérer la transmission de la maladie, qui se fait essentiellement par le toucher d'excrétas contaminés.

Sans tomber dans l'alarmisme, le risque de propagation est donc à surveiller, d'autant que beaucoup de personnes vivent désormais regroupées dans des lieux publics, souvent dans la promiscuité et l'insalubrité, suite à la perte de leur maison.

Dans les jours qui ont suivi le début de la catastrophe, nous avons donc mis en place des dispositifs tant logistiques que médicaux, pour parer à l'éventualité d'une épidémie de diarrhée et heureusement, les hôpitaux et les centres de santé se remettent à travailler petit à petit.

Quel dispositif peut-on mettre en place en cas de recrudescence des cas de choléra ?
La stratégie de réponse peut s'envisager à plusieurs niveaux. Dans les zones où nous ne pouvons accéder, en raison des conditions climatiques ou de l'insécurité, nous tentons de nous appuyer au maximum sur les réseaux locaux en place. Ainsi, la sensibilisation et la prévention via des agents de santé communautaires permettent de détecter les cas, de diagnostiquer le degré de sévérité de la maladie afin d'éventuellement référer les patients, tout comme de donner des conseils d'hygiène de base et de prévention.

Pour les zones accessibles, la prévention passe par l'approvisionnement en eau potable et articles d'hygiène, et sur le plan médical, il s'agit de mettre en place des structures de prise en charge et de traitement des cas de diarrhée aigué. Pour les cas les plus simples, non déshydratés, une consultation médicale détermine le traitement approprié : distribution de solutions de réhydratation orale et de comprimés destinés à permettre aux patients de purifier l'eau.

Les personnes présentant des signes de déshydratation modérée sont gardées en observation afin d'identifier la sévérité du cas et d'organiser l'hospitalisation si nécessaire.
Les cas les plus sévères sont hospitalisés afin d'être réhydratés par voie veineuse et d'être isolés de manière temporaire, dans le but de protéger leur entourage.

 

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Notes

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